Cas n° 3 : saut à la perche
Les faits
La jeune Amandine, (CM2) lors d'un cours d'initiation à l'athlétisme a été victime d'un traumatisme cranio-facial sévère. Elle effectuait un exercice d'initiation au saut à la perche consistant, à partir d'une hauteur de 1, 10 m, à prendre appui sur le sol avec une petite perche pour se réceptionner sur un tapis de sol. À la suite d'une impulsion mal négociée elle a été déportée vers l'extérieur du tapis et a percuté le sol.
Argumentaires des parties
Les parents de la jeune élève sollicitent la reconnaissance de la responsabilité de l'État en raison de la faute de l'enseignant. Ils exposent que les protections mises en place étaient insuffisantes, en raison de l'absence de tapis de réception qui auraient du être disposés latéralement. De plus l'exercice s'exerçait sous la surveillance de l'enseignant mais sans assistance directe. Ils ajoutent qu'il convient également de retenir la responsabilité de l'école dans la mesure où les protections n'étaient pas suffisantes : l'administration n'a pas mis à disposition de l'instituteur la quantité de matériel (tapis de protection) nécessaire pour ces pratiques.
Le préfet soutient que l'enseignant n'a commis aucune faute engageant sa responsabilité et par conséquent celle de l'État. Il ajoute que la surveillance individuelle des élèves est impossible et que le découpage de la classe en ateliers est une pratique prévue par les programmes. En outre, le professeur se trouvait au centre pour surveiller l'ensemble des ateliers. L'activité proposée ne comportait aucun danger : il s'agissait d'une initiation sportive adaptée à des élèves de 11 ans, les consignes avaient été données et un tapis de réception particulièrement large avait été installé. Enfin, les faits revêtent un caractère imprévisible qui exonère l'enseignant de toute responsabilité.
La décision
Par application des dispositions de l'article 1384 alinéas 6 et 8 du Code civil la faute commise par un membre de l'enseignement public doit avoir concouru à la production du dommage.
En l'espèce, les parents reprochent à l'enseignant une faute de surveillance augmentée d'une faute personnelle se traduisant par l'insuffisance des dispositifs de protection mis en place.
Or, Amandine, à la suite d'une impulsion mal négociée, a été déportée à l'extérieur du tapis et a percuté le sol. Les enfants, compte tenu de leur âge, ne pouvaient avoir une pleine maîtrise de leurs mouvements vu la hauteur à laquelle l'exercice était pratiqué. Celui-ci consistait à être en équilibre sur une perche avant de retomber sur les deux appuis. Cet exercice présentait une dangerosité certaine qui nécessitait des mesures de prévention particulières, notamment un dispositif de sécurité important et une présence humaine pour assurer la bonne réception de l'élève.
Quand bien même il serait considéré que l'organisation de l'activité en ateliers peut être considérée comme un élément pédagogique, il est constant que l'enseignant n'invoque pas dans son rapport d'accident avoir organisé la parade pour chaque acteur du fait de son éloignement de l'atelier.
Une autre élève atteste que l'instituteur n'est intervenu qu'après avoir été appelé par elle, ce qui démontre qu'il n'effectuait pas une surveillance attentive de chacun des groupes. En outre, une autre déclaration précise qu'il n'y avait pas de tapis de sol à droite et gauche de l'axe de saut, au-delà de l'envergure du tapis central qui s'est révélé insuffisant lors de la chute d'Amandine.
Enfin, une mauvaise impulsion de la part d'une élève de cet âge constitue une défaillance prévisible susceptible d'entraîner un déport latéral de la mini-perche et de dévier sa trajectoire. Cette défaillance ne peut être considérée (une perche qui dévie de sa trajectoire) comme un cas de force majeure exonérant l'enseignant de sa responsabilité.
Dès lors l'instituteur qui assumait le cours d'initiation à la mini-perche n'a pas organisé sa séance avec le matériel adéquat et n'a pas structuré sa séquence de manière assez rigoureuse.
La responsabilité de l'État substituée à celle de l'enseignant est donc retenue.
Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS,
Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II.