Cas n° 3 : Corde
Les faits
Le jeune Sébastien a été blessé par une corde lors d'une séquence d'éducation physique et sportive. Lors de l'échauffement, l'un de ses camarades, Julien, faisait tournoyer une corde qui est venue violemment frapper son œil droit. Une ulcération cornéenne a été diagnostiquée.
Argumentaire des parties
Les parents de Sébastien recherchent la responsabilité des parents de l'élève qui faisait tournoyer sa corde, mais aussi la responsabilité de l'État. Ils considèrent que l'enseignant a commis une faute de surveillance en laissant le jeune garçon s'amuser avec sa corde sans lui donner de consignes précises.
Les parents de Julien répondent qu'il n'apparaît pas des faits, tels que versés aux débats, que leur fils ait transgressé les directives et se soit amusé à utiliser la corde comme un moulinet dangereux. Ils estiment que leur enfant n'a pas commis de faute en lâchant l'extrémité de la corde qui lui a été remise dans un contexte sportif et scolaire. Ils considèrent que l'enseignant a été fautif, en ne donnant pas les directives précises qui s'imposaient après avoir distribué les cordes à sauter.
M. le préfet fait valoir que l'accident s'est produit de façon soudaine et fortuite alors que le jeune garçon utilisait normalement la corde à sauter de telle sorte que, ni l'enseignant ni l'élève n'auraient pu empêcher l'accident. Il ajoute que l'instituteur ne peut être reconnu responsable du dommage causé par un élève s'il résulte d'un mouvement imprévisible. La soudaineté des faits a été telle qu'il était impossible d'éviter l'accident.
La décision
Il apparaît à la lecture du rapport d'accident que celui-ci s'est produit alors que les élèves sautaient individuellement à la corde comme il leur avait été demandé en vue de leur échauffement.
Sur la responsabilité des parents de Julien
Les deux enfants se trouvaient l'un à côté de l'autre lorsque la corde que Julien faisait tournoyer autour de lui, s'est échappée de sa main droite venant percuter l'œil de Sébastien. Après l'accident Julien est venu s'excuser auprès de son camarade. Son attitude était normale, le maître ne faisait pas par ailleurs état d'un comportement particulier de cet élève qui se bornait manifestement à faire « tourner » ou « tournoyer » sa corde autour de lui. Ce jeune garçon n'a pas eu un comportement répréhensible mais la responsabilité de ses parents se trouve cependant engagée.
Sur la responsabilité de l'enseignant
La surveillance à laquelle sont tenus les enseignants doit s'entendre dans un sens large, elle comporte non seulement la vigilance immédiate mais encore les précautions nécessaires prises bien avant l'accident pour que la surveillance soit générale et efficace. Le devoir de surveillance varie également suivant la nature de l'enseignement et durant les séquences d'éducation physique les enseignants sont tenus à une vigilance constante, ils doivent prendre des précautions adaptées aux difficultés et au danger des exercices demandés.
Dans ce cas, l'enseignant souhaitait faire effectuer à ses élèves un exercice de saut à la corde en vue d'un échauffement. Il était tenu de veiller à ce que les enfants soient suffisamment éloignés les uns des autres pour pouvoir réaliser cet exercice sans se gêner.
Cette précaution élémentaire n'a pas été prise et les faits démontrent que les élèves étaient manifestement trop prêts les uns des autres.
La responsabilité de l'État substituée à celle de l'enseignant est engagée.
Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS,
Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II.