La décentralisation dans le système éducatif
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Introduction

Introduction

Depuis le début des années 1980, l'État a engagé une opération de décentralisation des compétences qui a renforcé le poids des collectivités locales. Avec les lois de décentralisation, la France a connu une importante réforme administrative et le paysage éducatif s'en est trouvé profondément transformé. Quoi qu'il en soit, l'éducation ne pouvait être totalement décentralisée : le treizième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose que « l'organisation de l'enseignement public et laïque à tous les degrés de l'État est obligatoire. »
Avec les différentes vagues de décentralisation, les transferts de compétences de l'État aux collectivités locales se sont succédé. Au fil des lois de décentralisation de 1982-1983, jusqu'à la loi 3DS de 2022, la collaboration s'est précisée et approfondie entre :
  • l'administration du ministère de l'Éducation nationale, au niveau central et dans ses services déconcentrés ;
  • les établissements publics locaux d'enseignement (EPLE), principalement les collèges et lycées (art. R 421-2 du code de l'éducation) ;
  • les collectivités territoriales, qui « s'administrent librement »(1), « ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon »(2).
À savoir
La décentralisation est un processus consistant pour l'État à transférer au profit des collectivités territoriales certaines compétences et les ressources correspondantes. C'est un transfert de ses compétences à des institutions distinctes de lui, ici, les collectivités territoriales.
La déconcentration est une délégation de moyens et de pouvoirs de décision de l'administration centrale aux services extérieurs de l'État. Elle consiste également en une délégation de compétences, mais à des agents ou organismes locaux appartenant à l'administration qui sont soumis à l'autorité de l'État et ne disposent d'aucune autonomie.
Exemple : Le rectorat est un service déconcentré du ministère de l'Éducation nationale : il met en œuvre la politique éducative décidée par le ministre.
© Myr MURATET / MAIF
(1)principe de libre administration
(2)art. 72 de la Constitution
La répartition des domaines de compétence entre l'État et les collectivités territoriales

La répartition des domaines de compétence entre l'État et les collectivités territoriales

À l'État revient la responsabilité de la pédagogie « au sens le plus large » c'est-à-dire :
  • la définition des voies de formation, la fixation des programmes nationaux, l'organisation et le contenu des enseignements ;
  • la définition et la délivrance des diplômes nationaux et la collation des grades et titres universitaires ;
  • le recrutement et la gestion des personnels qui dépendent de sa responsabilité ;
  • la répartition des moyens qu'il consacre à l'éducation, afin d'assurer en particulier l'égalité d'accès au service public ;
  • le contrôle et l'évaluation des politiques éducatives, en vue d'assurer la cohérence d'ensemble du système éducatif.
Aux collectivités revient tout d'abord la responsabilité du fonctionnement matériel (hors dépenses des personnels) et de l'investissement. Elles reçoivent, à ce titre :
  • une part de la dotation générale de décentralisation, une dotation d'investissement ;
  • une dotation régionale d'équipement scolaire pour les lycées et établissement assimilés ;
  • la dotation départementale d'équipement des collèges perçue par les départements.
En d'autres termes, les communes assurent la charge des écoles, les départements celles des collèges et les régions celles des lycées et des établissements spéciaux (enseignement agricole et autres…).
Régions, départements et communes, la répartition des compétences
La région est responsable :
  • des constructions et travaux dans les lycées d'enseignement général, technologique et professionnel ;
  • des subventions pour leurs dépenses d'équipement et de fonctionnement ;
  • du recrutement et de la gestion des personnels techniciens, ouvriers et de service (TOS) des lycées ;
  • de l'organisation des activités éducatives, sportives et culturelles dans les locaux scolaires ;
  • du financement partiel des établissements universitaires ;
  • de la politique régionale d'apprentissage et de formation professionnelle des jeunes et des adultes à la recherche d'un emploi ou d'une nouvelle orientation professionnelle.
Le département est responsable :
  • des constructions et travaux dans les collèges, des subventions pour l'équipement et le fonctionnement des collèges ;
  • du recrutement et de la gestion des personnels techniciens, ouvriers et de service (TOS) des collèges ;
  • de l'organisation des activités éducatives, sportives et culturelles dans les locaux scolaires ;
  • de l'organisation et du fonctionnement des transports scolaires.
Le conseil départemental définit les secteurs de recrutement des différents collèges publics du département, c'est-à-dire qu'il précise dans quel collège public doivent être scolarisés les élèves qui habitent dans telle zone du département.
Dans le cadre de l'assouplissement de la carte scolaire, il est permis aux parents de choisir l'établissement scolaire de leurs enfants. Pour autant la règle générale n'a pas changé : les enfants sont inscrits dans l'établissement le plus proche de leur domicile.
La commune est responsable :
  • de l'implantation, de la construction, de l'équipement, du fonctionnement et de l'entretien des écoles maternelles et élémentaires ;
  • de la gestion des crédits d'équipement et de fonctionnement des écoles ;
  • de l'organisation des activités éducatives, sportives et culturelles dans les locaux scolaires ;
  • de la restauration scolaire ;
  • de la sectorisation des écoles situées sur son territoire.
Elle peut modifier les horaires d'entrée et de sortie des élèves. Elle gère les personnels non enseignants. Une délibération du conseil municipal peut créer, dans chaque commune, une caisse des écoles, destinée à faciliter la fréquentation de l'école par des aides aux élèves en fonction des ressources de leur famille.
Pour l'enseignement agricole, une différence majeure apparaît : quel que soit le type d'établissement, la collectivité locale de rattachement est unique, c'est la région.
La loi de 1983 transfère donc aux collectivités de nouvelles compétences en matière d'éducation, tout en conservant à l'État l'intégralité de son primat en matière pédagogique. Le législateur a ainsi créé un système de partage des compétences entre l'État et les collectivités locales qui s'écarte sensiblement des règles générales qui ont présidé à la décentralisation. Il n'est pas étonnant que cet ensemble conduise à un schéma institutionnel et financier complexe dans lequel l'État reste toujours bien présent.
Un document très complet sur la décentralisation et l'enseignement : media.education.gouv.fr/file/40/4/1404.pdf
Les nouvelles règles de la planification et de programmation

Les nouvelles règles de la planification et de programmation

Les nouvelles règles de la planification scolaire sont fixées par l'article 32 de la loi du 22 juillet 1983 modifiée. En effet si les collectivités sont amenées à prendre une part active dans le processus décisionnel, la décision de création d'un établissement du second degré s'inscrit dans un schéma qui comprend deux étapes.
1. Le schéma régional des formations La région est la collectivité compétente pour définir les besoins quantitatifs et qualitatifs de formation devant être satisfaits par les lycées, mais aussi par les collèges et autres établissements visés par la réforme. Elle établit à cette fin le schéma régional des formations des collèges, des lycées et des établissements d'éducation spéciale(3) en accord avec les départements et en tenant compte des orientations nationales. Ce document apporte une vision globale de l'ensemble des besoins, compte tenu de la situation démographique, de l'évolution prévisible de la population à scolariser et des secteurs porteurs de débouchés.
Ce document, sur la base d'une projection pluriannuelle, fixe des objectifs stratégiques et opérationnels qui répondent aux besoins régionaux (schéma qui peut faire l'objet de révisions).
Après avoir obtenu l'avis des différents organismes consultatifs (CDEN et CAEN) et l'accord des conseils départementaux, le conseil régional adopte le schéma qui est ensuite transmis au préfet de région.
Le conseil départemental de l'Éducation nationale (CDEN)
Il peut être consulté, donner des avis ou formuler des vœux dans tous les domaines concernant l'organisation et le fonctionnement du service public d'enseignement dans le département ou l'académie. Il est consulté sur :
  • la répartition entre les communes intéressées, à défaut d'accord entre celles-ci, des charges des écoles maternelles, des classes enfantines et des écoles élémentaires publiques ;
  • la répartition des emplois dans les écoles publiques (carte scolaire) ;
  • le règlement type départemental des écoles maternelles et élémentaires ;
  • la structure pédagogique (c'est-à-dire le nombre de divisions dans l'établissement, par exemple, 710 élèves répartis en 29 classes, elles-mêmes organisée autour de l'enseignement général ou spécialisé(4)), les modalités d'attribution des moyens en emplois et financiers, les investissements et subventions prévus pour les collèges ;
  • le montant de l'indemnité de logement allouée dans chaque commune aux enseignants ;
  • l'organisation et le fonctionnement des transports scolaires…
Le conseil académique de l'Éducation nationale (CAEN)
Il peut être consulté, donner des avis ou formuler des vœux dans tous les domaines concernant l'organisation et le fonctionnement du service public d'enseignement dans l'académie. Il est consulté sur :
  • le schéma prévisionnel des formations des collèges, des lycées et des établissements de même niveau ;
  • la structure pédagogique (c'est-à-dire le nombre de divisions dans l'établissement), les modalités d'attribution des moyens en emplois et financiers, les investissements et subventions prévus pour les lycées, les écoles de formation maritime et aquacole, les établissements d'enseignement agricole ;
  • les constructions et extensions des collèges, écoles de formation maritime et aquacole, les établissements d'enseignement agricole.
Les conseils académiques ont vu leurs compétences étendues à l'enseignement supérieur.
2. Le programme prévisionnel d'investissement Chaque collectivité de rattachement, la région pour les lycées, le département pour les collèges établit et arrête le programme prévisionnel d'investissement (PPI). La loi du 13 août 2004 a donné au département uniquement une nouvelle responsabilité dans le cadre du PPI des collèges. Désormais le conseil départemental est compétent pour arrêter le « secteur de recrutement » de chaque collège. Auparavant cette compétence, cette « sectorisation » était exercée par l'inspecteur d'académie.
(3)Article L. 214-1 du Code de l'éducation.
(4)Section d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA).
Une organisation financière spécifique

Une organisation financière spécifique

L'enseignement fait l'objet d'un financement partagé entre l'État et les collectivités territoriales, contrairement au principe appliqué en matière de transferts de blocs de compétences homogènes. Le régime mis en place conduit à une prise en charge partagée entre l'État et la collectivité.
En ce qui concerne les dépenses d'équipements lourds (constructions, reconstructions, extension, etc.), ils sont entièrement à la charge des collectivités.
Seules sont à la charge de l'État, les dépenses de premier équipement en matériel réalisées dans le cadre d'un programme national, correspondant à l'introduction de nouvelles technologies ou à la fourniture de matériels spécialisés indispensables à la rénovation des enseignements. L'article D. 211-14 du Code de l'éducation donne par ailleurs une définition de ces dépenses : matériels informatiques et logiciels, matériels périphériques, notamment audiovisuels, matériel de bureautique et de productique, équipements spécialisés en électronique du domaine de cette filière, équipements des ateliers pour l'enseignement de la technologie dans les collèges…
En ce qui concerne les dépenses de fonctionnement, elles restent pour l'essentiel à la charge de l'État car ce dernier assure dans ce dispositif la rémunération de tous les personnels enseignants et non enseignants (personnels de surveillance, personnels de direction).
En ce qui concerne les dépenses de fonctionnement pédagogique, elles sont en principe à la charge des collectivités de rattachement, à l'exception de certaines dépenses prises en charge par l'État : manuels scolaires du collège, financement de projets d'action éducative par exemple.
La gestion des compétences transférées par les collectivités

La gestion des compétences transférées par les collectivités

La première vague de décentralisation dans l'éducation, effective depuis 1986, a confié aux collectivités territoriales de nouvelles compétences et celles-ci ont dû s'organiser pour mener à bien la gestion des tâches malgré l'absence de transfert de personnel de l'État.
Ce dernier n'a pas transféré les personnels concernés, c'est la raison pour laquelle les collectivités ont recruté de nouveaux personnels et se sont dotées de services propres.
Cette situation n'est pas appelée à se renouveler dans le cadre du nouveau transfert de compétences opéré par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilité locales. Une circulaire d'application de ce texte du 10 septembre 2004 a en effet reproduit en partie le schéma qui aurait dû présider aux transferts de compétences de 1983.
« Ce texte prévoit que les personnels concernés par les nouveaux transferts seront placés en situation de "mise à disposition" de la collectivité de rattachement pour une période de deux ans. Au terme de ce délai, ils devront opter pour leur intégration dans un cadre d'emploi spécifique de la fonction publique territoriale ou rester en position de détachement pour une durée illimitée. »
La particularité de ce dispositif tient en ce qu'il concerne les agents techniques, ouvriers et de service (TOS) des établissements scolaires et les personnels administratifs des rectorats et des inspections d'académie appelés à exercer leurs nouvelles fonctions auprès des conseils départementaux et régionaux. Entre d'autres termes, les 90 000 personnes TOS de l'Éducation nationale ont été transférées aux collectivités territoriales à partir de 2004.
À savoir : les agents d'entretien et les ATSEM des écoles maternelles font toujours partie du personnel communal.
L'établissement public local d'enseignement : nouveau cadre juridique pour les collèges et lycées

L'établissement public local d'enseignement : nouveau cadre juridique pour les collèges et lycées

Avec la réforme de 1983, les lycées et les collèges deviennent des EPLE. Ils étaient déjà depuis 1975 des établissements publics nationaux. Cette nouvelle structure les classe parmi les établissements publics locaux sans toutefois les soumettre au droit commun de ces établissements : une réelle complexité juridique s'ensuit donc.
La structure juridique de « l'établissement public local » est la seule qui permette de confier dans le cadre de la décentralisation, plus de pouvoirs aux collectivités. Celle « d'établissement d'enseignement » permet de maintenir des pouvoirs étendus à l'État. Il en résulte donc une structure juridique soumise à un triple contrôle :
  • celui de l'État dans le cadre du contrôle des actes des collectivités décentralisées ;
  • celui de la collectivité de rattachement dans le cadre des compétences transférées ;
  • celui de l'autorité académique dans le cadre des compétences conservées.
L'État continue à disposer des compétences qui lui sont constitutionnellement réservées : il définit en premier lieu les objectifs généraux de la politique éducative, fixe les programmes, le contenu des enseignements et conserve le monopole de la définition et de la délivrance des diplômes. Il assume la plus lourde responsabilité financière dans la mesure où il prend en charge la gestion intégrale des personnels.
Il faut rappeler que l'État dispose de moyens pour peser sur l'exercice des compétences transférées :
  • Il reste maître de la structure pédagogique générale des établissements.
  • Il verse les dotations propres à compenser le transfert de compétences en matière d'investissement scolaire.
  • Il fixe la liste annuelle des opérations de construction ou de reconstruction, ou d'extension d'établissements.
La liste des opérations apparaît donc comme le résultat d'un processus de conciliation entre les collectivités territoriales, qui définissent les priorités à réaliser sur le terrain, et l'État, véritable maître du service public de l'éducation, qui confirme ainsi son primat pédagogique.
Les EPLE ont un peu moins de 30 ans, ce qui est peu à l'échelle de l'histoire de l'éducation. La création de ce statut correspondait à la fois à un pari juridique et pédagogique : permettre à l'établissement de pendre toute sa place dans le pilotage pédagogique du système éducatif.
La notion de « projet d'établissement » fait à présent consensus au-delà des clivages classiques. Adoptée par la loi d'orientation de juillet 1989 (et complétée par la circulaire de mai 1990), cette notion a été confortée par la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école d'avril 2005.
La création du statut d'EPLE a permis à l'établissement de se concevoir comme une entité fonctionnelle dont le « projet » mobilise les acteurs de la communauté éducative. Il ne s'agit pas en fait d'un EPLE, mais des EPLE.
Il est aussi un acteur local placé au cœur même des enjeux de la cité et de son environnement.
Au niveau local, les EPLE ont pour interlocutrices les autorités académiques. C'est selon des règles uniformes, fixées au niveau central, que s'organisent :
  • les concours de recrutement des enseignants, leur affectation, leur gestion de carrière ;
  • les programmes enseignés ;
  • l'évaluation des EPLE ;
  • les dotations horaires qui leur sont allouées ;
  • les examens nationaux du secondaire : diplôme national du brevet (DNB), baccalauréat.
Une complexité croissante
Selon un rapport de 2022(5), il apparaît que la situation actuelle, de fait, pose plusieurs questions :
  • celle du périmètre des compétences des différents acteurs, qui a fait l'objet d'évolutions constantes et parfois contradictoires ;
  • celle du financement du système éducatif, dont les collectivités assument une part croissante ;
  • celle de la gouvernance d'un système où les acteurs locaux revendiquent que l'État leur délègue de nouvelles compétences.
Néanmoins, le rôle de l'État demeure central. Le ministère de l'Éducation nationale, qui conserve la responsabilité pleine et entière des politiques éducatives, s'appuie sur ses services déconcentrés pour les appliquer sur l'ensemble du territoire. Son organisation territoriale repose sur l'existence de circonscriptions spécifiques : les académies.
Une nouvelle carte régionale(6) délimite 18 régions académiques (13 en métropole, 5 en outre-mer) dès le 1er janvier 2016. Elles coïncident désormais avec les régions administratives. Le recteur de région académique est l'interlocuteur unique du préfet de région et du conseil régional.
Au sein de ces régions académiques, les 30 académies demeurent la circonscription de référence de l'Éducation nationale, avec à leur tête un recteur d'académie. C'est l'un des adjoints du recteur, l'inspecteur d'académie - directeur académique des services de l'Éducation nationale (DASEN), qui le représente à l'échelon départemental.
(5)Rapport Articulation des compétences des collectivités territoriales et de l'État dans les politiques nationales et territoriales de l'enfance, de l'éducation et de la jeunesse. Cliquez ici
(6)Les 18 nouvelles académies. Les 18 nouvelles académies.
À lire

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Des ressources documentaires sur les relations EPLE / collectivités territoriales
Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS,
Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II, mise à jour 2014, mis à jour en juillet 2024