La lutte contre le harcèlement en milieu scolaire
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Introduction

Introduction

Le harcèlement moral et sexuel est un délit, selon l'article 222-33-2-2 du Code pénal modifié par la loi n° 2018-703 du 3 août 2018, articles 11 et 13.
Dans le cas du harcèlement en milieu scolaire, les familles ou représentants légaux peuvent déposer plainte, il revient à la justice de traiter cette plainte.
Pour un membre de l'Éducation nationale, les spécificités de la lutte contre le harcèlement sont à mettre en relation avec d'autres devoirs de la fonction publique :
  • le devoir de faire cesser les troubles dans le service, ce qui pour l'Éducation nationale concerne principalement les chefs d'établissement dans le cadre du Code de l'éducation ;
  • le devoir d'assurer la sécurité des personnes selon les mêmes modalités ;
  • le devoir de signalement pour l'ensemble des personnels ;
  • le devoir d'« agir en éducateur responsable et selon des principes éthiques », comme le prévoit le Référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l'éducation de 2013, et plus précisément la nécessité d'« accorder à tous les élèves l'attention et l'accompagnement appropriés ».
Numéro vert et application mobile pour s'informer ou signaler un harcèlement à l'école : 30 18.
Le numéro est gratuit, anonyme et confidentiel, et disponible 7j/7, de 9 h à 23 h.
Ce centre d'écoute recueille la parole des victimes, témoins, parents…
Historique de la prise en compte spécifique du harcèlement

Historique de la prise en compte spécifique du harcèlement

Jusqu'à la fin des années 2000, les cas de harcèlement ont été traités avec les autres incidents de vie scolaire. Depuis 2009, des plans d'action spécifiques de lutte contre le harcèlement en milieu scolaire sont régulièrement mis en œuvre par le ministère.
Campagne 2012 : « Lutter contre le harcèlement scolaire : l'affaire de tous ! »
En 2012, le sujet devient une priorité à la suite des Assises nationales contre le harcèlement à l'école de mai 2011. L'objectif de la campagne de 2012 est de « sensibiliser, interpeller, et mobiliser les élèves et l'ensemble de la communauté éducative pour faire de la lutte contre le harcèlement à l'École l'affaire de tous ». Le ministère appelait à une mobilisation et un engagement collectif.
Mesures prises :
  • lancement de trois clips vidéo réalistes illustrant différentes situations de harcèlement diffusés sur Internet et relayés à la télévision en format plus court (il s'agissait de montrer la cruelle banalité des situations de harcèlement) ;
  • création du site agircontreleharcelementalecole.gouv (dont le nom a changé depuis), conçu comme une vaste plateforme de ressources et d'outils pédagogiques et didactiques.
2013 : la lutte contre le harcèlement au cœur de la refondation de l'École de la République
En 2013, la lutte contre toutes les formes de harcèlement est inscrite dans la loi n° 2013-595 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'École de la République et la circulaire n° 2013-100 du 13 août en précise les modalités.
Mesures prises :
  • rénovation du site agircontreleharcelementalecole.gouv ;
  • instauration de 31 référents académiques à l'écoute des victimes, des familles et des témoins ;
  • création de six fiches pratiques pour savoir que faire et d'un guide pour lutter contre la cyberviolence ;
  • mise en place d'un plan de formation d'une partie des personnels de chaque établissement pour « mieux identifier et traiter les situations de harcèlement entre élèves » (lettre envoyée aux recteurs, DASEN et chefs d'établissement avec conseils juridiques et recommandations sur les conduites à tenir) ;
  • rédaction d'un Protocole de traitement des situations de harcèlement dans les écoles et établissements publics locaux d'enseignement (EPLE) ;
  • campagne télévisée, clips vidéo, animations.
2014 : la circulaire du 4 mars sur la lutte contre le harcèlement dans la fonction publique
En 2014, une circulaire portant sur le harcèlement(1) est diffusée dans la fonction publique. Une lettre associée à cette circulaire aux ministres et aux préfets appelle à « une mobilisation sans faille » et un « engagement personnel ».
Il s'agissait de rendre visibles les agissements de harcèlement et d'étayer les leviers de prévention. Était rappelée la loi pénale contre les délits de harcèlement sexuel et moral de 2012 (loi n° 2012-954 du 6 août 2012).
Trois caractéristiques de la lutte contre le harcèlement se dégagent alors :
  • l'obligation d'appliquer des sanctions contre les harceleurs ;
  • la volonté de mettre en place des mesures de protection pour les victimes ;
  • la nécessité d'instaurer des mesures de prévention.
2015 : plan ministériel contre le harcèlement scolaire
En 2015, la première journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire a lieu le 5 novembre (la date varie, il s'agit du jeudi qui suit les vacances de la Toussaint).
Le cadre d'un plan ministériel contre le harcèlement met l'accent sur :
  • la formation et la sensibilisation des acteurs avec un prévisionnel de 300 000 personnes formées avant fin 2016 ;
  • la généralisation des ambassadeurs lycéens chargés de mener des actions dans les établissements scolaires de leur territoire ;
  • la création d'un clip de sensibilisation des 7-11 ans (la priorité de l'Éducation nationale, sous l'action de la ministre Najat Vallaud-Belkacem, ciblait le primaire pour sensibiliser dès le plus jeune âge) ;
  • la mise en place d'un site internet dédié : www.nonauharcelement.education.gouv.fr ;
  • l'implication de la réserve citoyenne dans leurs missions ;
  • un programme de formation de formateurs conduit par la délégation ministérielle chargée de la prévention et de la lutte contre la violence en milieu scolaire à l'École supérieure de l'Éducation nationale (ESEN) ;
  • la mise à disposition sur le site Eduscol de ressources liées au Protocole de traitement des situations de harcèlement dans les écoles et établissements publics locaux d'enseignement (EPLE) destiné aux professionnels.
Depuis 2021 : programme pHARe, plan global de prévention et de traitement des situations de harcèlement
La lutte contre le harcèlement à l'école constitue l'une des priorités ministérielles, réaffirmée par la loi du 2 mars 2022 qui a créé le délit de harcèlement scolaire : les poursuites judiciaires peuvent aller jusqu'à 10 ans de prison et 150 000 € d'amende dans les cas les plus graves (lorsque les faits ont conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider).
Au quotidien, la lutte contre ce fléau à l'école nécessite un engagement plein de la communauté éducative, qui doit être sensibilisée à la prévention et à la gestion des situations de harcèlement. C'est l'enjeu du programme pHARe, expérimenté dès 2021, qui a été généralisé aux écoles et collèges en 2022 et étendu aux lycées depuis la rentrée 2023.
La lutte contre le harcèlement en milieu scolaire s'est intensifiée depuis la rentrée 2023. Le renforcement du dispositif pHARE dans les écoles, collèges, lycées est soutenu par le plan interministériel de lutte contre le harcèlement scolaire, qui vise à mieux coordonner les services de l'État pour répondre à ce fléau. Le plan s'appuie sur le triptyque « prévention, détection et solution », en axant son action notamment sur la formation généralisée des enseignants et des personnels non-enseignants à l'école, mais également des éducateurs sportifs, des magistrats, policiers et gendarmes notamment.
Le programme pHARe s'appuie sur un réseau de 400 référents académiques et départementaux répartis sur le territoire, chargés de traiter les cas de harcèlement signalés par les chefs d'établissement et grâce à la plateforme d'appel 3018. Élèves et personnels se mobilisent au moyen de plusieurs leviers, mis en place au niveau des EPLE dans le second degré, et de la circonscription dans le premier degré :
• Une équipe ressource (professeurs, psychologues, infirmiers, CPE…) est formée pour appliquer le protocole de prise en charge des situations de harcèlement. Au minimum 5 personnels sont mobilisés par circonscription dans le 1er degré, et 5 par établissement dans le second degré. Les directeurs d'école ont la responsabilité de suivre les situations de harcèlement et d'informer régulièrement l'IEN de leur évolution. Ils peuvent demander l'appui de l'équipe ressource de la circonscription, qui, sous la coordination des responsables départementaux, les accompagne pour traiter les situations de harcèlement. Dans le second degré, les chefs d'établissement sont responsables de la mise en œuvre du plan de prévention et de lutte contre le harcèlement au sein de leur établissement. Ils bénéficient de l'appui de l'équipe ressource, et doivent désigner au moins un coordinateur harcèlement formé, qui est chargé notamment d'accompagner le chef d'établissement dans la gestion et le suivi des situations de harcèlement, mais aussi du suivi des partenariats de l'établissement avec les écoles et collèges, les collectivités territoriales, les forces de sécurité intérieure, les associations agréées, entre autres.
• Une équipe programme organise 10 heures d'apprentissage par an sur la prévention du harcèlement et le développement des compétences psychosociales pour les élèves, du CP à la terminale.
• Des élèves ambassadeurs pHARe sont formés dans le second degré.
• En novembre 2023, le ministère a mis en place un questionnaire anonyme à destination de tous les élèves du CE2 jusqu'à la terminale, reconduit chaque année au mois de novembre. Les résultats sont analysés et rendus publics sous forme d'un baromètre annuel du harcèlement scolaire.
Plusieurs événements mobilisateurs rythment le calendrier scolaire :
(1)Circulaire n° SE1 2014-1 du 4 mars 2014.
Cas de précédent juridique

Cas de précédent juridique

En 2017, un arrêt du tribunal administratif de Versailles a condamné l'État à verser 16 000 euros à la famille d'une collégienne s'étant suicidée à la suite de harcèlement scolaire. Au vu des circonstances, la responsabilité de l'État a été reconnue en partie (un quart). Un attroupement avait eu lieu au collège, les parents avaient alerté le principal, celui-ci avait reçu les parents, mais aucune réelle mesure n'avait suivi.
Le défaut de surveillance (article L. 911-4 du Code de l'éducation) du service public de l'enseignement ne pouvait être invoqué car ses dispositions s'appliquent lorsque la faute recherchée est imputée à un auteur précis. L'instruction a relevé « l'absence de réaction appropriée à des évènements et des échanges hostiles entre élèves qui se déroulaient pour partie sur les lieux et pendant les temps scolaires(2) », ce qui caractérise un défaut d'organisation du service public d'enseignement. Quant aux menaces et attaques sur sites électroniques, elles ont été considérées comme « ne relevant pas de la surveillance du service de l'enseignement ».
(2)Arrêt n° 1502910 du tribunal administratif de Versailles du 26 janvier 2017.
Quelques chiffres

Quelques chiffres

Depuis 2011, la typologie de violence liée au harcèlement est intégrée dans SIVIS, le logiciel dans lequel les incidents sont répertoriés et inscrits par les établissements.
Selon la première enquête de victimation dans les collèges publics(3) pilotée par Éric Debarbieux au sein de la Direction de la prospective et de la performance (DEPP), 10 % des collégiens rencontrent des difficultés avec le harcèlement et 6 % sont victimes d'un harcèlement que l'on peut qualifier de sévère à très sévère.
En 2011-2012, 20 % des déclarations d'incidents concernent des situations de harcèlement(4).
Les chiffres varient peu de 2012 à 2017 et il n'y a pas de véritable précision apportée les années suivantes, sauf en 2016 où l'on peut noter que « les actes de violence vis-à-vis des filles se font le plus souvent dans le but de harceler(5) ».
D'après les résultats de la première enquête d'autoévaluation sur le harcèlement scolaire menée en novembre 2023, en moyenne plus d'un élève par classe est concerné. En sont victimes 5 % des élèves du CE2 au CM2, 6 % des collégiens et 4 % des lycéens.
(3)Note d'information 11.14, octobre 2011, DEPP.
(4)Note d'information 12.18 novembre 2012 : « Les actes de violence recensés dans les établissements publics du second degré en 2011-2012 », DEPP.
(5)Note d'information n° 30, novembre 2016, DEPP.
Le harcèlement en milieu scolaire

Le harcèlement en milieu scolaire

Afin de lutter contre le harcèlement en milieu scolaire, le ministère de l'Éducation nationale a réuni l'ensemble des outils disponibles sur le site Nonauharcèlement.
Définition du harcèlement en milieu scolaire
La première des caractéristiques du harcèlement est sa répétition. Le harcèlement est une violence verbale, physique ou psychologique répétée. Il s'inscrit dans la durée.
Ses effets sont reconnus comme dévastateurs pour les victimes.
À la source du harcèlement, on trouve le refus de la différence, et des formes de discrimination avec un rapport de domination. On parle de relation « asymétrique » entre l'agresseur et la victime.
Le harcèlement est plus présent à la fin de l'école primaire et au collège.
De ce fait, aucun acte n'est représentatif du harcèlement scolaire ; toute forme de nuisance volontaire faite régulièrement et sur une certaine durée en relève. Un acte isolé ne peut être considéré comme preuve de harcèlement. Il peut s'agir de faits, toujours au pluriel, comme les lancers d'objets, les chatouilles, les cheveux tirés, les moqueries sur le physique, les expressions utilisées par l'enfant, les vêtements, les noms des parents, les surnoms dépréciatifs, les insultes, les agressions physiques, le racket répété et ciblé, la mise régulière à l'écart, les rumeurs, les atteintes à la réputation…
Le cyberharcèlement
Le harcèlement se décline également en « cyberharcèlement », ce qui implique l'usage d'Internet et des nouvelles technologies de communication (blogs, e-mails, réseaux sociaux, téléphones portables). Il est apprécié par les agresseurs pour l'anonymat, mais les plaintes peuvent aboutir grâce aux adresses IP et aux faibles protections dont disposent les élèves.
Jusqu'à récemment, les établissements n'étaient pas considérés comme pouvant agir sur ce type de harcèlement parce qu'ayant lieu en dehors de son action juridique. À présent, il faut rendre compte de toute action contribuant à un harcèlement et dont on aurait eu un témoignage puisqu'il s'agit d'une nébuleuse à cerner. L'obligation de signalement et d'action concerne aussi le cyberharcèlement, surtout s'il est la prolongation du harcèlement scolaire.
Conséquences du harcèlement en milieu scolaire
Les manifestations suivantes sont imputables au harcèlement scolaire :
  • le décrochage scolaire qui peut aboutir à la déscolarisation (un quart des absences seraient dues à la peur de voir les agresseurs) ;
  • l'isolement avec angoisse et dépression ;
  • les effets de somatisation (maux de tête, de ventre, maladies) ;
  • conduites autodestructrices comme l'auto-scarification, voire les tentatives de suicide.
À long terme, le harcèlement a une incidence sur l'aisance, les modes de sociabilisation et la confiance en soi, donc la réussite même à l'âge adulte.
Outils pour lutter contre le harcèlement en milieu scolaire

Outils pour lutter contre le harcèlement en milieu scolaire

Ressources sur le climat scolaire
Le réseau Canopé a mis en place la plateforme « Climat scolaire », qui propose des ressources sur le climat scolaire pour les écoles et les établissements du second degré.
Ressource : Climat scolaire
Le prix « Non au harcèlement »
Organisé par le ministère de l'Éducation nationale avec le soutien de la Mutuelle MAE, le prix « Non au harcèlement » a pour objectif de donner la parole aux jeunes des écoles, collèges, lycées et structures péri et extrascolaires pour qu'ils s'expriment collectivement sur le harcèlement à travers la création d'une affiche ou d'une vidéo, qui doit servir de support de communication pour le projet qu'ils souhaitent mener dans leur établissement.
Le Protocole de traitement des situations de harcèlement dans les écoles
Ce Protocole, actualisé à la rentrée 2023, est à consulter par tout membre d'une communauté éducative. Il propose un « "pas-a-pas" méthodologique, afin de faciliter le travail des équipes, de sécuriser la procédure, et de prendre en charge l'intégralité de la situation de harcèlement, y compris sur les réseaux sociaux, de son signalement à sa résolution définitive. »
Il rappelle les devoirs de la communauté éducative :
  • les parents de l'élève victime sont entendus, soutenus et assurés de la protection de leur enfant ;
  • les parents de l'élève ou des élèves auteur(s) sont reçus et informés de la situation ;
  • le protocole invite à privilégier le travail en équipe. Le suivi de la situation est effectué par le directeur d'école, l'équipe pédagogique et l'équipe ressource. « Si la situation a été initialement communiquée par le référent harcèlement départemental, le directeur d'école informe ce dernier ainsi que l'IEN de son suivi. Dans tous les cas, le référent harcèlement académique ou départemental est chargé de veiller à la résolution de la situation dont il a été saisi. »
Ressource : Protocole de traitement des situations de harcèlement dans les écoles (novembre 2023)
Conclusion

Conclusion

Il faut avoir conscience que la vérification de qualification de « harcèlement » des multiples requêtes parentales abreuvées d'émissions de télévision anxiogènes est très chronophage pour l'ensemble des personnels. Les modalités requises pour mener les multiples entretiens, ceux de la victime et de l'auteur ainsi que des témoins, pour constituer les dossiers et respecter les délais de préparation de la défense de l'auteur des faits imputés, pour écrire les signalements et les transmettre, pour produire les pièces écrites et pour mener les audiences en cas de sanction à donner suscitent un travail de fond régulier et important à fournir pour la communauté scolaire actuelle. Ce travail reste tout aussi nécessaire que la prévention.
Dossier réalisé en janvier 2019. Mis à jour par Maguelone Roch, en novembre 2024.