Rentrée 2014 : la refondation de l'éducation prioritaire
Les raisons d'une nouvelle politique
Faisant suite à la loi sur la refondation de l'école du 8 juillet 2013, la circulaire du 4 juin 2014 établit de nouvelles règles en cohérence avec les priorités énoncées dans la loi.
Face à l'aggravation, voire à la disparition, de la mixité sociale et au creusement des inégalités, le taux d'élèves en retard en 6e est de 20,4 % dans les collèges ÉCLAIR et de 17,2 % dans les collèges RRS, alors qu'il est de 11,2 % hors éducation prioritaire. De plus, la France est devenue le pays de l'OCDE dans lequel l'origine sociale des élèves est la plus corrélée aux résultats scolaires.
Dans la démarche générale de refondation de l'école, celle de l'éducation prioritaire s'impose donc nécessairement.
Les objectifs visés
L'objectif fixé est de réduire à moins de 10 % les écarts entre les élèves scolarisés en éducation prioritaire et les autres dans la maîtrise des compétences de base en français et en mathématiques, sans que les résultats globaux ne baissent.
En conséquence, différentes mesures sont prises :
- revoir la géographie de l'éducation prioritaire afin que l'allocation de moyens soit proportionnellement liée aux difficultés sociales effectivement rencontrées dans ces zones en s'appuyant sur des critères objectifs comme le niveau de diplôme de la population, le taux de chômage, les professions et catégories sociales, le taux de boursiers ou le revenu médian ;
- distinguer désormais deux niveaux d'intervention : les REP et les REP+ pour les quartiers les plus en difficulté. Les dispositifs antérieurs ÉCLAIR et RRS disparaissent donc. Le nombre total des réseaux reste inchangé : 1 081, dont 350 REP+ et 731 REP. La liste des réseaux sera révisée tous les quatre ans.
La démarche de refondation distingue trois axes principaux :
- mettre les apprentissages des élèves au cœur de l'éducation prioritaire : en garantissant l'acquisition du lire, écrire, parler ; en confortant une école bienveillante et exigeante ; et en coopérant utilement avec les parents et les partenaires ;
- mieux accompagner et reconnaître les personnels : en favorisant le travail de l'équipe éducative (les enseignants des REP+ bénéficieront de la libération de 18 demi-journées par année scolaire pour se consacrer à des travaux d'équipe relatifs à la prise en charge des besoins des élèves, aux relations avec les parents et à la formation) et en accueillant, accompagnant, soutenant et formant les personnels ;
- renforcer le pilotage et l'animation des réseaux.
Parallèlement, le site internet de l'éducation prioritaire collectera un certain nombre de ressources à l'intention des équipes afin de plus facilement divulguer les réussites et soutenir la formation des enseignants.
Les actions
Plusieurs actions seront prioritairement conduites dans les
REP+, puis progressivement généralisées dans les
REP :
- accueil des enfants de moins de 3 ans afin de développer au plus tôt, et en particulier, un enseignement structuré de la langue orale : une réflexion autour des pratiques d'accueil dédiées aux enfants les plus jeunes nécessite d'être conduite en partenariat avec les communes ;
- mise en place du dispositif « Plus de maîtres que de classes » : ce dispositif doit prioritairement concerner le cycle 2 afin d'assurer les apprentissages fondamentaux, notamment dans le domaine de la lecture et de la compréhension (la co-intervention s'appuiera sur un projet de fonctionnement inscrit lui-même dans le projet d'école) ;
- accompagnement continu des élèves en classe de 6e jusqu'à la fin des cours de l'après-midi : cet accompagnement visera une meilleure adaptation des élèves au collège grâce à la conquête d'un bon niveau d'autonomie dans la prise en charge du travail personnel nouvellement plus important à ce niveau d'enseignement ; il se traduira par des travaux en petits groupes (aide aux devoirs, soutien méthodologique, tutorat, utilisation de D'Col(17)), à raison d'environ trois heures hebdomadaires, et sera assuré par des enseignants ou des assistants d'éducation ;
- temps accordé pour le travail en équipe et la formation ;
- doublement de l'indemnité d'exercice en éducation prioritaire ;
- renforcement des postes d'infirmiers scolaires et d'assistants sociaux.
La refondation de l'éducation prioritaire s'avère essentiellement pédagogique avec la volonté de faire évoluer les démarches et organisations pédagogiques vers les modèles qui semblent donner la meilleure réussite. Dans cette perspective, les dispositifs de co-observation, co-enseignement en petits groupes ou en petits groupes homogènes provisoires, seront exploités.
L'évaluation des résultats
L'évaluation diagnostique des élèves permet de cerner les besoins sur la base d'évaluations référencées au niveau du réseau, de la circonscription, du département, etc. L'analyse des résultats tire avantage à être conduite en équipe élargie, en particulier aux enseignants spécialisés du RASED, afin de construire les réponses les plus efficaces.
Chaque réseau établira son projet. À partir d'une analyse de la situation initiale et de l'autoévaluation conduite, il déterminera les principaux objectifs visés et les actions envisagées en lien avec les apprentissages attendus des élèves. Les projets d'école et les projets de réseau, dont les dates de validité devront converger, s'établiront en parfaite cohérence.
Le pilotage
Le comité de pilotage du réseau remplace l'ancien comité exécutif. Il porte le projet et comprend le principal et l'IEN, assistés du coordonnateur, des directeurs d'école, du CPE et d'enseignants. D'autres partenaires peuvent y être associés : représentants de la commune, du département, etc.
Le conseil école-collège, dont l'existence concerne tous les collèges, quels qu'ils soient, et dont l'action vise l'amélioration de la continuité pédagogique entre l'école et le collège, convient d'être élargi, en zone d'éducation prioritaire, à l'IA-IPR référent.
Une mission de suivi de cette politique au sein des réseaux est confiée aux IGEN : ces derniers devront réaliser des bilans d'étape afin de pouvoir mesurer les effets de cette mise en œuvre.
Rentrée 2016 : mise en place des parcours d'excellence
À la suite des comités interministériels à l'égalité et à la citoyenneté (CIEC) de 2015 et 2016, une action plus déterminée a été conduite pour permettre un accès plus large aux parcours d'élite. Constat a été fait que les élèves d'origine sociale modeste s'interdisent à eux-mêmes les parcours d'études. Il s'agit donc de mieux accompagner dans leur parcours de formation les élèves issus des milieux modestes. Ces parcours accompagnent les élèves volontaires de la 3e à la terminale, créant une continuité dans la scolarité. Les associations, les partenaires locaux, les collectivités territoriales et les entreprises en sont acteurs. À la rentrée 2016, les élèves de 3e sont ciblés. La priorité est donnée aux REP+ sans exclure les autres profils d'élèves.
Rentrée 2017 : parcours d'excellence et dédoublement des CP et CE1 en REP+
Les REP intègrent les parcours d'excellence. Les élèves de seconde issus d'un collège inscrit à un parcours d'excellence à la rentrée 2016 sont suivis.
Inscrit dans l'objectif 100 % de réussite au CP, le dédoublement des classes de CP et CE1 est également une mesure phare : 100 % des élèves doivent maîtriser les enseignements fondamentaux à la sortie de l'école primaire (lire, écrire, compter et respecter autrui). Ce dispositif concerne 2 200 classes de CP en REP+ à cette rentrée. Les effectifs sont réduits à moins de 15 élèves par classe. L'accompagnement des élèves est personnalisé. Ce dispositif doit apporter trois années de scolarisation en classe dédoublée (GS, CP et CE1) aux élèves des REP et REP+
Rentrée 2018 : poursuite du déploiement des parcours d'excellence et du dédoublement des CP et CE1 en REP et REP+
C'est au tour des lycéens de seconde et première d'intégrer le dispositif des parcours d'excellence.
Le dédoublement des CP mène à 3 200 classes de CP supplémentaires en REP. Ce dispositif s'étend désormais aux classes de CE1 : 1 500 classes de CE1 en REP+ en bénéficient. Les effectifs atteignent 12 élèves en moyenne par classe.
Rentrée 2019 : finalisation des parcours d'excellence et mise en place des cités éducatives
Fin de la mise en œuvre des parcours d'excellence dans les collèges concernés et jusqu'aux classes de terminale.
Le programme des cités éducatives Territoires Éducatifs Ruraux (TER), qui intègrent des associations est mis en place dès la rentrée 2019. Il vise à redynamiser les quartiers prioritaires de la ville (QPV). Ces quartiers sont fortement impactés par un taux de pauvreté moyen de 40 % et un taux de chômage supérieur de deux fois et demi à celui du reste du territoire. Cette première vague concerne 80 territoires.
Les acteurs de la communauté éducative sont mobilisés (État, collectivités locales, parents, associations, intervenants du périscolaire, travailleurs sociaux, écoles et collèges, etc.). La prise en charge des enfants et des jeunes des quartiers prioritaires doit être consolidée. Les enfants et jeunes doivent être accompagnés dès la petite enfance et jusqu'à leur insertion professionnelle.
Pour ce faire, de solides mesures sont apportées : le dédoublement des classes de CP et de CE1 existant depuis la rentrée 2018-2019 se poursuit et la prime des enseignants de ces quartiers, étalée sur 5 ans, est augmentée. Ces mesures comptent également les petits-déjeuners gratuits, les stages de qualité en entreprise pour les élèves de 3e, le programme « Devoirs faits » et le dispositif des médiateurs pour prévenir et gérer les conflits.
Rentrée 2020 : la fin des parcours d'excellence
Les parcours d'excellence fusionnent avec les Cordées de la réussite. Celles-ci, mises en place en novembre 2008, ont pour objectif d'apporter une équité sociale plus grande dans l'accès aux études universitaires. La fusion de ces deux dispositifs conserve le nom de « Cordées de la réussite ».
Le principe est fondé sur le partenariat entre une « tête de cordée » (établissements d'enseignement supérieur ou lycées avec des CPGE ou STS) et des établissements du second degré (collèges et lycées généraux, technologiques ou professionnels), dits « encordés », qui relèvent des REP, des QPV ou de la ruralité.
Ce dispositif s'étend à tous les élèves y compris ceux en situation de handicap.
Rentrée 2021 : expérimentation des contrats locaux d'accompagnement (CLA)
Le public de certaines REP ayant changé, une réforme systémique était nécessaire, intégrant les REP dans des politiques territoriales académiques et leur attribuant progressivement les moyens. Le label REP est resté mais de nouveaux ont été créés. Les contrats locaux d'accompagnement (CLA) font entrer des collectivités territoriales dans les établissements.
Cette expérimentation vise également à introduire plus de progressivité dans les moyens alloués aux établissements scolaires. Ces derniers doivent être socialement proches des REP, ou ayant des besoins particuliers. Tout d'abord introduit dans trois académies, Aix-Marseille, Lille et Nantes, ce dispositif permet une adaptation plus fine des moyens à la difficulté de tel ou tel secteur. Les critères sont donc plus variés que pour les REP. Les collectivités territoriales et les associations y sont fortement sollicitées.
Rentrée 2022 : déploiement des CLA
Deux bilans, l'un en décembre 2021 et l'autre en février 2022, permettent un élargissement des territoires concernés.
Les académies ultramarines (la Guadeloupe, la Guyane, la Réunion, la Martinique et Mayotte) et les académies de Grenoble, Lyon, Montpellier, Reims, Strasbourg et Versailles intègrent ce dispositif.
Rentrée 2023 : renforcement des REP
Désormais, ce sont plus de 80 % des grandes sections des zones d'éducation prioritaire qui sont dédoublées. L'objectif est d'atteindre 100 % en 2024.
L'ouverture élargie des collèges de 8 h à 18 h est expérimentée dans des collèges situés en zones d'éducation prioritaires (REP et REP+). Cette mesure concerne 200 collèges en 2023.
Rentrée 2024 : projet de révision de la carte de l'éducation prioritaire
Tous les collèges en éducation prioritaire seront ouverts de 8 h à 18 h à la rentrée de septembre 2024. Les élèves, accueillis avant leurs cours, bénéficieront d'un petit-déjeuner. Après leurs cours, ils auront accès à l'aide aux devoirs, à des activités sportives et culturelles. Des activités d'orientation leur seront également proposées.
En mai 2024, la ministre de l'Éducation nationale Nicole Belloubet a annoncé la proposition de révision de la carte de l'éducation prioritaire pour la rentrée 2025. Cette révision doit permettre d'adapter la refondation de l'éducation prioritaire de 2015 à l'évolution des nouveaux publics, voire de l'étendre si elle est fructueuse.