À la fin de 1918, l'Entente sort vainqueur d'un long conflit, mais la paix demeure fragile. Peut-on vraiment parler de victoire ? L'Europe tout entière est affaiblie. La guerre a coûté très cher, le traumatisme causé par cette première guerre « industrielle » est sans précédent. L'Europe est en crise.
1. Le règlement du conflit
a) Une paix difficile à construire
• La conférence de Paris s'ouvre en janvier 1919 avec pour mission l'élaboration des traités de paix. Les débats sont dirigés par le Conseil des Quatre (États-Unis, France, Royaume-Uni, Italie) entre lesquels les divergences et les tensions sont importantes.
• Le 28 juin 1919, le traité de Versailles règle le sort de l'Allemagne, traitée en coupable. L'Allemagne perd au total 10 % de son territoire et près de sept millions d'habitants.
Son armée est limitée à 100 000 hommes : elle ne peut posséder ni aviation ni forces blindées. La Rhénanie est démilitarisée.
Les colonies allemandes (en Afrique, dans le Pacifique et en Chine) sont confiées aux principales puissances qui doivent les conduire vers l'indépendance.
Enfin, l'Allemagne doit verser des réparations considérables (132 milliards de mark or aux vainqueurs et livraison à la France du charbon de la Sarre pendant 15 ans).
• Plusieurs traités tentent de régler la question du droit des nationalités en Europe centrale : les empires ottoman et austro-hongrois sont démantelés. L'Autriche est réduite à 85 000 km2 et la Hongrie perd les deux tiers de son ancienne superficie.
La Pologne, qui avait été rayée de la carte depuis le xviiie siècle, redevient un État indépendant. Sur les ruines des empires multinationaux, naissent une Tchécoslovaquie et une Yougoslavie indépendantes, qui adoptent des régimes démocratiques.
b) Une paix fragile
• La paix divise très tôt les Européens : l'Allemagne, contrainte de signer le Traité de Versailles, ne paye que très lentement ses réparations de guerre. Face aux Allemands humiliés, les Français restent inflexibles. Les Italiens, qui n'ont pas reçu les terres irrédentes promises par leurs Alliés, sont également insatisfaits. Dans ces pays mécontents, la démocratie est remise en question, à gauche par des révolutionnaires (qui suivent l'exemple de la Russie), à droite par des ligues nationalistes (qui réclament un régime autoritaire et contestent les traités de paix).
• Le traité de Versailles met en place la Société des Nations (SDN). Cet organisme a pour objectif de régler pacifiquement les conflits, par la négociation, et de conduire le monde vers un désarmement général. Il est doté d'un Conseil composé de cinq délégués permanents (la France, le Royaume-Uni, l'Italie, les États-Unis et le Japon).
La SDN ne parvient pas à élaborer un système rigoureux de sanctions contre les États qui enfreignent la loi internationale. Elle est de plus affaiblie, dès sa création, par l'absence des États-Unis, la politique américaine étant encore profondément isolationniste.
• L'idéal de la sécurité collective montre vite ses limites et les traités de paix contiennent en germe les conflits futurs.
2. Les dégâts humains et matériels
a) Les pertes humaines
• La guerre a fait, en Europe, plus de 8 millions de morts et 6 millions d'invalides ; 8 millions d'enfants sont orphelins. En France, 10 % de la population active masculine a été tuée ou est portée disparue ; 3 millions de soldats français ont été blessés : un million d'entre eux resteront invalides. La population, affaiblie par les privations, subit de surcroît les assauts d'une épidémie de grippe espagnole, en 1918. La guerre, enfin, a entraîné un déficit de naissances, les hommes étant au front.
• Certaines populations doivent abandonner, non sans mal, leur région d'origine : un million d'Allemands quittent la Pologne, les pays baltes et l'Alsace-Lorraine, pour se réfugier sur le territoire réduit de l'Allemagne.
b) Les conséquences économiques
• Dans certaines régions, qui ont servi de champs de bataille, comme la Picardie ou la Champagne, tout est à reconstruire : maisons, ponts, routes et usines sont en ruines.
• Or l'Europe s'est terriblement appauvrie pendant la guerre. Pour acheter du matériel de guerre et se ravitailler, les États se sont endettés. Ils doivent maintenant rembourser leurs emprunts et verser des pensions aux mutilés, aux veuves et aux orphelins.
• La reconstruction de l'Europe dépend en partie des États-Unis, qui sont les grands bénéficiaires de la guerre. Les Américains prêtent de l'argent au monde entier, le dollar devient la monnaie la plus utilisée dans le commerce international.
3. Des sociétés profondément bouleversées
a) La crise politique
• La Première Guerre mondiale a vu la disparition de quatre empires et la naissance de dix nouveaux États. La démocratie semble triompher, en Allemagne, en Pologne ou en Yougoslavie. Elle reste pourtant très fragile : elle est menacée, à gauche, par les plus extrémistes, qui suivent l'exemple de la Russie révolutionnaire et, à droite, par des ligues qui réclament un régime autoritaire (à l'instar de l'Italie).
• Par ailleurs, des revendications émergent au sein des colonies : elles ont fourni leur quota de soldats et attendent des métropoles une certaine reconnaissance. C'est le cas en Inde, par exemple.
b) La crise sociale
Certains banquiers et surtout de gros industriels ont profité de la guerre pour s'enrichir. À l'inverse, la hausse des prix pénalise salariés et retraités. On dénonce les « profiteurs de guerre ». Les femmes qui, pendant la guerre, ont travaillé dans les usines et élevé seules leurs enfants, demandent plus de liberté et le respect de leurs droits. Tout cela modifie les mentalités européennes.
c) La crise morale
• L'horreur des combats, la peur du soldat dans les tranchées sont décrites dans des livres publiés pendant ou après la guerre, comme le Feu d'Henri Barbusse, qui obtient le prix Goncourt en 1917. En 1918, Barbusse fonde le mouvement pacifiste Clarté pour que les peuples fraternisent et que cette guerre barbare soit la dernière.
• Le bilan de la Première Guerre mondiale montre ainsi une Europe affaiblie, où les anciens repères ont disparu. Dans certains pays, cette perte de repères favorisera la naissance de régimes autoritaires qui veulent retrouver, coûte que coûte, leur puissance perdue.