Corrigé
Analyse des documents préparatoire à la note de synthèse
Document 1 : Extraits de l'article de Sophie Desvignes et Denis Meuret, « Les sentiments de justice des élèves en France et pourquoi » (2009)
Article à valeur scientifique et analytique. Il n'engage que les auteurs qui cherchent à déterminer l'ampleur du sentiment de justice en France.
Constat :
- « […] environ 70 % des élèves estiment être traités avec justice par leurs professeurs et 30 % estiment ne pas l'être. Cette situation ne semble pas avoir beaucoup évolué depuis dix ans. »
- « la France championne du sentiment d'injustice à l'école juste après la Turquie […] »
- « […] ce sentiment est le plus inégalement distribué entre les élèves faibles et forts alors que les inégalités selon le sexe ou l'origine sociale y sont dans la moyenne […]. »
Origine du sentiment d'injustice : notation, règlement intérieur, manque d'attention :
- « […] l'enseignant juste est celui qui fait progresser tous les élèves, qui fait donc que l'école tient sa promesse de "vouloir le mieux pour chacun". »
- « […] les élèves se sentent plus souvent traités avec justice lorsque les enseignants les considèrent en tant qu'individus, et non pas en tant que groupe uniforme. »
Critères de justice : mérite, égalité, autonomie.
Document 2 : Extraits de l'article de Karine Raveau, « Justice et bienveillance, bien-être de chacun et concorde de tous : une voie de progrès » (2018)
Article à valeur informative et analytique qui n'engage que son auteur, même s'il est publié sous la direction notamment d'un IGEN.
Le texte interroge les liens entre justice et bienveillance à l'école. Partant du constat effectué par les neurosciences sur l'immaturité cérébrale des enfants ou des adolescents, l'auteur souligne que « [t]outes les formes de gratification et de soutien renforcent l'aptitude face au stress, améliorent la mémoire et l'apprentissage […] ».
Points importants :
- dénonciation de la constante macabre ;
- postures et actes pédagogiques doivent renforcer les relations justes ;
- dialogue des disciplines par la mise en œuvre de projets ;
- bienveillance des adultes pour l'épanouissement de tous.
Document 3 : Extrait d'un document publié par le ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, « Pour une justice en milieu scolaire préventive et restauratrice dans les collèges et lycées » (2014)
Texte, à valeur prescriptive, qui rappelle un certain nombre de prescriptions réglementaires pour une pratique pédagogique et éducative bienveillante et « bientraitante » garante du respect des droits de chacun propice au développement de l'enfant et du jeune.
Principes rappelés dans l'extrait proposé :
- garantir la dimension éducative et restaurative de la sanction : estime de soi et confiance dans le groupe ;
- responsabilité et légitimité des adultes : légitimité indissociable de la responsabilité qu'elle induit ;
- responsabilité et responsabilisation des élèves : capacité qui s'acquiert au travers du processus de responsabilisation.
Document 4 : Extrait du communiqué de presse du ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse du 31 octobre 2018, Plan d'actions pour la protection de l'École
Texte à valeur prescriptive.
« Un climat scolaire apaisé, indispensable aux apprentissages, passe par l'unité de tous les acteurs, l'exercice serein de l'autorité, l'approfondissement et la systématisation des réponses apportées en cas de manquement aux règles de la vie commune. »
Trois niveaux : Classe, établissement et environnement. Le troisième niveau implique un engagement d'autres ministères, des collectivités territoriales et l'ensemble de la société.
Objectif visé : unité des institutions de la République autour de l'école afin de garantir une qualité de l'éducation pour tous les élèves sur tous les territoires.
Principes : sécuriser les abords de l'EPLE, responsabilisation des familles et soutien à la parentalité, structures spécifiques pour poly-exclus.
Document 5 : Page « Les sanctions disciplinaires » issue du site La malette des parents
Texte à valeur prescriptive qui rappelle les modalités d'organisation et d'échanges avec les parents et insiste sur le cadre de la sanction (application, explicitation et principes généraux du droit).
Il souligne la nécessité de limiter les exclusions par la mise en œuvre d'exclusions avec sursis et promeut la mise en œuvre des mesures de prévention.
Document 6 : Extrait de l'article de François Dubet, « Quelle justice scolaire : dimensions et enjeux » (2009)
Article à valeur scientifique et analytique. Il n'engage que son auteur qui, ici, questionne les liens entre le fonctionnement des systèmes scolaires et les sociétés, et s'interroge sur la justice des effets sociaux de l'école : « Cela nous rappelle que l'école est d'abord affaire d'éducation et que les conditions de l'éducation, ce que l'école fait aux élèves, participent de la justice scolaire […]. […] Il importe donc de porter des jugements de justice sur les processus éducatifs eux-mêmes et sur les valeurs qui les informent. »
Problèmes soulevés : les curricula, le droit des élèves, le traitement des élèves en difficulté.
« De manière générale, dans l'espace des sociétés démocratiques, on peut considérer qu'une école est d'autant plus juste qu'elle donne aux élèves des compétences civiques et une forme de confiance en eux indépendante de leurs performances scolaires. »
Document 7 : Extrait de l'article de Christophe Marsollier, « L'éthique relationnelle, un axe de professionnalisation de l'accompagnement de l'élève » (2018)
Article à valeur informative et analytique qui n'engage que son auteur même s'il s'agit d'un IGEN.
Le schéma intitulé « le cercle vertueux des enjeux de la bienveillance éducative et pédagogique » illustre la manière dont la bienveillance contribue à la réussite de l'élève. Il souligne les facteurs de protection nécessaires pour faciliter l'émergence d'habiletés cognitives et sociales.
L'auteur avance l'idée que l'école, par la mise en place d'expériences positives, devient le cadre de protection susceptible d'atténuer les inégalités et/ou traumatismes (résilience).
Faire acte de résilience induit un rapport de confiance et d'ouverture à l'enseignant qui va alors augmenter l'envie d'apprendre (persévérance scolaire) et, de fait, accentuer la réussite scolaire et donc le bien-être de l'élève.
Document 8 : Extrait de la note d'information n° 18.33 du DEPP, Écoles, Établissements, Climat scolaire (décembre 2018)
Document à valeur informative qui interroge sur l'opinion des élèves sur le climat scolaire de leur lycée.
Quelques chiffres à retenir : 93,9 % des lycéens interrogés déclarent se sentir bien ou plutôt bien dans leur lycée en 2018, mais en légère baisse par rapport à 2015.
Constat général : pour les items communs à 2015 et 2018, la majorité des indicateurs sont en baisse :
- qualité de vie au sein des lycées ;
- relations avec les enseignants ;
- notes justes.
Pour les nouveaux indicateurs (sévérité des notes et des punitions), la quasi-majorité des élèves interrogés trouvent que notes et punitions sont trop ou très sévères, mais pas forcément injustes.
Document 9 : Extrait du livre de Pierre Merle, Les Pratiques d'évaluation scolaire (2018)
Texte à valeur informative et scientifique qui n'engage que son auteur. L'auteur interroge les conditions d'une évaluation équitable et efficace.
Principes à respecter :
- anonymat (qu'il oppose aux rituels de rentrée scolaire des enseignants) social et scolaire ;
- pédagogie explicite.
Risques si principes non respectés :
- Trajectoire définie et marquée : « les fiches de renseignements participent à la construction des inégalités scolaires et à la reproduction sociale. Elles conduisent l'enseignant à se forger une opinion a priori sur le niveau de l'élève et sa capacité à réussir. »
- Intrusion vie privée : numéro de téléphone, profession des parents. « La demande de la profession des parents focalise les sentiments de malaise des élèves, surtout pour ceux dont les parents ont des professions socialement peu considérées ou lorsque l'enfant est amené à camoufler une information qu'il ne souhaite pas livrer. »
Conclusion de l'auteur : les fiches de renseignements sont un secours illusoire.
Proposition de corrigé
Introduction
L'école, en France, s'est construite pour résister aux pressions de l'environnement et repose sur les valeurs de la République : Liberté, Égalité et Fraternité. Devenues devise de la République, ces valeurs se traduisent par des droits et des devoirs. Lorsque la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République souligne que « l'apprentissage de la citoyenneté et de la vie commune et le respect des droits et des devoirs au sein de la communauté éducative sont des objectifs pédagogiques tout aussi importants que la maîtrise des connaissances disciplinaires », elle vise à rappeler que les objectifs de cet apprentissage de la citoyenneté sont doubles : d'une part, développer une approche plurielle de la justice en milieu scolaire, et d'autre part offrir à chaque élève les conditions pour développer les compétences sociales civiques et l'acquisition d'un comportement juste, respectueux et responsable. Une ambition rappelée dans la circulaire de rentrée 2020 : « L'École de la République œuvre à l'accomplissement des élèves par l'élévation du niveau général, leur bien-être et la justice sociale. » La justice sociale, dans ce contexte, renvoie à la volonté de l'École de démocratiser son enseignement. Si, depuis quarante ans, le taux de réussite d'une classe d'âge au baccalauréat ne cesse d'augmenter et si la grande majorité des jeunes entrent dans l'enseignement supérieur, la critique des injustices scolaires est toujours aussi vive. Comme le souligne François Dubet, « cette démocratisation absolue n'a pas été accompagnée d'une démocratisation relative » (« Existe-t-il une justice scolaire ? », 2007). En effet, les filières les plus sélectives semblent encore largement réservées aux élèves issus des classes favorisées, et à l'inverse les filières ou établissements qualifiés comme étant les moins prestigieux dévolus aux classes sociales les moins favorisées. Ces réputations justes ou fausses des établissements contribuent aussi à ce sentiment de relégation mettant à mal la devise républicaine sur laquelle l'École se fonde.
À ce constat s'ajoute la montée, dans les années 1990, de deux phénomènes au sein des établissements scolaires : la juridisation et la judiciarisation. La juridisation se définit par la pénétration croissante et permanente du droit dans la vie quotidienne des établissements (Yann Buttner, Le Droit de la vie scolaire, 2020). La judiciarisation définit le recours systématique à la justice pour trancher un litige (d'orientation, de sanction, d'évaluation, de relations…, doc. 1). Ce nouveau paradigme souligne la revendication des droits individuels au mépris de décisions prises par l'établissement. Ces phénomènes sont des conséquences intimement liées au besoin de justice chez tout justiciable mais peuvent être le simple reflet d'un sentiment de profonde injustice. Pourtant, le système éducatif est construit de la sorte que chacun, indépendamment de son territoire ou de ses origines, puisse se saisir des opportunités scolaires qui lui sont offertes. Cependant, c'est justement parce que l'École de la République propose une éducation identique, égale sur tout le territoire, que le sentiment d'injustice peut naître. Ainsi le formulent Anne Barrère et Danilo Martuccelli dans leur article intitulé « La fabrique des individus à l'école » (in Agnès Van Zanten (dir.), L'École, l'état des savoirs, 2000) : « Les jeunes veulent moins être traités comme tout le monde (ce qui suppose qu'on reconnaisse les autres comme égaux et identiques en droit) qu'être appréciés dans leur individualité (ce qui exige de les reconnaître dans leur différence). Or, le paradoxe est que toute atteinte à l'égalité leur semble insupportable et incompréhensible, en même temps qu'une simple application institutionnelle de ses principes leur semble profondément insuffisante, voire abusive. » Les conséquences de ce sentiment sont multiples : baisse des résultats, repli sur soi, abandon scolaire, agressivités, voire violences… (Marie Duru-Bellat et Denis Meuret (dir.), Les Sentiments de justice à et sur l'école, 2009). Au-delà des conséquences plus ou moins graves sur le devenir scolaire de chacun, il importe donc de s'interroger sur l'influence du projet pédagogique et éducatif des EPLE, source potentielle de ce sentiment d'injustice. En d'autres termes, si le sentiment de justice à l'école est un facteur de réussite scolaire et personnelle, comment l'école et ses acteurs peuvent-ils contribuer à instaurer un sentiment de justice en son sein ?
En s'appuyant sur un corpus de documents de valeur informative (doc. 2, 7, 8 et 9), de valeur scientifique (doc. 1, 6 et 9) et de valeur prescriptive (doc. 3, 4 et 5), il s'agira de définir la notion de justice scolaire (I.) ; la question du sens et des enjeux de la justice scolaire ainsi établie permettra alors d'identifier de quelle manière l'école peut se saisir de cette question (II.). Au regard des deux premières parties, il importera de proposer les éléments constitutifs d'une politique éducative et pédagogique visant l'émergence des principes d'une justice scolaire au sein d'un EPLE (III.).
I. Sens et enjeux de la justice scolaire
La justice en milieu scolaire comprend l'ensemble des situations au travers desquelles un ou des membres de la communauté scolaire vivent ou font vivre à autrui un sentiment de justice ou d'injustice à partir de leurs actes, leurs propos, leurs décisions, etc. Dès lors, les conditions d'enseignement et les pratiques pédagogiques et éducatives participent de la justice scolaire (doc. 1). En effet, l'égalité des chances et des résultats prônée par le système ne suffit pas à créer un sentiment de justice chez les élèves. Pour preuve, « environ 70 % des élèves estiment être traités avec justice par leurs professeurs et 30 % estiment ne pas l'être. Cette situation ne semble pas avoir beaucoup évolué depuis dix ans. » (doc. 1). On pourrait se targuer d'un résultat très correct de 70 %, mais dans les faits, ce résultat, comparé à l'international, classe la France comme « championne du sentiment d'injustice à l'école juste après la Turquie » (doc. 1).
Au-delà de ces résultats, les différentes enquêtes montrent que la définition de ce sentiment n'est pas partagée entre les usagers du système et les acteurs du système. Alors que les enseignants français considèrent qu'être juste c'est être impartial et accorder les mêmes droits et le même traitement aux élèves (doc. 1), les élèves définissent quant à eux la justice scolaire selon trois critères : le mérite, l'égalité, et l'autonomie (doc. 1). L'autonomie étant ici entendue comme une considération de la personne, de l'individu, ne prenant pas appui sur la performance scolaire : « les élèves se sentent plus souvent traités avec justice lorsque les enseignants les considèrent en tant qu'individus, et non pas en tant que groupe uniforme » (doc. 1). Toujours d'après les élèves, l'enseignant juste est l'enseignant qui est à la fois attentif à la singularité de chacun tout en accompagnant le collectif dans une progression globale : « la justice d'une école se mesure à la manière dont elle traite les élèves les plus faibles » (doc. 6).
À la lecture de ce bref constat, il est donc impératif pour l'école de comprendre la manière et les enjeux d'instaurer un sentiment de justice. L'attention portée aux élèves permet la sécrétion d'hormones agissant sur le bien-être et les performances mémorielles et cognitives (doc. 2). Mieux encore, la promotion du bien-être à l'école et donc du développement d'un fort sentiment d'appartenance à l'école améliore la motivation et l'implication de l'élève, qui lui-même développe un rapport de confiance et d'ouverture avec l'enseignant et donc favorise la curiosité au savoir et, de fait, améliore ses résultats scolaires (doc. 7). Ce cercle vertueux des enjeux de la justice scolaire est un élément clé pour permettre à l'élève de se doter de compétences civiques, notamment celle de la responsabilité envers soi et envers les autres, mais aussi celle de la prise en compte des conséquences collectives que peuvent avoir des décisions individuelles (doc. 3 et 6). En effet, donner confiance en chacun, c'est aider l'élève à développer une prise de conscience interne, une autonomie morale et donc l'accompagner progressivement vers sa future citoyenneté (doc. 2 et 3). C'est donc bien à l'école, où l'élève construit sa personnalité et son rapport aux autres (doc. 3), que la justice doit être affirmée et garantie.
II. La justice scolaire à l'école
Parce qu'elle n'est pas une option éducative ou pédagogique, mais bien un principe qui permet d'asseoir un pacte social, la justice scolaire doit être au cœur des missions de chacun des personnels qui accueillent les jeunes. La légitimité des adultes, garants de la préservation de cette justice, tient à leur niveau de responsabilité et d'implication pour protéger et être attentif à chaque élève (doc. 3). Pour que les élèves éprouvent un sentiment de justice, le projet éducatif et pédagogique doit être l'affaire de tous (doc. 3 et 4). Cette unité est nécessaire justement pour harmoniser des pratiques voire en éradiquer d'autres qui peuvent parfois contribuer au sentiment d'injustice (doc. 9). En effet, certaines pratiques d'accueil (doc. 9) ou pédagogiques (doc. 2) viennent alimenter une opinion plus subjective qu'objective (doc. 9), et parfois alors entériner un a priori sur les capacités à réussir des élèves.
Pour affirmer et concrétiser la volonté de dépasser des trajectoires scolaires associées au handicap social et/ou familial, il est donc impératif que les acteurs de l'EPLE s'interrogent sur leurs pratiques pédagogiques et/ou éducatives. À titre d'exemple, le document 9 dénonce l'usage des fiches remplies par les élèves en début d'année scolaire, qui peuvent être à l'initiative de biais sociaux de l'évaluation. À ce titre, selon une étude de 2018, 46,6 % des élèves en lycée estiment être notés de manière sévère ou plutôt sévère (doc. 8). Un pourcentage à relativiser puisque 85 % de ces lycéens estiment être évalués de manière juste (doc. 8). Ce n'est donc pas la sévérité qui renforce un sentiment d'injustice mais bien un manque de transparence dans l'application de la notation. C'est pourquoi il est nécessaire d'entamer de manière collective une réflexion sur l'éthique des pratiques évaluatives et pédagogiques. Une réflexion qui ne peut faire l'économie de la participation des parents et des élèves. Émettre des réponses à leurs questionnements, c'est aussi favoriser l'implication de tous dans la vie de l'établissement dans leur scolarité, engager leur responsabilité (doc. 8). Une responsabilisation partagée qui permet alors d'inscrire un cadre propice aux apprentissages doté de règles admises et comprises de tous.
Pour que les règles soient considérées comme justes, là encore la construction doit être l'affaire de tous les acteurs de la communauté éducative (doc. 3). Si le règlement intérieur est l'outil d'une culture de droit (doc. 5), il ne peut constituer le seul outil de référence. La qualité des relations humaines qui permet de transmettre des modèles et des modalités d'apaisement doit être au cœur de l'accompagnement du jeune afin d'asseoir ce sentiment de justice (doc. 3). Enfin, les sanctions doivent être un levier pour former aux compétences psychosociales. C'est pourquoi, elles doivent à la fois privilégier le dialogue par le biais des commissions éducatives (doc. 5) mais aussi encourager la responsabilisation (doc. 4 et 5). Puisque l'école est un lieu d'apprentissage des droits et des devoirs, les sanctions dispensées doivent répondre aux principes généraux du droit, respectant l'individualité et la protection de l'élève (doc. 5 et 6). Enfin, sanctionner c'est aussi éduquer, c'est pourquoi il est nécessaire d'activer davantage les mesures de responsabilisation. Leur intérêt est double. D'une part, elles permettent à l'élève de réparer une faute commise et, d'autre part, elles convoquent des compétences (artistiques, culturelles) et des valeurs (solidarité notamment) que l'élève pourra s'approprier. Au-delà de cette appropriation, ces mesures permettent aussi de valoriser et de donner du sens à une action. Une valorisation qui permet aussi de reprendre confiance en soi, de réaffirmer son appartenance à un collectif qu'est l'École plus juste car alors elle n'exclut pas les plus vulnérables (doc. 2, 3 et 6).
Conclusion
De manière générale, les inégalités de traitement observées, l'iniquité de certaines décisions en matière d'orientation et de redoublement prises au nom des résultats scolaires, les stratégies en tout genre dont elles font l'objet alimentent les frustrations et nourrissent un sentiment d'injustice et d'incompréhension à l'égard de l'École. Ces constats remettent fortement en cause le principe d'égalité des chances – régulièrement mis en avant dans tous les discours –, lequel constitue la figure dominante de la justice sociale. Définie comme l'ensemble des situations au travers desquelles un ou des membres de la communauté scolaire vivent ou font vivre à autrui un sentiment de justice ou d'injustice à partir de leurs actes, de leurs propos, de leurs décisions, etc., la justice scolaire requiert alors une réflexion commune de l'ensemble des acteurs de la communauté scolaire pour définir les éléments constitutifs d'une politique éducative et pédagogique afin d'améliorer le sentiment de justice scolaire. La définition de cette politique, au niveau de l'établissement, doit désormais intégrer le rôle social et éducatif de l'École dont le poids relatif est souvent équivalent à celui de la mission première d'enseignement et de transmission des connaissances de l'École.
III. Partie propositionnelle
Transition et introduction de la partie propositionnelle
Le positionnement institutionnel du CPE au sein de l'établissement, du conseil de classe et du conseil pédagogique lui offre l'opportunité de faire partager, dans le cadre de la politique éducative de l'établissement, une vision plus systémique de la justice scolaire de nature à faire évoluer la perception que peuvent avoir élèves et professeurs. Situant les responsabilités des conseillers principaux d'éducation dans la perspective de la mission éducative de l'établissement scolaire, la circulaire de 2015 place l'ensemble des responsabilités exercées par les CPE dans le cadre général de la Vie scolaire définie comme devant « placer les adolescents dans les meilleures conditions de vie individuelle et collective, de réussite scolaire et d'épanouissement personnel ». Le décret n° 89-730 du 11 octobre 1989 fait entrer les conseillers d'éducation dans l'évaluation des élèves à côté des personnels enseignants. Ainsi, le CPE peut et doit réunir les conditions nécessaires à une cohésion entre les équipes pédagogiques et éducatives afin de permettre la réussite de chacun des élèves.
La réforme du collège et le socle commun de connaissances, de compétences et de culture mettent l'évaluation au centre des préoccupations du système éducatif en ce qui concerne notamment la volonté d'une école bienveillante et donc d'une école juste. En effet, comme nous l'avons vu dans la première partie, le sentiment d'injustice serait à l'origine de souffrances pour les élèves. Or, ces souffrances dues aux classements et à la perte de confiance en soi contreviennent fortement aux volontés nationales de faire de l'école un lieu de découverte de soi et d'épanouissement personnel. Dès lors, comment le CPE, acteur à part entière de la communauté éducative, peut-il favoriser l'impulsion d'une politique favorisant la justice scolaire, au sein de son établissement, dans le parcours scolaire des élèves, afin de leur permettre une évolution sereine dans leurs apprentissages et de favoriser la réussite de chacun d'entre eux ?
Dans un premier temps, penser les conditions d'accompagnement des élèves semble non seulement essentiel pour établir ce sentiment de justice, mais aussi pour asseoir un collectif dans lequel ils pourront s'inscrire
(A.). Dès lors, il paraît primordial d'inclure les élèves au cœur des politiques éducatives
(B.) afin d'établir des parcours individualisés de réussite
(C.).
A. Accompagner individuellement et collectivement les élèves
1. La communauté éducative au service de la réussite
Bien que l'École soit, avant tout, une instance collective, il reste important de considérer chaque élève comme un individu à part entière. En effet, les élèves peuvent être confrontés à des conditions de vie très différentes les uns des autres, ou tout simplement avoir des personnalités variées. C'est pourquoi la justice scolaire ne peut prendre place au sein d'un établissement qu'en portant de l'importance à chaque parcours scolaire et à chaque individualité. Cela permet une meilleure appréciation des comportements ou des particularités de la scolarité de chaque élève.
Ainsi, il est nécessaire de connaître chaque élève pour ajuster ses pratiques et répondre au mieux à d'éventuelles difficultés. Il s'avère que le collège représente une étape importante puisqu'il implique de nombreux changements dans la scolarité notamment celui de ne plus avoir un seul enseignant. En ce sens, les conseils école-collège représentent un acte éducatif important puisqu'ils permettent d'appréhender les nouveaux collégiens et d'asseoir une continuité des parcours (PPRE passerelle) ainsi que de cibler des situations particulières qui pourraient interférer dans leur scolarité (PAI, PPS, PAP, etc.). Ce lien entre l'école primaire et le collège est nécessaire à l'impulsion du sentiment de justice dans l'établissement. Néanmoins l'approche avec les nouveaux arrivants doit se faire également en lien avec leur famille.
Les parents représentent des partenaires incontournables pour la scolarité de leur enfant. C'est pourquoi créer une relation de confiance avec ces derniers est primordial, notamment avec ceux les plus éloignés de l'École. Plus ils s'approprieront les enjeux de la scolarité secondaire, plus ils seront à même de guider leur enfant et de s'engager dans une réelle coéducation avec l'École. Cette relation avec les familles s'inscrit dans le suivi individuel de l'élève et peut ainsi permettre un regard différent sur certains comportements ou faits qui surviennent durant la scolarité, notamment en ce qui concerne les absences et les retards. Il appartient donc à chaque établissement de définir les conditions de mise en œuvre d'une coéducation qui reconnaît à la fois une parité d'estime mais aussi la complémentarité éducative des familles et de l'école. Les espaces parents et les différentes réunions (inscription, visites établissement, rencontres parents-professeurs) sont les leviers de cette coopération. Il semble évident que la notion de justice encourage à différencier les retards suivant que l'élève vive plus ou moins loin de l'établissement ou certaines absences suivant la situation familiale qu'il peut connaître (les enfants aidants). Prévenir l'absentéisme et le décrochage scolaire en évitant de sanctionner un élève pour quelque chose qui n'est pas de son fait et qui pèse déjà sur sa scolarité est une condition pour établir un sentiment de justice. Dès lors, le recours à une exclusion systématique est à proscrire afin de ne pas fragiliser le lien entre l'élève et l'institution et de ne pas participer à la mise en œuvre d'une certaine rupture d'apprentissage.
2. L'expertise du CPE fondée sur le suivi individuel et collectif des élèves
La prise de décisions concernant un apprentissage individuel suppose la connaissance d'informations sur l'environnement des élèves et demande à connaître l'élève dans sa personnalité. La justice nous impose, en effet, de sortir de l'individu-élève abstrait. Le phénomène de « l'effet Pygmalion » travaillé et formalisé par Rosenthal et Jacobson (Christophe Marsollier,
Créer une véritable relation pédagogique) manifeste que l'élève s'imprègne du discours positif ou négatif, implicite ou non qu'il entend. Si l'exemplarité du CPE dans sa pratique est nécessaire, elle ne suffit pas à mettre en pratique une culture de la justice scolaire. Cela ne sera effectif que si elle est une dynamique d'équipe collaborative. Elle doit faire l'objet d'une volonté collective dont les modalités doivent figurer dans le projet d'établissement et le projet de vie scolaire.
Dans ce cadre, le CPE apporte son expertise dans le cadre du suivi individuel et collectif des élèves qu'il lui revient de mettre en œuvre. Placée au service d'une analyse rigoureuse quant aux origines et à l'ampleur de comportements et d'attitudes qui peuvent être perçus comme une dérégulation de l'établissement, l'expertise du CPE lui confère un rôle important, et tout particulièrement en matière de lutte contre l'insatisfaction et l'ennui scolaires. Il est alors indispensable à partir d'entretiens, du suivi des absences, de contacts avec les partenaires du secteur médical, les familles, l'assistante sociale, etc., que le CPE contribue à affiner le diagnostic posé sur l'élève. Même si les enseignants maîtrisent l'évaluation de leur discipline, le choix des remédiations et les propositions de formes de soutien complémentaires (conseil pédagogique) seront d'autant plus adaptés lorsque le CPE aura su faire partager son expertise. Parce que ce diagnostic prendra en compte l'élève dans sa globalité, les adaptations éducatives et/ou pédagogiques proposées à l'élève seront perçues comme plus justes.
Parce que « L'école n'a pas seulement pour finalité d'enseigner et d'éduquer : elle doit aussi socialiser » et parce que cette socialisation est nécessaire à l'insertion, alors il incombe à chaque établissement de penser les conditions d'une politique éducative juste.
B. Inclure tous les élèves au cœur de la politique éducative
La vie en collectivité impose certaines règles à respecter pour le maintien d'un ordre bienveillant nécessaire au développement des élèves. Dans ce cadre, la punition et la sanction représentent des volets essentiels au sentiment de justice scolaire. Selon Eirick Prairat, la sanction permet à l'élève qui a eu un comportement déviant de se réinsérer parmi ses pairs tout autant qu'il permet au collectif de développer un sentiment de justice. Ce sentiment permet l'assimilation des règles de savoir-être et savoir-vivre nécessaires à l'insertion socioprofessionnelle. C'est toujours dans le sens de cette justice scolaire que l'attitude des adultes doit représenter un modèle. En effet, rien ne doit laisser penser que l'élève est inférieur à l'adulte mais il faut tendre vers une relation fondée sur le respect, l'intérêt et la reconnaissance de chaque singularité. Cette volonté peut d'ailleurs faire l'objet d'un conseil pédagogique de manière à faire prendre conscience à l'ensemble des équipes des conséquences de leur attitude au quotidien.
1. Du ressenti des punitions et des sanctions
Punitions et sanctions sont souvent opposées – à tort – au sentiment de justice. Clamer à l'injustice lorsqu'une punition ou une sanction est prescrite ou non (selon si l'on se place du côté de l'élève ou de l'enseignant), c'est prendre le risque de s'installer dans une forme de complaisance qui empêche l'élève d'accéder à son métier d'élève au sens où Philippe Perrenoud le définit. L'exigence, le dépassement de soi ainsi que le sens de l'effort sont nécessaires au processus éducatif. Tout l'enjeu de l'application d'une sanction juste est de ne pas faire violence (ce qui peut revenir à une forme de violence symbolique) à l'élève mais bien de l'accompagner en partant d'où il est et de l'emmener plus haut. Cette éthique revient alors au sens étymologique du mot élève en grec : « porter plus haut ». En poursuivant une finalité éducative, elle cherche à placer l'élève devant la responsabilité de ses actes. Elle est donc un outil au dialogue. Une sanction bienveillante est une sanction éducative au sens où Eirick Prairat l'entend. Elle s'adresse à un sujet et prend en compte sa dignité de personne humaine, elle porte sur l'acte et non l'être de la personne. Dès lors, il importe à chaque établissement de penser une harmonisation des pratiques disciplinaires et d'établir des protocoles clairs et respectés. Redonner du sens à la sanction, c'est donc la présenter non pas comme un élément coercitif mais bien comme un outil de relation avec les adultes. Ce n'est qu'à ce prix qu'elle pourra alors être perçue de manière juste.
Par son action globale de sensibilisation aux enjeux qui sont liés aux thématiques de la sanction et de la punition, le CPE contribue à l'instauration d'un ordre scolaire fondé sur des règles reconnues de tous, parce que fondées en droit. Il s'agit pour lui de s'inscrire dans une logique éducative visant à assurer la justice et la pertinence des réponses apportées par la communauté éducative aux manquements à la règle. La volonté de donner du sens en établissant de la cohérence en matière de sanction et de punition engage la communauté éducative à réfléchir sur les modalités de prise en charge (cas des retenues et travail éducatif à réaliser, ou dans le cas d'exclusion temporaire de l'établissement s'assurer de la continuité pédagogique), sur les conditions d'application de la sanction (cas des exclusions de cours) ainsi que sur les alternatives à proposer (commission éducative et mesures de responsabilisation).
2. Responsabiliser les élèves
Au cours de ces dernières années, l'institution a multiplié les invites à l'endroit des enseignants en vue d'adapter leurs démarches pédagogiques aux besoins nouveaux des élèves. À côté de l'individualisation des pratiques au sein de la classe et de la volonté d'établir des liens entre les disciplines se sont également développées de nombreuses dispositions destinées à faire de l'établissement un lieu de vie. Loin de susciter l'enthousiasme au sein des établissements scolaires, ces nouvelles modalités participatives se sont heurtées à la tradition scolaire républicaine fondée historiquement sur la discipline entendue ici dans toutes ses acceptions. Or, l'éducation à la citoyenneté implique une mise en pratique. La prise en compte des avis des élèves à travers le jeu démocratique des instances (CVL-CVC, Assemblée des délégués, CA, etc.) et l'apprentissage de l'expression individuelle dans l'expérience du débat argumenté sont pressentis comme pouvant améliorer les relations au sein de l'établissement dont on sait qu'elles sont à certains égards déterminantes quant à la motivation des élèves. Ces dispositions en faveur d'une éducation à laquelle participe activement l'élève sont l'occasion pour le CPE de contribuer à valoriser les goûts et les talents différents des élèves. Ainsi, l'exercice du mandat et la prise de responsabilité doivent être valorisés, ce qui n'est pas toujours le cas au sein des établissements. Pourtant, l'ensemble de la communauté éducative est concerné par cet apprentissage qui ne saurait être l'affaire d'un spécialiste, qu'il soit enseignant ou CPE. Devant l'indifférence, voire la méfiance qui peut naître ici où là, il appartient alors au CPE de créer les conditions nécessaires pour instaurer une relation apaisée entre les adultes et les jeunes, tout en motivant ses collègues enseignants quant aux enjeux d'un apprentissage effectif de la citoyenneté. Il s'agit de permettre l'expression d'un véritable parcours civique de l'élève, constitué de valeurs, de savoirs, de pratiques et de comportements. À ce titre, il importe de lier les actions du CESC aux axes du projet d'établissement.
C. Instaurer des parcours de réussite
La démocratisation de l'éducation, prônée par la mise en place du collège unique en France, vise à offrir une éducation égale pour des élèves aux acquis différents. La conséquence directe est donc une hétérogénéité inévitable des élèves qui doit être considérée dans chaque projet pédagogique des établissements dont l'un des axes sera la prise en charge de la difficulté scolaire qui a pour conséquence directe une évaluation sanction. À ce titre, il est indispensable lors d'un conseil pédagogique de repenser l'évaluation mais aussi de réfléchir aux moyens de redonner du sens à la scolarité, sens qui nourrira le sentiment de justice.
1. Définir collectivement le rôle de l'évaluation et mieux accompagner
Réunir l'ensemble des équipes de l'établissement pour les sensibiliser aux questions relatives à l'instauration d'une évaluation juste est une condition
sine qua non pour instaurer une évaluation qui fasse sens auprès des élèves. Pour qu'elle paraisse juste, l'évaluation doit reposer sur une volonté de faire progresser les élèves. La volonté de donner du sens à tous les apprentissages de l'élève passe par un traitement distinct des questions liées à la sanction et à l'évaluation. Les velléités visant à recourir (naguère au « zéro ») au redoublement ou encore à l'exclusion révèlent la difficulté à imaginer de façon distincte les questions de la sanction et de l'évaluation auxquelles sont sensibles les élèves. Ainsi, pour que la note chiffrée ne soit pas considérée comme une sanction et que l'évaluation remplisse son rôle instrumental, l'accompagnement personnalisé représente une alternative précieuse. Le fait de réunir des élèves en effectifs réduits permet une meilleure prise en charge. Les travaux effectués durant ces heures peuvent s'atteler à donner du sens aux apprentissages et à valoriser les élèves de par leurs connaissances et compétences acquises. Ces heures peuvent aussi être l'occasion de revenir sur des travaux non réussis et sur des notions non acquises tout en explicitant les attentes. Cela constitue notamment le deuxième domaine du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, « Les méthodes et outils pour apprendre ». L'auto-évaluation (compétences du socle) est également une alternative éducative dans le cadre de l'accompagnement personnalisé. En effet, il est primordial de rendre l'élève acteur de sa scolarité, de ses apprentissages et de ses progrès. L'objectif est donc de désacraliser la note afin qu'elle ne soit plus à l'origine de tant d'angoisse et d'anxiété qui alimentent parfois le sentiment d'injustice.
Travailler à une politique sur l'évaluation, c'est aussi penser les conditions face à la difficulté. La loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école du 23 avril 2005 prévoit dans son article 16, intégré au code de l'éducation par l'article L. 311-3-1, qu'« à tout moment de la scolarité obligatoire, lorsqu'il apparaît qu'un élève risque de ne pas maîtriser les connaissances et les compétences indispensables à la fin d'un cycle, le directeur d'école ou le chef d'établissement propose aux parents ou au responsable légal de l'élève de mettre en place un programme personnalisé de réussite éducative. » Ce dispositif définit un projet personnalisé fondé sur les compétences acquises et les besoins repérés, qui doit permettre la progression de l'élève en associant les parents à son suivi. Il prend place dans un ensemble de moyens que l'école met en œuvre pour aider les élèves à surmonter les obstacles propres aux apprentissages. Il vient renforcer les efforts des enseignants en matière de différenciation pédagogique au sein de la classe au profit des élèves pour lesquels la maîtrise des compétences et connaissances du socle commun n'est pas assurée. L'illustration des stages de remise à niveau n'est qu'un exemple des suggestions de dispositifs que le CPE peut proposer pour remédier à la difficulté des élèves. En effet, toutes propositions élaborées par le CPE doivent viser l'acquisition de compétences susceptibles d'apporter une plus-value à l'élève. Le geste pédagogique est porté dans une situation proposée en relation avec une intention préalable. L'enjeu premier est de prévenir et/ou guérir la difficulté scolaire. Ces stratégies représentent une chance pour le système éducatif français d'arriver à limiter la très grande difficulté dans le cadre de la démocratisation scolaire en individualisant les parcours pédagogiques pour les élèves qui en ont besoin. La réussite de la mise en œuvre des dispositifs (tutorat, aide individualisée, accompagnement personnalisé…) est un enjeu essentiel pour permettre davantage d'égalité des chances mais aussi engendrer de la motivation scolaire : « Je vis que je réussissais, et cela me fit réussir davantage » (Jean-Jacques Rousseau).
2. Donner sens à la scolarité pour mieux s'orienter
La démocratisation de l'enseignement secondaire a entraîné la possibilité de droit pour chaque élève d'accéder à la formation de son choix. Cependant, l'origine sociale continue à marquer les destins scolaires, point qui nourrit de fait le sentiment d'injustice à l'école. Donner du sens à la scolarité, c'est inscrire l'élève dans un projet personnel d'orientation. À cette fin, l'établissement doit organiser les modalités d'une politique d'orientation afin de permettre à tous les élèves et toutes les familles d'être informés sur les métiers et les formations. La loi d'orientation sur l'école du 10 juillet 1989 institue le droit au conseil en orientation comme faisant partie du droit à l'éducation. Dans le décret du 14 juin 1990, l'orientation est conçue comme un processus d'observation permettant l'élaboration d'un projet personnel de formation en collaboration avec le personnel d'orientation et d'enseignement. C'est dans cette perspective que le CPE pourra s'appuyer sur le Parcours Avenir (loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'École de la République, juillet 2013) qui propose un parcours cohérent de la 6
e à la terminale. Il s'agit à la fois de transmettre les informations, de réaliser des expériences à travers des séquences d'observation en entreprise et de procéder à des entretiens personnalisés afin de faire le lien entre le travail scolaire du moment et l'itinéraire de formation que l'élève construit. L'objectif est d'obtenir une bonne connaissance de l'environnement social et de soi-même, c'est-à-dire de ses goûts et aptitudes, afin d'être libre d'élaborer un projet personnel professionnel réalisable. Il est donc indispensable de programmer, en collaboration avec les professeurs principaux et les PsyEn notamment, les différentes actions permettant à l'élève tout au long de sa scolarité de construire une orientation choisie (heures de vie de classe, semaine de l'orientation en lycée, mini-stages, appels aux anciens élèves…).
Il est à noter que ces différentes informations ne peuvent être suffisantes si, au préalable, le CPE ne travaille pas avec l'élève et sa famille à la valorisation des différentes voies et notamment la voie professionnelle. Lors des entretiens personnalisés, il doit à la fois travailler sur la connaissance de soi qui doit permettre à chaque élève d'exprimer, puis de formaliser ses goûts et ses centres d'intérêt, mais aussi de les confronter à ses appétences scolaires, à ses efforts, à ses difficultés et à ses résultats. Il va sans dire qu'une orientation choisie est un facteur de réussite qui contribue à l'épanouissement personnel. Dans le cas où l'orientation aurait été subie, il est impératif pour le CPE de connaître tous les dispositifs qui permettent d'envisager de raccrocher une voie de réussite : stages passerelle ou stages de remise à niveau.
3. Faire de l'école un lieu d'épanouissement personnel
Les compétences psychosociales, selon l'Organisation mondiale de la santé (1993), se définissent par « la capacité d'une personne à répondre avec efficacité aux exigences et aux épreuves de la vie quotidienne. C'est l'aptitude d'une personne à maintenir un état de bien-être mental, en adoptant un comportement approprié et positif à l'occasion d'interactions avec les autres, sa culture et son environnement. La compétence psychosociale joue un rôle important dans la promotion de la santé dans son acception large renvoyant au bien-être physique, psychique et social ».
L'animation éducative permet de travailler sur « prendre des décisions, s'engager », « savoir construire son opinion personnelle et pouvoir la remettre en question », « prendre part à un dialogue, un débat : prendre en compte les propos d'autrui, faire valoir son propre point de vue » et donc de renforcer les compétences psychosociales. La contribution du CPE sera d'autant plus reconnue qu'il aura su construire des outils de suivi et développer les compétences nécessaires pour les traiter. C'est pourquoi un travail avec l'ensemble des partenaires éducatifs est indispensable. Au-delà du socle commun au collège comme au lycée, les dispositifs et les actions d'accompagnement personnalisé, de tutorat, d'heures de vie de classe, de responsabilisation des élèves, d'accès à la culture sont d'autant plus efficaces que leur mise en œuvre associe enseignants et personnels d'éducation.
Le domaine 3 du nouveau socle commun, intitulé « La formation de la personne et du citoyen », réaffirme l'importance de cette éducation et de sa prise en compte en tant que domaine de compétences. En effet, il se révèle important d'évaluer les élèves sur leurs compétences sociales et civiques puisque l'École a une responsabilité particulière dans ce domaine. Il revient donc au CPE (compétence 6 du référentiel de compétence de juillet 2013) tout autant qu'au reste de l'équipe éducative de participer à la mise en œuvre de la formation à la citoyenneté. Non seulement celle-ci est nécessaire aux élèves en ce qui concerne leur futur exercice citoyen, mais elle permet aussi de les valoriser. En effet, les compétences sociales et civiques sont tout aussi importantes pour leur future insertion socio-professionnelle. De cette manière, la mise en place d'un tutorat réalisé entre élèves peut aller en ce sens. Il permet aux élèves de développer différentes qualités comme l'entraide, le respect des différences ou encore la solidarité tout autant que la fraternité. En valorisant ces conduites, on permet dans un premier temps de lutter en faveur de l'égalité des chances et dans un deuxième temps de valoriser les élèves pour autre chose que les activités purement scolaires. Les actions menées par le comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) sont un levier pour développer ces compétences psychosociales à la condition que les actions envisagées soient le fruit d'une concertation partagée entre élèves et acteurs de la communauté éducative. Cette collaboration entre adultes et élèves de l'établissement devient alors un gage d'une relation juste, au profit des élèves. Fort de ce respect mutuel, il paraît alors tout à fait naturel d'intégrer les élèves dans les instances réflexives et décisionnelles de l'EPLE et de porter attention à leurs requêtes et à leurs sentiments.
Conclusion générale
De façon générale, l'éthique et la posture du CPE doivent lui permettre d'asseoir son « autorité », sa légitimité pour rappeler la nécessité d'un respect mutuel fondé sur les conditions d'un dialogue constructif entre les élèves et les adultes de l'établissement. En effet, pour qu'il existe véritablement le sentiment d'une justice scolaire, il faut qu'il y ait une véritable volonté d'intégration des élèves dans l'EPLE. La création des conseils de vie collégienne est une étape pour rendre l'élève acteur de son parcours et de sa vie scolaire. Leur investissement dans ce conseil doit être pris en compte dans l'évaluation de leurs compétences civiques et sociales et ne peut qu'améliorer les conditions de vie des élèves au sein de l'établissement, le bien-être étant intimement lié au concept de justice. Dès lors, le protocole visant à valoriser la contribution de la vie scolaire à l'amélioration du sentiment de justice scolaire ne peut faire l'économie d'envisager au moins trois axes : accompagner les élèves dans leur scolarité, inclure les élèves au cœur des politiques éducatives et instaurer des parcours de réussite. Le positionnement institutionnel du CPE lui offre l'opportunité de faire partager une vision plus systémique de nature à faire évoluer la perception que peuvent avoir élèves et professeurs. Perception qui est souvent à l'origine d'un sentiment d'injustice. La formation des délégués des élèves constitue, de ce point de vue, un levier à activer, à la condition, cependant, qu'elle ne soit pas perçue comme l'intendance d'un contre-pouvoir à celui des enseignants. Conduire une réunion avec sa classe, se faire l'interprète de ceux que l'on représente, savoir communiquer une information, recueillir les doléances, savoir transmettre une information privée sans trahir le devoir de discrétion, tout cela s'apprend. Il est, à ce titre, indispensable d'associer à cette formation des enseignants.
En effet, l'émergence d'un sentiment de justice partagé au sein des établissements scolaires ne peut se réaliser qu'à travers une cohésion des équipes en faveur de cette justice scolaire. Ce concept doit rythmer et guider les pratiques professionnelles des différents acteurs éducatifs de manière à répondre aux missions de l'École tout en développant et préservant le sentiment de justice scolaire qui sera gage, dans le futur, d'un exercice citoyen actif et d'une plus grande justice sociale des élèves actuels. En effet, pour que l'École reste le berceau de la transmission des valeurs de la République, il ne s'agit pas seulement de prôner la justice, mais surtout de l'incarner au quotidien, car, comme le précise Philippe Meirieu, ce sont bien les pratiques quotidiennes qui permettent l'assimilation des connaissances, des compétences et de la culture, essentielles à la réussite de nos futurs citoyens.