La décision
• En première instance
Les juges retiennent que l'accident s'est produit uniquement parce que l'élève n'a pas respecté les consignes. L'autre adolescent, chargé d'assurer la sécurité a parfaitement rempli son rôle et lui a fait remarquer qu'elle avait oublié d'accrocher sa troisième dégaine. En revanche, les magistrats relèvent que les tapis n'étaient pas disposés sur une surface suffisante et qu'il appartenait au professeur d'exiger que tous les élèves soient munis d'un casque (la Fédération française d'escalade conseille aux grimpeurs le port d'un casque).
La faute commise par la victime a été dans une large part à l'origine de son dommage, la responsabilité de l'État substituée à celle de l'enseignant n'est retenue que pour un quart : autrement dit 75 % de la responsabilité pour l'élève, 25 % pour l'État substituée à celle de l'enseignant
• En appel
Pour la cour d'appel, le fait que la sécurité soit assurée par d'autres élèves ne constitue pas un manquement aux règles de sécurité de la part de l'enseignant ; cette activité se pratique en cordée entre deux sportifs, un grimpeur et son assureur. Il ne peut pas, par conséquent, être fait le reproche au professeur de ne pas avoir assuré lui-même l'élève. En outre, l'autre élève a parfaitement rempli son rôle d'assureur en surveillant l'ascension et en faisant remarquer à sa coéquipière qu'elle avait oublié d'accrocher la troisième dégaine, ce dont elle n'a pas tenu compte.
De plus, les magistrats de première instance avaient également relevé le fait que le port du casque n'avait pas été imposé et que l'enseignant ne s'était pas assuré que des tapis adéquats étaient placés en bas de la paroi.
Or, s'il est vrai que la protection au sol par tapis est mise en place pour les chutes « basses » du grimpeur et qu'au-delà du deuxième point d'ancrage la sécurité est assurée par la corde, il semble que l'élève a atterri sur les pieds et a vraisemblablement rebondi : c'est alors que sa tête a heurté le sol non protégé.
C'est la raison pour laquelle, l'argumentation de l'État ne peut être suivie lorsqu'il affirme
- que le port du casque ne protège la tête du grimpeur que contre les chutes éventuelles de pierres ou autres éléments naturels pouvant se détacher de parois d'escalade,
- qu'il n'est nullement préconisé pour prévenir une chute,
- qu'il n'a donc pas lieu d'être utilisé lorsqu'il s'agit d'utiliser des systèmes artificiels d'escalade : en effet, le document versé aux débats par la Fédération française de Montagne et d'Escalade et diffusé à l'attention de tous les pratiquants précise que « le casque, destiné à protéger des chutes de pierres, de matériels et de chocs éventuels lors d'une chute, est un élément individuel de sécurité. »
Par conséquent, dans le cadre d'une activité sportive à risque exercée en milieu scolaire, et s'adressant dès lors à un public jeune qui n'est pas toujours en mesure d'apprécier pleinement les risques encourus, et a fortiori, de les accepter, les mesures de sécurité doivent être très strictement observées.
Dans le cas d'espèce, le port du casque était à préconiser car, d'une part, l'élève grimpait en tête et ne bénéficiait pas d'une assurance en « moulinette », et d'autre part, un casque aurait très sensiblement amorti le choc à la tête et limité le préjudice subi au niveau du crâne.
Cette faute commise par le professeur, relative à l'équipement de sécurité, a contribué à la réalisation du dommage subi par la victime dont l'État doit être considéré responsable.
Mais il est incontestable que la victime a commis des fautes à l'origine du préjudice : elle avait 16 ans au moment des faits et disposait du discernement requis pour respecter la mesure de sécurité élémentaire qui lui avait été enseignée : placer une dégaine à chaque point d'ancrage auquel elle parvenait.
Les fautes commises par la victime ont été pour une part à l'origine de son dommage, de sorte que la responsabilité de l'État n'est retenue qu'à hauteur de 50 %. Le jugement de première instance est donc modifié sur la part de responsabilité de l'État qui passe de 25 à 50 %.
Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS,
Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II.