Fiche n° 17 : noyade lors d'une séance de natation
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Résumé

Résumé

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Lors d'une séquence de préparation à l'épreuve d'éducation physique du baccalauréat, un élève participe à un cours de natation où divers exercices sont effectués. À la suite d'une longue apnée, il retourne dans l'eau malgré l'interdiction de son professeur et est victime d'une syncope fatale.
La responsabilité du professeur est retenue (2/3) ainsi que celle de l'élève (1/3), car il n'a pas obéi aux consignes données.
Les faits

Les faits

Lors d'une séance préparatoire aux épreuves du baccalauréat, un élève de terminale participe à divers exercices. Le professeur évalue notamment les élèves en apnée : l'élève effectue alors la plus longue apnée, mais termine fatigué et s'allonge pour récupérer. Le professeur lui interdit de se remettre à l'eau et organise un nouvel atelier sans lui. À la fin de celui-ci, rassemblant les élèves pour une nouvelle épreuve, il aperçoit un élève au fond de l'eau. Transporté à l'hôpital, l'élève décède peu après.
Argumentaires des parties

Argumentaires des parties

Les parents de la victime fondent leur action sur la base d'un homicide involontaire : ils considèrent que l'exercice proposé par le professeur est des plus critiquables et s'est terminé par un état de fatigue avancé de leur fils, qui a causé son décès lors de la seconde apnée.
Le ministère public(1) considère que la responsabilité de l'enseignant résulte de l'organisation du type d'exercice évalué. L'épreuve d'apnée est complètement inadaptée en milieu scolaire, même en terminale.
(1)Ministère public est l'expression par laquelle on désigne l'ensemble des Magistrats qui dans une juridiction sont chargés de défendre les intérêts de la collectivité nationale.
La décision

La décision

• En première instance (TGI Thionville, audience correctionnelle du 19 mars 1991)
L'enseignant précise que la victime a repris connaissance lors de son arrivée à l'hôpital et qu'il a été victime d'un arrêt cardiaque lors de sa prise en charge. En réalité, il résulte du rapport des médecins, que le jeune garçon, dès son arrivée en soins intensifs présentait des signes très graves dont une dette importante en oxygène qui a imposé une ventilation artificielle.
Le professeur de médecine, consulté comme expert a conclu que le décès du jeune homme était dû à une syncope consécutive à une apnée prolongée et que cette syncope sans gravité dans l'air avait entraîné sous l'eau une inondation des poumons.
L'exercice proposé par le professeur est des plus critiquables et s'est terminé par un état de fatigue prononcé de la victime. Mais le lien de causalité entre l'exercice et la noyade n'est pas établi : la responsabilité de l'enseignant ne peut être recherchée que dans le domaine d'un éventuel défaut de surveillance.
Or, après s'être inquiété de l'état de fatigue de son élève, le professeur a organisé d'autres exercices avec les élèves de la classe et c'est à ce moment-là, que la victime, sans être vue de son professeur, est retournée à l'eau. La responsabilité de l'enseignant ne pourrait que résulter du fait de n'avoir pas surveillé l'élève et de ne pas l'avoir vu retourner à l'eau.
En l'espèce, ce n'est pas le cas puisque le professeur organisait à ce moment-là un autre exercice et que la surveillance du bassin incombait au maître nageur. Il ne peut être reproché à l'enseignant de ne pas avoir surveillé l'ensemble du bassin alors qu'il dirigeait un autre exercice : aucune faute ne peut lui être reprochée.
La relaxe du professeur est donc prononcée par le tribunal correctionnel, et les parties civiles déboutées de leurs demandes dirigées contre l'État français.
• En appel (CA Metz, ch. cor. 27 février 1992)
La cour d'appel retient que l'effort important fourni pour l'exercice d'apnée a épuisé le lycéen, qui, selon toute vraisemblance n'aurait jamais dû retourner à l'eau. Le professeur s'était bien rendu compte de son état, puisqu'il lui avait ordonné de ne pas se remettre à l'eau et de continuer à récupérer jusqu'à la fin de la séance. Il appartenait donc à l'enseignant de veiller au respect de l'ordre qu'il avait donné et il lui incombait de signaler cet élève aux maîtres nageurs afin que ceux-ci l'empêchent de retourner à l'eau.
En n'accomplissant pas de telles diligences, le professeur a commis une faute caractérisée de négligence qui a contribué à la noyade ayant provoqué le décès de son élève.
En conséquence, le professeur est condamné à une amende de 800 euros. L'État est de son côté condamné à se substituer à son agent pour indemniser les parties civiles à hauteur des 2/3 du préjudice, dans la mesure où l'élève est retourné à l'eau sans que son professeur en ait connaissance : par sa témérité, la victime a contribué à sa propre fin, faute qui apparaît de nature à exonérer pour 1/3 l'auteur responsable du dommage.
L'enseignant est responsable à hauteur des 2/3 et la victime est responsable de sa propre mort pour 1/3.
• Cour de Cassation (Cass. crim., 23 juin 1993)
Le professeur forme un pourvoi en cassation : la Cour rejette le pourvoi du professeur, et confirme l'arrêt de la cour d'appel : l'élève n'était plus sous la surveillance directe de son professeur, mais celui-ci a commis une négligence en s'abstenant de prévenir le maître nageur préposé à la surveillance du bassin.
La Cour de Cassation confirme la décision de la Cour d'appel.
Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS,
Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II, mai 2011.