Cas n° 2 : bagarre dans la cour
Alors qu'il jouait dans la cour de récréation de l'école maternelle, un garçon de 3 ans et demi a reçu de violents coups à la tête assénés par un groupe d'enfants plus grands que lui. Présentant quelques jours plus tard un léger strabisme, l'enfant a été examiné par un ophtalmologiste, qui à la suite d'examens précis et minutieux, (dont un pratiqué sous anesthésie générale), constatait la perte totale de l'œil gauche.
Première étape
Les parents estimant que l'institutrice a commis une faute en ne surveillant pas toute la cour de récréation et en intervenant que tardivement pour faire cesser la bagarre, ont intenté une action judiciaire pour obtenir réparation du dommage causé à leur fils.
Le tribunal, en première instance a rendu un jugement retenant la responsabilité de l'État substituée à celle de l'enseignant, pour faute de surveillance.
Deuxième étape
Le préfet interjette appel de ce jugement au motif que les premiers juges, ne pouvaient mettre en cause, (comme ils l'ont fait, aux termes d'une motivation lapidaire), l'organisation administrative du service public de l'enseignement (compétence du juge administratif). Le représentant de l'État considère que la cour d'appel de l'ordre judiciaire n'est pas compétente : l'organisation du service public d'enseignement relève des tribunaux administratifs et il demande par conséquent à la cour de débouter les parents.
Les parents soutiennent que la demande du préfet à soulever l'incompétence du tribunal de grande instance pour celle des tribunaux administratifs, est irrecevable, faute de l'avoir fait en première instance. Le défaut de surveillance dans l'organisation du service de surveillance (qu'ils n'ont pas invoqué), n'exonère pas, à le supposer établi, l'institutrice des fautes de surveillance dont la preuve, selon eux, est rapportée et qui est le fondement de leur action.
La cour
La responsabilité de l'État, substituée à l'enseignante, peut être mise en cause devant les tribunaux civils en raison des fautes, des imprudences et des négligences commises par les enseignants dont la preuve serait rapportée et qui auraient causé le dommage dont la réparation est demandée.
Le préfet est bien fondé à critiquer le jugement déféré en ce qu'il a retenu la responsabilité de l'État en raison d'un défaut de surveillance résultant de la mauvaise organisation du service : les parents de l'enfant n'ont nullement exercé leur action sur le fondement de cette défaillance, mais ont invoqué la faute de l'instituteur sous la surveillance duquel leur fils et ses agresseurs étaient placés.
Il leur appartient, dès lors, en application de l'article L. 911-4 du Code de l'Éducation, de rapporter la preuve de la faute de l'enseignant. Il résulte des pièces de l'enquête ainsi que des croquis des lieux et des déclarations de l'instituteur que l'accident est survenu alors que celui-ci entreprenait de faire entrer les élèves dans leurs classes respectives.
En raison du jeune âge des élèves et des rapports de force les opposant, puisque toutes les classes étaient réunies dans la cour de l'école (petits, moyens et grands), l'enseignante se devait d'être particulièrement vigilant, connaissant nécessairement, compte tenu de son expérience professionnelle, l'imprévisibilité et la violence de certains comportements d'enfants de classes maternelles.
En cessant de surveiller l'intégralité des lieux, pour regrouper ceux des enfants qui se trouvaient au bac à sable, sans s'assurer auparavant qu'elle pouvait le faire en toute quiétude, et notamment en imposant aux enfants de faire cesser leurs jeux et de se mettre en rang, elle a commis une faute d'imprudence. Cette faute l'a empêchée d'intervenir dans les plus brefs délais pour séparer les enfants et la preuve en est suffisamment rapportée : la responsabilité de l'État se trouve engagée.