Cas n° 1 : Chute d'une cabane à grimper
Le 27 janvier à l'école maternelle de C., un jeune garçon chutait d'un jeu de cour constitué de rondins de bois de type « cabane à grimper » d'une hauteur de 1,25 m et se brisait le fémur droit. Cette blessure nécessita une intervention chirurgicale, une ITT
(1) de 120 jours et un taux d'IPP
(2) de 8 %.
Les parents recherchent ici la responsabilité pénale de l'institutrice. En fait ils n'ont pas assigné le préfet pour obtenir des dommages et intérêts, seule la condamnation de la directrice leur importait.
Elle a donc été renvoyée devant le tribunal correctionnel au motif d'avoir laissé les enfants de l'école maternelle dont elle avait la direction utiliser un équipement de jeu en bois ne répondant pas aux normes de sécurité et d'avoir été ainsi négligente.
Elle est mise en cause sur le fondement de l'article 222-19 du Code pénal : « elle a par maladresse, imprudence, inattention, négligence, ou manquement à une obligation de sécurité et de prudence imposée par la loi ou les règlements, (en l'occurrence en laissant les élèves de l'école maternelle dont elle avait la responsabilité), utilisé des équipements ludiques ne répondant pas aux normes de sécurité, involontairement causé involontairement une incapacité totale de travail de 120 jours sur la personne du jeune B. ».
L'enquête diligentée a établi les points matériels suivants :
- aucun des membres du personnel chargé d'une mission de surveillance pendant la récréation ce jour-là, n'avait vu le jeune garçon chuter. Il n'était pas avéré qu'une personne soit présente sur l'aire de jeu. Seul le camarade de l'élève qui a chuté, indiquait qu'ils avaient sauté tous les deux du haut de l'échelle (hauteur 1,25 m) et que son « copain » s'était mal réceptionné,
- il était relevé également que les jeux étaient posés sur un sol en terre battue, sans aucun dispositif ni matériaux destinés à amortir les chutes,
- l'institutrice, directrice de l'école, expliquait que les jeux avaient été achetés après l'accord du conseil d'école par la mairie. Elle précisait qu'elle n'avait pas personnellement choisi les modèles et n'avait assisté ni à leur installation, réalisée pendant les congés scolaires d'hiver, ni d'ailleurs à leur réception à la rentrée de janvier,
Par la suite aucun document contractuel de la vente ne lui avait été remis, ni notice d'installation, d'entretien. Elle ignorait par conséquent les prescriptions du vendeur contenant les recommandations d'implantation des jeux choisis, spécialement quant à la nature du sol de réception défini comme du sable ou du gazon, c'est-à-dire des matériaux meubles en évitant les sols trop durs,
- enfin au cours du conseil d'école les parents avaient débattu des problèmes de sécurité et de surveillance dans la cour d'école, regrettant une insuffisance de surveillance, et suggérant même le retrait de l'un des jeux qui formait, selon eux, une source de bousculades et de risques de chute.
L'institutrice admettait qu'elle n'avait pas sollicité auprès de sa hiérarchie ou de la mairie une quelconque mesure et qu'elle-même n'avait pris par la suite aucune disposition à ce sujet, laissant les choses en l'état jusqu'à la survenance de l'accident. Elle reconnaissait que le jour des faits, une centaine d'enfants jouaient dans la cour de récréation sous la surveillance de deux institutrices et de deux aides maternelles.
En réalité, il lui était reproché, en sa qualité de directrice :
- de ne pas s'être interrogée, non seulement sur la sécurité des jeux dès leur installation,
- de ne pas l'avoir fait après avoir été destinataire des remarques et des critiques sur la sécurité desdits équipements à l'issue du conseil d'école où cela avait été évoqué,
- de n'avoir pris aucune initiative dans ce sens.
Pour sa défense elle a sollicité sa relaxe, estimant avoir accompli les diligences normales compte tenu de la nature de sa mission, de ses fonctions, de ses compétences et du pouvoir dont elle disposait.
Le jugement de première instance
Il n'est pas contestable ni contesté que, ni l'acheteur, en l'occurrence la mairie, ni par ailleurs le ministère de l'éducation nationale, n'ont transmis à l'institutrice un quelconque document sur les conditions de sécurité des équipements de jeu installés dans la cour de récréation.
De façon indicative, il sera précisé qu'elle aura été tenue à l'écart à tout le processus matériel d'installation des dits équipements. De même, depuis leur mise en place et jusqu'à la dernière visite de la commission de sécurité présidée par le sous-préfet, et à laquelle participait l'inspecteur d'académie et un préventionniste, personne n'a formulé aucune remarque sur la sécurité de l'aire de jeux. Par conséquent, il ne peut être reproché à l'institutrice de ne pas avoir accompli les diligences qui lui incombaient.
En revanche l'examen des diligences qu'elle a accomplies, compte tenu du pouvoir dont elle disposait au regard du fonctionnement quotidien et interne de son école, appelle les commentaires suivants.
En effet, on peut considérer, qu'au-delà de la gestion administrative de l'établissement, les fonctions de direction confiées à une institutrice comportent une responsabilité à l'égard des enfants qui lui sont confiés, sans qu'il s'agisse pour autant de mettre à sa charge une obligation de résultat en matière de sécurité.
Cependant dans ce cas d'espèce, l'institutrice a fait preuve à la suite de l'installation du jeu et jusqu'à la survenance du dommage, d'une passivité évidente tant à l'égard de la mairie, qu'à l'égard de son ministère de tutelle.
Elle ne les a jamais interpellés, ni interrogés sur les éventuelles précautions à mettre en œuvre après leur installation. Cette passivité, synonyme d'inaction, peut être ici analysée comme une négligence. En outre, elle n'a pris aucune initiative et n'a recherché aucune information auprès de sa hiérarchie à la suite du conseil d'école au cours duquel elle avait été directement interpellée et spécialement sur les problèmes de sécurité posés par ces jeux. Elle a, par suite, fait preuve d'une négligence fautive dans l'organisation de la sécurité et également une carence dans la mise en œuvre des pouvoirs dont elle était investie dans ce domaine. Cette négligence a un lien direct avec la chute du jeune garçon qui n'a pas pu se réceptionner sur un sol pourvu d'un revêtement adéquat.
C'est la raison pour laquelle elle sera reconnue coupable des faits de blessures involontaires.
Cette décision souleva à l'époque une vive émotion : si à chaque chute dans une cour de récréation certes, lourde de conséquence, mais en l'absence de défaut de surveillance, la responsabilité pénale d'un enseignant allait pouvoir être engagée, la situation allait très rapidement devenir intenable. La directrice de l'école saisit la cour d'appel.
L'arrêt de la cour d'appel
Le jeu avait été facturé à la municipalité en 1989 et avait été installé lors des vacances de Noël de cette année-là. Lors de sa mise en place, il n'y avait ni normes ni réglementation en la matière ; c'est le décret du 10 août 1994 qui a imposé aux constructeurs et vendeurs les normes adoptées en février 1992.
Ces normes ont été imposées par décret aux propriétaires de ce type de structures, le 18 décembre 1996, avec un délai de 2 ans à compter de sa publication, pour mise en conformité.
Ainsi lorsque l'accident est arrivé, la municipalité et l'école maternelle n'étaient pas en infraction au niveau réglementaire, seuls sont à rechercher ici l'imprudence ou la négligence.
Deux mois avant l'accident les parents d'élèves avaient alerté la directrice sur le danger de ce jeu, vu le nombre d'enfant qui chahutaient et se bousculaient à proximité. Les enseignants, à l'unanimité, se sont refusé à faire retirer ce jeu adapté aux enfants et utile pour canaliser leur énergie. La directrice à la suite de ce conseil d'école, a pris les mesures qui paraissaient s'imposer, en renforçant notamment la surveillance des récréations. Elle n'avait pas jugé utile une réflexion plus approfondie sur la sécurité de ce jeu installé depuis plus de 8 ans sans qu'il n'y ait eu d'accidents.
En aucun cas, il n'avait été évoqué le danger résultant de la dureté du sol sous les installations, cela n'apparaissant à personne. En toute bonne foi, dans le cadre de ses missions et de ses fonctions, cette directrice a agi avec les informations dont elle disposait et a, avec compétence, utilisé les moyens dont elle disposait alors. Elle n'a pas failli aux diligences normales qui pouvaient être exigées d'elle.
Le jugement de première instance est donc infirmé et l'institutrice relaxée des fins de la poursuite.