Il s'agit, dans cette fiche, de traiter d'accidents survenus pendant les interclasses. En effet ce sont des moments délicats dans la mesure où beaucoup d'élèves circulent dans l'école. Le dernier cas traite d'un cas assez rare : des élèves se sont introduits de nuit dans l'école pour y commettre des dégradations…
Agression
Un jeune garçon de quatre ans est victime d'une grave agression entre 12h40 et 15h sans qu'aucun adulte ne soit informé des faits jusqu'au moment où il a été remis à ses parents dans la soirée (ce qui, en l'absence de témoignages, ne permet pas la description de l'agression).
Le tribunal administratif juge le ministère de l'Éducation nationale entièrement responsable de l'agression dont a été victime le jeune garçon dans les locaux de l'école maternelle au cours d'un laps de temps partagé entre activités scolaires et périscolaires, et écarte la responsabilité de la commune.
En appel, le ministère soutient qu'aucun texte ne met à la charge du service public de l'enseignement une obligation générale de surveillance des élèves en dehors des heures d'activité scolaire. Le service de restauration est un service public relevant de la commune qui ne se limite pas aux repas mais comprend la plage horaire s'étendant de la fin des cours du matin jusqu'à dix minutes avant la reprise de ceux de l'après-midi. Le défaut d'organisation du service engage en réalité la responsabilité de la commune. En outre, compte tenu de l'incertitude pesant sur l'heure à laquelle est survenue l'agression, l'État ne peut être tenu responsable de plus de la moitié du préjudice subi.
La cour administrative d'appel constate qu'aussi bien pendant les activités scolaires que pendant les activités périscolaires les enfants circulaient librement au sein de l'établissement pour se rendre aux toilettes ou dans la salle de classe sans que leurs allées et venues fassent l'objet de la moindre surveillance. L'agression dont a été victime le jeune garçon, qui s'est déplacé dans l'établissement sans qu'aucun adulte ne le surveille ou même soupçonne les faits dont il a été victime, résulte d'un défaut de surveillance. Compte tenu de l'extrême vulnérabilité des enfants des classes maternelles, ce défaut de surveillance révèle une faute susceptible d'engager la responsabilité du service.
Aux termes de l'article 11 du décret du 8 septembre 1990 relatif à l'organisation et au fonctionnement de écoles maternelles et élémentaires (codifié à l'article D.321-12 du code de l'éducation), « la surveillance des élèves durant les heures d'activité scolaire doit être continue et leur sécurité doit être constamment assurée en tenant compte de l'état, de la distribution des locaux, du matériel scolaire et de la nature des activités proposées. L'accueil des élèves est assuré dix minutes avant l'entrée en classe. Le service de surveillance à l'accueil et à la sortie des classes ainsi que pendant les récréations est réparti entre les maîtres en conseil des maîtres. » Il résulte de ces dispositions qu'à partir de la prise en charge des élèves par les enseignants, qui a lieu dans l'établissement à 13h20, la surveillance des enfants est assurée sous la responsabilité du chef d'établissement soit par les personnels communaux, soit par les enseignants. Ceci, que les enfants se trouvent dans les locaux où a lieu la sieste, ou dans les classes qu'ils regagnent au fur et à mesure de leur réveil. En revanche, avant 13h20, pendant les activités périscolaires, les enfants sont placés sous la seule responsabilité de la commune. En effet, contrairement à ce que soutient cette dernière, les dispositions de l'article 2 du décret du 24 février 1989 qui prévoient que le directeur d'établissement organise le travail des personnels communaux en service à l'école, ne visent que les personnels communaux placés sous son autorité pendant le temps scolaire.
Les faits s'étant produits à une heure indéterminée entre 12h40 et 15h dans un laps de temps partagé entre activités scolaires et activités périscolaires, l'État et la commune doivent être déclarés responsables, à hauteur de 50 % chacun, des préjudices subis par le jeune garçon.
Chute
Vers 13 heures une élève du cours élémentaire est blessée dans la cour de récréation par la chute d'un regard d'évacuation des eaux que d'autres élèves ont malencontreusement laissé tomber sur ses doigts.
Le tribunal de grand instance se déclare compétent et condamne l'État sur la base de la loi de 1937 : en ne donnant pas aux employées municipales les directives propres à éviter ce genre d'accident, et en ne veillant pas à ce qu'elles soient respectées, le directeur de l'école a commis une faute à l'origine du dommage.
Le préfet interjette appel : l'accident est survenu en dehors du temps scolaire et sous la surveillance d'employées communales. La cour d'appel rappelle que la cantine et l'interclasse qui la suit, ne constituent pas une activité scolaire ou éducative entrant dans les fonctions des enseignants, mais un service indépendant du service public d'enseignement organisé à l'initiative de la commune et fonctionnant avec du personnel recruté par elle. Les deux personnes chargées de surveiller les enfants n'avaient pas la qualité d'agent de l'État, ni de membre de l'enseignement : les dispositions de la loi du 5 avril 1937 ne peuvent pas s'appliquer.
La responsabilité de l'État ne peut pas plus être retenue au regard du directeur de l'école : si le « directeur veille à la bonne marche de l'école », son action s'inscrit dans le cadre strict du service public d'enseignement, alors que le « service cantine » relève de la responsabilité de la commune.
© Alexandre GIRAUD / MAIF
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Portique
Au cours de l'interclasse de la cantine, vers 13 heures, une élève de l'école maternelle escalade le portique : alors qu'elle se trouve sur une barre de ce portique, elle perd l'équilibre et tombe sur le revêtement de sol, particulièrement dur, en l'absence de tout aménagement spécial (blessures ou contusions multiples à la tête et sur la partie supérieure du corps).
La mère de l'élève fait valoir que l'obligation de surveillance commence dès que l'élève a franchi les portes de l'école, que les surveillants ne prêtaient pas attention à l'enfant et qu'aucun aménagement n'était prévu autour du portique.
Les juges de première instance constatent que l'enfant se trouvait dans l'établissement et durant le temps scolaire : l'enfant entre donc dans le champ de l'obligation de surveillance des personnels présents. Dans ce cas, les agents municipaux sont associés à la mission générale d'enseignement impartie à l'établissement scolaire. Aucune faute ne pouvant être retenue envers la victime, la responsabilité de l'État substituée à celle de l'enseignant est engagée.
La cour d'appel précise que les enfants étaient sous la surveillance d'agents communaux. Il n'est pas établi que des enseignants participaient à la surveillance. Les agents communaux chargés d'un service de garde couvrant le temps de l'interclasse en incluant celui de la cantine ne sauraient être considérés comme des enseignants au sens de la loi du 5 avril 1937. La responsabilité de l'État substituée à celle de l'enseignant ne peut être retenue.
Escalade clôture
Au cours de la récréation de la cantine, un élève du cours élémentaire première année escalade la clôture de la cour de l'école pour aller chercher un ballon et se blesse (plusieurs contusions). Les parents poursuivent le préfet pour faute de surveillance.
La ville reconnaît que la surveillance de la récréation était assurée par du personnel non enseignant rémunéré par la ville.
Les juges de première instance constatent qu'aucun personnel soumis à la loi du 5 avril 1937 n'était en charge de la surveillance des enfants au moment de l'accident. Le tribunal est donc incompétent pour connaître de la responsabilité que pourrait encourir la commune en raison de l'éventuelle carence de son personnel de surveillance affecté à la cantine.
NB : la compétence ici, est celle des tribunaux administratifs.
Vol de nuit
Deux élèves de CM1 se sont introduits de nuit dans l'école pour y commettre des dégradations et un vol. Le directeur après avoir réuni le conseil d'école, a décidé de leur faire effectuer pendant les récréations, des tâches d'intérêt général : balayer la cour et nettoyer le sol qu'ils avaient contribués à salir, pendant une durée maximale de deux mois, en précisant que les tâches seraient réaménagées si elles d'avéraient trop lourdes. Les enseignants veilleraient à ce que les autres enfants ne se moquent pas d'eux.
Un parent d'élève demande l'annulation de la décision dudit conseil et l'effacement de toute trace de la sanction des élèves.
Le tribunal administratif rappelle que, aux termes de l'article 17 du décret du 6 septembre 1990 « dans chaque école est institué un conseil d'école » et que selon l'article 18, le « conseil d'école vote le règlement intérieur… » Mais aucun texte ne prévoit que le conseil d'école siège en formation disciplinaire : les sanctions disciplinaires prononcées par le conseil d'école à l'encontre des deux élèves sont illégales et doivent être annulées, nonobstant leur caractère éducatif. Il est enjoint au recteur de procéder à la suppression, dans le dossier des élèves, de toute mention de la sanction annulée, à supposer qu'elle y figure.
La cour administrative d'appel considère que ces mesures, plus éducatives que punitives, et dont la mention ne figure pas dans les dossiers des élèves concernés (qui n'ont donc aucune conséquence sur leur scolarité), ne sont attentatoires, ni à leur liberté, ni à leur dignité et constituent des mesures d'ordre intérieur qui ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'un recours contentieux.
Le ministre de l' Éducation nationale est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a admis la recevabilité de la demande présentée par les parents d'un des élèves. Par suite le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et donc annulé.
Les accidents qui se produisent pendant ces temps d'interclasse, sont particuliers et emportent des solutions juridiques spécifiques qui relèvent la plupart du temps des juridictions administratives.
Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS,
Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II.