© Alexandre GIRAUD / MAIF
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C'est pendant le temps de la récréation que de nombreux accidents se produisent : ils ne sont pas toujours du fait d'une faute de surveillance, il peut s'agir d'un mauvais entretien des revêtements. Dans tous les cas traités dans cette fiche la responsabilité de l'État substituée à celle de l'enseignant n'est pas retenue.
Cas n° 1 : élève en fuite
La cour de l'école primaire est surveillée par 4 enseignants. Un élève de 9 ans quitte en courant le préau, disant à deux autres élèves qu'il se rend dans une boutique pour y acheter des images : l'un le suit, l'autre leur rappelle qu'il est interdit de sortir de la cour. Un des élèves franchit un muret de 1,50 mètre puis traverse la chaussée sur laquelle il est renversé par une motocyclette. Il décédera des suites de l'accident.
Le tribunal correctionnel condamne le conducteur de l'engin et sa compagnie d'assurance à indemniser les ayants droit.
La compagnie d'assurance assigne le préfet : le fait qu'un écolier, déjà réprimandé pour s'être échappé de l'établissement, puisse quitter l'école à l'insu des personnes chargées de sa surveillance établit un défaut de surveillance. Le préfet répond que la cour était correctement surveillée et que l'acte d'indiscipline de l'élève exonère l'État de toute responsabilité : seul le conducteur de la motocyclette est responsable.
En première instance, les juges estiment qu'il appartient à la compagnie d'assurances d'apporter la preuve de la faute commise par les enseignants. L'institutrice chargée de la surveillance du secteur de la cour où se trouvait la barrière franchie, a déclaré qu'elle n'a pas vu l'enfant quitter l'établissement. Même si l'élève avait déjà commis des actes d'indiscipline, l'institutrice ne pouvait négliger la surveillance des autres élèves pour se consacrer sa vigilance à l'un d'entre eux. Aucune faute de surveillance n'est établie et la compagnie d'assurance est déboutée.
En appel, la cour considère que le conducteur d'un véhicule impliqué dans un accident et son assureur ont l'obligation de réparer les dommages commis, mais cette obligation n'exclut pas la responsabilité de l'État telle que définie par la loi du 5 avril 1937. Or, aucune faute de surveillance n'est établie : l'enfant a délibérément entrepris de tromper la surveillance des enseignants.
La responsabilité de l'État substitué à celle de l'enseignant n'est pas retenue.
Cas n° 2 : football 1
Alors qu'il jouait au football avec d'autres élèves un élève du cours préparatoire fait une chute et se fracture le poignet. Sa mère reproche aux institutrices d'avoir laissé des enfants particulièrement turbulents jouer au ballon, et de ne pas avoir fait appeler un médecin alors que l'enfant s'est plaint au cours de la journée.
Le tribunal considère que pratiquer le football dans la cour de récréation est une activité banale pour des enfants de cet âge qui, bien loin de leur être néfaste, leur permet d'exercer leur besoin naturel d'activités physiques dans des conditions à la fois organisées et éducatives.
La chute d'une enfant au cours d'un jeu de ballon est un événement soudain et imprévisible que les personnes chargées de la surveillance ne peuvent ni prévenir ni empêcher. Il s'agit d'un événement habituel très fréquent et il est hors de question de faire appel à un médecin à chaque fois.
L'institutrice n'a vu ni marque, ni gonflement au poignet, l'enfant a continué ses activités et ses jeux et a participé aux activités sportives de l'après midi. Rien ne laissait supposer que le poignet fût cassé, et l'enfant n'a été examiné par un médecin que le lendemain vers 17 heures.
La responsabilité de l'État substituée à celle de l'enseignant ne peut être retenue.
Cas n° 3 : football 2
Au cours d'une partie de football, un élève du cours moyen est blessé à l'œil par un ballon. Le père de l'élève, puis l'élève devenu majeur, considèrent que l'institutrice a commis une faute de surveillance en laissant se dérouler cette partie de football : ils considèrent que le match avait été rendu plus dangereux par l'inadaptation du ballon et du terrain, qui était en fait la cour de récréation.
Les juges soulignent qu'il s'agissait d'un jeu spontané entre les élèves avec le ballon de l'un d'entre eux. Le règlement intérieur de l'école n'interdit ni les jeux de ballon, ni d'introduire un ballon en plastique dans l'école. Un tel objet ne présente pas plus de danger qu'un autre et le défaut de conformité de la cour de récréation aux normes d'un terrain de football ne saurait davantage caractériser une négligence. L'institutrice se trouvait au milieu de la cour et c'est de manière tout à fait fortuite que le ballon est venu heurter l'œil droit de la victime. La responsabilité de l'État n'est pas engagée.
Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS,
Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II.