Porte dangereuse
Un jour du mois de juin, le jeune A. a été violemment heurté par une porte ouvrant sur le hall de l'école à hauteur d'un escalier menant au premier étage, porte poussée par une autre élève. La poignée de la porte a heurté son visage entraîné de graves lésions (plaie au niveau de l'aile du nez, cécité gauche, lésions de plusieurs dents).
Les parents de la victime fondent leur demande sur l'article 1384-1 du Code e civil, c'est-à-dire qu'ils arguent du fait que ce sont les parents de l'enfant qui a poussé la porte qui doivent réparer le dommage.
Or ceux-ci considèrent que le tribunal de grande e instance n'est pas compétent pour cette affaire : ils soutiennent que l'élève doit être considéré comme un usager de l'école. Dans ce cas, c'est pour défaut d'entretien e normal de l'ouvrage e public que l'action dit être entreprise. La conception de la porte étant mauvaise, le Tribunal de Grande Instance (tribunal de l'ordre judiciaire) n'est pas compétent pour ce type de litige relevant de l'ordre administratif. Ils ajoutent que le jeune e garçon courait dans le hall et a commis une faute alors que leur fille ne faisait que manœuvrer la porte sous la surveillance de l'institutrice et sans aucune e brutalité. Le comportement du jeune e élève a constitué pour elle un élément imprévisible et irréversible de nature à l'exonérer de sa responsabilité.
Le préfet soutient que la responsabilité de l'État substituée à celle des enseignants ne peut être ici engagée : aucune faute ne peut être imputée aux enseignants. Par contre l'accident est imputable à la seule responsabilité du jeune garçon.
Les parents du jeune garçon répliquent, en faisant valoir, que le caractère dangereux de la porte qui a heurté leur fils, était connu de l'ensemble des membres de l'établissement scolaire et que tout enseignant devait en avoir conscience. Par suite, l'enseignant a manqué à son obligation de surveillance.
En réalité, il n'y a pas de discussion sur la réalité des faits ayant causé l'accident dont a été victime le jeune garçon. Les parties divergent quant à l'interprétation de ceux-ci. Il n'est pas contesté que la porte donnant accès au hall de l'établissement était considérée par le directeur de l'école et les enseignants comme dangereuse. Or cette porte constituant un élément de l'ouvrage public, les litiges qu'elle peut engendrer relèvent uniquement de la juridiction administrative.
Mais la surveillance de la porte, les précautions à prendre lors de son ouverture, lors du déplacement des élèves accédant au hall relèvent de la responsabilité de l'enseignant ayant la charge de ces élèves.
Il ne peut être reproché à un enfant de l'âge du jeune garçon (9 ans) de courir au sein d'un établissement scolaire, qu'elles que soient les mises en garde ou interdits ayant pu être diffusés au sein de l'établissement, ni à son enseignant de n'avoir pris aucune précaution pour éviter que la porte d'accès au hall ne s'ouvre de façon imprévue puisque ses élèves n'arrivaient pas à la franchir.
Par contre, l'enseignant de la jeune élève ne pouvait ignorer, ni le caractère dangereux de la porte, ni la nécessité d'ouvrir cette porte pour permettre à ses élèves d'accéder à ce hall, passage obligé pour la poursuite des activités scolaires sous sa direction. Connaissant ce danger, il lui appartenait d'assurer lui-même son ouverture pendant toute la durée du passage de ses élèves, ou de la bloquer en position ouverte, ce qu'il n'a pas fait, laissant les enfants franchir la porte sans précaution.
Par conséquent si la jeune fille est impliquée dans l'accident, comme ayant ouvert la porte, aucun comportement anormal ne peut lui être reproché : elle n'a fait qu'obéir à son instituteur en se dirigeant avec les autres élèves dans sa classe vers le hall. Le hasard a voulu qu'elle se trouve la première à actionner la porte d'accès mais elle n'a commis aucune faute en l'ouvrant.
Néanmoins la jeune V. a bien la qualité de gardienne
(1) de la porte et en conséquence ses parents devront indemniser les conséquences du dommage causé au jeune garçon.
L'enseignant de la jeune fille ayant manqué à son obligation de surveillance des enfants, obligation particulière du fait de la dangerosité de la porte (qu'il ne pouvait ignorer), la responsabilité de l'État substituée à celle de l'enseignant est engagée.
Au final, les responsabilités sont partagées entre l'État substitué à l'enseignant et les parents de la jeune fille qui a ouvert la porte.
Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS,
Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II.