La décision
• En première instance
Le professeur a, dans un premier temps, tenté de retenir la corde puis a plongé pour secourir des élèves emportés par le courant : en dépit de ses efforts, un élève n'a pu être secouru.
Les juges ont considéré que la traversée de la rivière initialement prévue aurait dû être abandonnée dans la mesure où, le cours d'eau, bien qu'en phase de décrue présentait à cet endroit un fort courant.
Les conditions n'étaient pas favorables puisque la première tentative de l'enseignant pour gagner l'autre rive, à la nage, a échoué. Il aurait pu, déjà à ce moment-là, prendre conscience de la dangerosité de la traversée. En outre, il a procédé à une installation rapide du filin sans s'assurer de la solidité de l'installation et surtout que la tension serait suffisante pour supporter le poids des élèves.
Il a cependant donné la consigne permettant aux élèves de traverser sans donner de recommandations précises sur les conditions du passage. Lors de la traversée un des élèves a paniqué et les autres ont voulu le rejoindre pour l'aider : c'est la raison pour laquelle plusieurs d'entre eux se sont retrouvés suspendus à la corde, qui, sous le poids cumulé de plusieurs élèves, a lâché.
Il résulte de tous ces éléments que le professeur avait engagé une opération dangereuse sans avoir pris les mesures susceptibles d'éviter le dommage : il a commis là une « faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer. »
Il est condamné à un an de prison avec sursis.
• En appel
Les appels ont été interjetés par le professeur et le ministère public. Pour conclure à sa relaxe, le professeur fait valoir qu'il n'aurait pu avoir conscience du risque encouru puisque la technique choisie était la plus appropriée, que le matériel était en parfait état, que les consignes étaient réalistes et que la traversée avait déjà été repérée.
Mais :
1. la traversée de la rivière initialement prévue à gué, s'est réalisée dans des eaux dont la profondeur excédait parfois 1,40 mètre : il convenait soit d'abandonner le projet, soit de le faire avec des moyens matériels adaptés ;
2. les élèves qui n'étaient munis que d'un matériel de randonnée, à l'exclusion de gilets de sauvetage, sont restés chaussés pendant la traversée : la technique utilisée n'était donc pas la plus appropriée et le matériel était inadapté ;
3. la reconnaissance du parcours avait eu lieu auparavant : il n'avait pas été prévu de traverser à cet endroit mais 15 mètres plus loin ;
4. l'enseignant peut d'autant moins prétendre ne pas avoir eu conscience du risque auquel il exposait ses élèves : il avait pu apprécier lui-même les conditions défavorables (fort courant et basse température de l'eau) lors de sa première tentative de traversée infructueuse à la nage ;
5. en outre, si le choix de l'accompagnatrice ne lui incombait pas, il lui appartenait de s'assurer que ses consignes avaient été comprises, transmises et entendues de l'ensemble des élèves et non seulement par quelques-uns.
En conséquence, le fait d'avoir fait traverser ses élèves par un fort courant et dans une eau froide constitue une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité.
Le jugement de première instance est confirmé : la peine prononcée par les premiers juges tient exactement compte de la personnalité du prévenu, des circonstances et de la gravité des faits.
Le professeur, qui s'était pourvu en cassation, s'est désisté de son pourvoi.
Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS,
Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II.