Sortie au parc
Les faits
Lors d'une sortie organisée par l'école, et alors qu'il était sous la surveillance de son institutrice et d'un parent d'élève, un élève de 7 ans se suspend par les bras à un portique dit « échelle de suspension ». Situé dans un parc de loisir communal, ce portique constitue l'un des douze agrès d'un parcours de santé au milieu d'une aire de jeux pour enfants qui comprend, elle, cinq jeux différents. L'élève lâche prise et tombe d'une hauteur de plus de deux mètres sur une pierre affleurant, se blessant gravement à la tête. Son état (coma) nécessite un transport en hélicoptère à l'hôpital.
Argumentaires des parties
Les parents mettent en cause les responsabilités de la commune et de l'État
devant le tribunal administratif(1) sur les fondements suivants :
- l'équipement concerné était destiné aux adultes et présentait un caractère exceptionnellement dangereux pour les enfants. De plus, le portique présentait un défaut d'entretien : présence d'une pierre affleurant sous le portique, que la victime a heurtée.
- l'État a commis une faute dans l'organisation du service d'éducation, en laissant les enfants scolarisés jouer dans un parc sans s'assurer au préalable de son état d'entretien, qui laissait à désirer.
La commune fait valoir que sa responsabilité éventuelle serait exonérée par une faute de la victime et elle appelle l'État en garantie d'une éventuelle condamnation prononcée à son encontre.
Appel en garantie
Ce recours est exercé lorsqu'une personne qui est assignée en justice estime qu'une autre personne doit lui être substituée dans les condamnations qui pourraient éventuellement être prononcées contre elle. Ici la commune considère que l'État a commis une faute, ce qui pourrait l'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité.
La décision
Sur la responsabilité de la commune
Après avoir rappelé les termes du décret 18 décembre 1996 :
« un affichage sur ou à proximité de chaque équipement conforme […] doit informer les utilisateurs et les personnes assurant la surveillance de la tranche d'âge à laquelle chaque équipement est destiné, et comporter des mentions d'avertissement relatives aux risques liés à son utilisation […] Les zones sur lesquelles les enfants sont susceptibles de tomber alors qu'ils utilisent les équipements doivent être revêtues de matériaux amortissant appropriés […] », les magistrats énoncent que le portique à l'origine de l'accident ne constitue pas en lui-même un ouvrage particulièrement dangereux présentant des risques d'une gravité exceptionnelle pour des personnes en faisant un usage normal.
En revanche, aucun panneau n'informait les utilisateurs et les personnes qui surveillaient les enfants, de la tranche d'âge à laquelle cet équipement était destiné. De plus, aucun panneau comportant les mentions d'avertissement relatives aux risques liés à son utilisation, n'avait été mis en place, en violation des dispositions du décret de 1996.
La présence d'une pierre affleurant située à l'aplomb du portique et sur laquelle le jeune garçon est tombé (ainsi que d'une racine) constituait des dangers apparents qui auraient dû être supprimés si les opérations d'entretien du parc avaient été effectuées. Un revêtement aurait dû être mis en place par la commune sous le portique, dès lors que les enfants étaient susceptibles d'utiliser un équipement situé au milieu de l'aire de jeu qui leur était destinée. Ainsi, le sol sous ces agrès, ne répondait pas aux exigences de sécurité pour cet équipement destiné au public.
Enfin, il ressort des déclarations du maire de la commune et de l'agent de maîtrise des services techniques qu'aucune opération d'entretien de l'aire de jeux n'avait été menée par la commune à qui, pourtant, cet entretien incombait.
Ces manquements multiples constituent un défaut d'entretien normal de l'équipement public de nature à engager la responsabilité pleine et entière de la commune. Aucune faute de la victime ne peut l'exonérer de sa responsabilité, compte tenu du jeune âge et du comportement difficilement prévisible d'un enfant de 7-8 ans.
Sur la mise en cause de l'État
Les parents soutiennent que l'État a commis une faute dans l'organisation du service public d'éducation en laissant les enfants scolarisés jouer dans un parc sans s'assurer au préalable de son état, qui laissait à désirer. Or l'entretien du parc n'incombait pas à l'État mais à la commune. Ainsi, les parents de l'élève ne sont pas fondés à soutenir que l'État a commis une faute dans l'organisation du service public d'éducation.
Sur l'appel en garantie de l'État par la commune :
Sur la faute personnelle de l'institutrice
Celle-ci avait au moment des faits une expérience professionnelle de trente-deux ans et elle avait en charge la classe de CE1, où était scolarisée la jeune victime. Elle avait, après en avoir obtenu l'autorisation du directeur de l'établissement, organisé une sortie scolaire avec sa classe dans un parc situé à 400 mètres de l'école. Elle a laissé l'enfant se suspendre à une échelle située à 2,40 mètres du sol sans intervenir, cela constituant un défaut de surveillance de sa part, à tout le moins une faute d'inattention. De plus, après la chute, l'institutrice, dépourvue de tout moyen pour alerter les secours, a autorisé le transport de l'enfant inconscient et visiblement blessé à la tête par un témoin qui prétendait avoir des notions de secourisme, chez un médecin proche, au risque d'aggraver ses blessures. Pour autant, ces conclusions de la commune dirigées contre l'État, dont la responsabilité est substituée à celle de son agent, et qui mettent en cause les fautes commises par l'institutrice sont portées devant une juridiction incompétente pour statuer.
En effet pour mettre en cause la responsabilité de l'institutrice pour faute de surveillance, c'est devant les tribunaux judiciaires que l'action doit être portée (loi du 5 avril 1937).
Sur le défaut d'organisation du service public
La commune soutient que l'État a commis dans l'organisation même du service public une faute dont l'examen relève en revanche de la compétence du tribunal administratif. Le parent d'élève qui accompagnait l'institutrice ne possédait pas l'agrément délivré à la suite de la participation à un stage spécifique ou à des journées d'information, telles que l'exigent les dispositions de la circulaire du 21 septembre 1999, qui fixe le taux d'encadrement minimum renforcé pour certaines activités d'enseignement d'éducation physique et sportive, pratiquées pendant les sorties occasionnelles ou régulières. En l'espèce, la sortie organisée par l'école avait un caractère occasionnel et comportait par sa nature même des activités physiques et sportives : elle nécessitait un encadrement renforcé et spécifique. Par ailleurs, la commune soutient, sans être contredite sur ce point par l'État, que la circulaire du ministre de l'Éducation nationale du 20 décembre 1956 prévoit :
- que le chef d'établissement doit prendre les dispositions préalables avec un établissement de soins déterminé de manière à garantir le transport et l'hospitalisation immédiate de tout élève accidenté,
- que des consignes précises soient affichées en permanence.
Or ces deux dispositions n'ont pas été prises par le chef d'établissement. Ces manquements constituent un défaut dans l'organisation du service public d'éducation :
la commune doit être garantie par l'État à hauteur du tiers des condamnations prononcées contre elle.
Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS,
Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II.