La décision
En première instance
Le tribunal estime qu'aucune faute ne peut être retenue à l'encontre du personnel d'encadrement et que l'accident présentait un caractère imprévisible. Les juges ont relevé la faute commise par la victime. Elle avait désobéi aux consignes précises données par les enseignants et consistant à rester sur l'aire de stationnement en attendant que tous les élèves s'équipent.
Les parents de la victime sont déboutés.
En appel
Les parents interjettent appel de la décision. La cour relève que :
La journée de ski s'adressait à des élèves de 11 à 12 ans dont les capacités sportives étaient inégales et souvent inconnues des professeurs chargés de l'encadrement.
Après le départ des 15 élèves ayant choisi de pratiquer le ski de fond, 69 élèves sont restés sous la surveillance de trois professeurs sur l'aire de stationnement. Ces derniers ont demandé aux élèves de se chausser et de fixer leurs skis avant de regagner les pistes où devaient de dérouler les tests d'aptitude pour la suite des manifestations de la journée. Plusieurs élèves ont quitté le groupe après s'être équipés et se sont élancés sur la piste. Celle-ci était classée sans danger puisque de faible déclivité bien que bordée d'arbres et de bâtiments.
Les élèves qui avaient quitté l'aire de stationnement se sont livrés sans aucune surveillance à la pratique du ski. Dans le même temps trois professeurs étaient restés en haut des pistes pour aider les élèves débutants à se chausser et à régler leurs fixations.
La victime a rejoint le groupe d'élèves déjà partis sans attirer l'attention des trois enseignants et a aussitôt amorcé sa descente, sans aucune préparation, se révélant vite totalement incapable de maîtriser sa vitesse et de diriger ses manœuvres,
Les trois professeurs ont été alertés par les autres élèves de la chute de la victime, alors qu'ils n'avaient pas encore fini de s'occuper de l'ensemble des élèves restés sous leur surveillance et n'étaient pas eux-mêmes équipés.
Les circonstances de l'accident ayant été ainsi précisément établies, la cour se prononce sur les fautes commises :
Sur la responsabilité des enseignants :
Il résulte des explications données que les professeurs qui ont organisé la sortie de ski ont agi avec une grande improvisation en ce qui concerne :
- la répartition de leurs tâches respectives,
- les instructions données aux enfants et le contrôle apporté à l'exécution de ces directives.
En effet, en fonction de la répartition des fonctions des trois professeurs, et à défaut d'une affectation préalable d'un nombre limité d'enfants sous la surveillance d'un enseignant déterminé, les trois accompagnateurs ne pouvaient en même temps porter leur attention sur la totalité des 69 élèves et aider matériellement un grand nombre de ceux-ci à s'équiper.
Cette absence de toute organisation entre les enseignants a permis à certains élèves de s'élancer en toute liberté sur la piste.
Par ailleurs, ils ne pouvaient se contenter de donner aux élèves des consignes. Il fallait avant tout s'assurer de leur compréhension et de la stricte observation de celles-ci. Dans le cas présent, il est établi que les élèves n'ont pas tous prêté attention aux recommandations ainsi données :
- certains ont interprété l'interdiction comme applicable aux seuls débutants,
- d'autres ont réussi à transgresser les ordres donnés sans éveiller l'attention d'aucun des trois enseignants chargés de leur surveillance.
En conséquence, la preuve d'un défaut de surveillance imputable aux trois professeurs est établie et est directement à l'origine de l'accident. En effet, si les enseignants avaient correctement défini leurs attributions et avaient fait respecter l'interdiction en surveillant les mouvements et déplacements des élèves, la victime, normalement intégrée dans le groupe et encadrée par les accompagnateurs, n'aurait pas abordé la descente de la piste à vitesse élevée et aurait évité de heurter violemment un obstacle en dehors de celle-ci.
Aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de la victime qui compte tenu de son âge et de l'inorganisation de la sortie a pu mal interpréter les consignes données et a pu rejoindre sans difficulté le groupe plus expérimenté qui skiait en toute liberté et sans aucun encadrement sur la piste.
La responsabilité de l'État substituée à celle des enseignants est retenue.
L'État français se pourvoit en cassation : le pourvoi est rejeté, l'État est toujours considéré responsable de l'accident survenu.
Une sortie, même avec des enseignants chevronnés et connaissant parfaitement les lieux, doit faire l'objet d'une préparation rigoureuse et en l'occurrence ici, d'une organisation et d'une répartition des rôles précise, respectée et anticipée.
L'organisation des sorties scolaires a depuis, les enseignants prenant de plus en plus de soin à leur préparation. Il est toutefois utile de rappeler que des situations, même si elles apparaissent atypiques et peu fréquentes, peuvent se produire dans l'urgence de la réalité. Un élève ne se trouve pas où il devrait être et cela provoque une réaction en chaine.
Source : Cour de cassation, deuxième chambre civile, février 1998.
Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS,
Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II, mise à jour novembre 2012.