Fiche n° 5 : fracture du bras en classe de mer
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Les sorties sont des moments différents au cours de la scolarité des élèves de l'école primaire : ils sont en général extrêmement impatients et excités à l'idée de faire telle ou telle sortie avec leur classe.
C'est la raison pour laquelle, les enseignants qui encadrent les sorties doivent faire preuve d'une vigilance accrue et sans faille. Nous rappellerons ici, que le risque zéro n'existe pas mais que la connaissance des cas d'espèces et de la manière dont le raisonnement judiciaire s'effectue apporte des informations utiles aux enseignants lorsqu'ils mettent en place une sortie. Jamais un enseignant n'a été mis en cause pour le comportement imprévu d'un élève, pour un évènement qu'il était impossible de prévoir. Les magistrats sont très vigilants quant aux précautions prises en matière de sécurité et ne condamnent pas parce que l'accident a eu lieu : ils sanctionnent quand, réellement, une faute de surveillance a été commise.
Nous allons ici aborder deux cas où la responsabilité de l'État, substituée à celle des enseignants, a été retenue.
Cas n°1
Les faits
Alors qu'elle participait à une classe de découverte organisée sur les îles de C. une élève a fait une chute et s'est blessée au bras.
En l'espèce la mère de la victime reproche à un membre de l'enseignement public sous la responsabilité duquel était organisée une classe de mer d'avoir commis diverses négligences. Ces fautes de négligences sont directement reprochées à l'instituteur de la classe, ainsi qu'à une enseignante en retraite et une monitrice de la jeunesse et des sports du département.
Le fait que ces deux dernières personnes ne soient pas membres de l'enseignement public, ne fait pas obstacle à ce que les dispositions de l'article L.911-4 du Code de l'éducation, dès lors qu'il n'est pas contesté que :
  • La classe de mer était organisée sous la responsabilité de l'instituteur et membre de l'enseignement public,
  • L'accident survenu à la jeune fille est survenu au cours d'une activité d'enseignement,
  • L'instituteur assurait la surveillance de l'élève qui lui était confiée.
De plus, les doléances de la plaignante portent sur le fait que sa fille, à la suite de la chute, s'est plainte plusieurs fois, sans que pour autant les enseignants s'inquiètent de la possible gravité des blessures de l'enfant. En l'espèce le tribunal a relevé que l'élève s'était blessée dès le premier jour de la classe de découverte et que malgré la douleur persistante qu'elle ressentait et qu'elle avait signalée, pendant quatre jours, à ceux qui encadraient le stage, aucun d'entre eux ne s'était interrogé sur la nécessité de faire venir un médecin pour que l'enfant soit soignée.
Le fait que le lendemain de la chute, le personnel accompagnant ait demandé à des maîtres nageurs de vérifier l'état du coude de l'enfant, ne le dispensait pas de s'assurer de son état de santé auprès du personnel médical, d'autant que les blessures de l'élève ont nécessité le port d'un bandage et étaient suffisamment douloureuses pour l'empêcher d'utiliser son bras gauche.
Il convient donc ici de constater qu'une faute de négligence a été commise par ceux qui avaient organisé le stage et étaient présents sur les lieux : l'enfant aurait dû être sérieusement examinée par un médecin afin que la nature et l'importance de ses blessures soient déterminées avec précision.
Par contre sur le préjudice, le tribunal a estimé que les blessures de la victime ne pouvaient être considérées comme les conséquences directes de la faute de négligence. Celles-ci ne résultent que de la chute de la victime, sans qu'aucune faute ne puisse être reprochée aux enseignants.
Le fait de ne pas avoir fait subir à la jeune élève une visite médicale rapidement, c'est-à-dire avoir attendu quatre jours (pendant lesquels elle se plaignait), a eu pour effet de prolonger les souffrances de l'enfant et de retarder les soins qu'il fallait apporter à ce bras douloureux (il s'agissait quand même de la réduction d'une fracture).
Il s'agit là d'une faute que le tribunal indemnisera.
Il faut savoir, concernant cette affaire, que les parents de la victime avaient déposé une plainte avec constitution de partie civile pour « non-assistance à personne en danger ». Le juge d'instruction, en charge de l'affaire, avait rendu une ordonnance de non-lieu pour absence de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis une infraction pénale.
Le juge pénal n'ayant aucune charge à l'encontre des enseignants, le préfet, substitué à ces derniers, s'est appuyé sur cette décision pour soutenir que la faute qui avait été invoquée par la mère de la victime, ne pouvait pas être une faute de surveillance mais plutôt une faute dans l'organisation du service public d'enseignement, relevant exclusivement de la compétence du juge administratif.
Or sur ce point et statuant sur sa compétence, le tribunal a jugé que « la prétendue mauvaise organisation du service n'était nullement caractérisée par le préfet qui se contentait de l'invoquer sans plus de précision quant à sa caractérisation. »
Dès lors il convient de déclarer que le tribunal d'instance est compétent, et que la responsabilité de l'État substituée à celle des enseignants est retenue sur la base de l'article L.911-4 du Code de l'éducation.
Cas n°2
Les faits
À la fin de l'année, les 90 élèves d'une école primaire et 8 accompagnateurs visitent une citadelle. La sortie se déroule tout à fait correctement jusqu'au moment du retour. Lors d'un moment de détente, un élève en courant derrière un camarade dévale une forte pente et tombe dans un précipice profond de 4 à 5 mètres. Il en résulte une fracture des deux pieds.
Les témoignages des élèves et les photographies font apparaître que le lieu était dangereux : galeries effondrées, contreforts partiellement recouverts de végétation, absence de protection des remparts. Les enseignants et accompagnateurs ont commis une faute de surveillance en laissant les enfants aller jouer à côté de fortifications dangereuses et insuffisamment protégées : il leur appartenait de les en éloigner et d'assurer au préalable une protection suffisante.
La responsabilité de l'État substituée à celle des enseignants est retenue.
© Isabelle NEAUD-GABORIT / MAIF
Nous avons évoqué dans le cas n°1 une « faute dans l'organisation du service » qui est un régime juridique différent de celui auquel nous faisons référence habituellement, c'est la raison pour laquelle un rappel sur les régimes de responsabilités applicables aux accidents scolaires, est ici proposé.
La faute d'un membre de l'enseignement public susceptible d'engager la responsabilité de l'État sur le fondement de l'article L.911-4 du Code de l'éducation
Cet article prévoit que la responsabilité de l'État se substitue à celle des membres de l'enseignement public en cas de dommage survenu aux élèves, ou causé par ceux-ci pendant le temps où ils se trouvent sous leur surveillance, dans l'hypothèse où ce dommage est la conséquence d'une faute d'un enseignant.
L'article L.911-4 du code de l'éducation s'applique également aux membres de l'enseignement privé sous contrat d'association(1). Il convient s'insister sur le fait que la jurisprudence retient une conception extensive de la notion de « membres de l'enseignement », étendue aux personnels participant à l'encadrement et à la surveillance des élèves, sous l'autorité d'un membre de l'enseignement. Par ailleurs, les règles de substitution de responsabilité interdisent de rechercher la responsabilité civile personnelle d'un enseignant.
Le défaut d'entretien normal d'un ouvrage susceptible d'engager la responsabilité de la collectivité propriétaire de l'ouvrage
Un ouvrage public est un bien immobilier comme un bâtiment mais également les éléments qui s'y attachent : ainsi des biens fixés au sol comme les cages de football, ou un toboggan ou encore les éléments des espaces verts sont considérés comme des ouvrages publics.
La personne publique responsable est la collectivité propriétaire de l'ouvrage, c'est-à-dire dans la majorité des cas les communes pour les écoles, les départements pour les collèges, et les régions pour les lycées. La faute est présumée : il appartient au propriétaire de l'ouvrage, de prouver que l'état de celui-ci ne révélait aucun défaut d'entretien à la date de l'accident.
Les dispositions de la loi du 5 avril 1937 assurent une protection exceptionnelle aux enseignants dans la mesure où il faut (entre autre) que la faute de l'enseignant soit prouvée par le demandeur pour que la responsabilité de l'État substituée à celle de l'enseignant soit retenue. Nous l'avons vu et compris dans les deux cas analysés ci-dessus : il ne suffit pas qu'un accident arrive pour engager la responsabilité d'un enseignant.
La faute dans l'organisation du service
Quand le défaut d'organisation du service touche le fonctionnement du service public de l'enseignement, la responsabilité de l'État pourra être engagée. Par contre, si le défaut d'organisation concerne un domaine qui relève de la compétence de la collectivité territoriale de rattachement de l'établissement scolaire, c'est la responsabilité de la commune, du département ou de la région qui sera engagée.
La responsabilité des parents d'un élève mineur à l'origine du dommage
Quand un dommage est causé par un élève à un autre élève mineur, les parents de ce dernier peuvent voir leur responsabilité engagée du fait du dommage causé par leur enfant, même lorsque l'enfant est en classe. En effet, leur responsabilité peut être engagée même si l'enfant n'est pas fautif, dès lors qu'il est la cause directe du dommage.
La faute pénale engageant la responsabilité personnelle des enseignants
Dans tous les cas, la responsabilité pénale est personnelle : toute personne reconnue coupable d'une infraction prévue et réprimée par la loi assumera seule la condamnation prononcée par le juge. En milieu scolaire, il s'agit dans la grande majorité des cas d'infractions involontaires définies à l'article 121-3 du code pénal.
Il existe un autre régime de responsabilité mais il ne concerne pas l'enseignement primaire. Il s'agit du cas particulier des élèves ou étudiants de l'enseignement technique : c'est la législation relative aux accidents du travail, qui s'applique(2).
Il n'est pas toujours facile de déterminer le régime de responsabilité approprié aux accidents scolaires : en réalité, ce sont les circonstances de la survenance de l'accident qui vont entraîner l'application de tel ou tel régime de responsabilité.
Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS,
Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II.
(1)Article 10 du décret n°60-389 du 22 avril 1960.
(2)Nous ne développerons pas ici ce régime particulier.