Interview de Nicole Amblard
Nicole Amblard est actuellement médecin « conseiller technique » du recteur de l'académie de Clermont-Ferrand. Elle a été auparavant, médecin de l'Éducation nationale dans toute l'académie, et est intervenue en particulier dans les établissements du département du Puy-de-Dôme. Après la réussite au concours de « médecin scolaire » en 1993 et à la suite d'une vacance de poste, elle devient médecin « conseiller technique ».
Quelles sont les spécificités des médecins de l'Éducation nationale ?
Il faut d'abord insister sur le fait que ce sont des médecins de santé publique, on pourrait même dire les médecins « du travail des élèves », de tous les élèves : de la maternelle au lycée, des établissements publics et privés. Concrètement, le MEN fait partie d'une équipe éducative dont les actions menées en synergie permettent de trouver des solutions globales aux difficultés des élèves. Autrement dit, il exerce une médecine de l'adaptation scolaire, professionnelle et sociale pour toutes les tranches d'âge.
Quelles sont les actions menées par les MEN ?
Ils exercent en faveur des élèves une mission de « santé publique appliquée », adaptée à la réalité scolaire. Tous les acteurs de la vie de l'enfant (en premier lieu les parents), ceux de l'école sont ses interlocuteurs potentiels et privilégiés selon les situations. Les assistants sociaux et les infirmiers sont leurs partenaires les plus proches. J'insiste sur ce point : ils sont les référents santé de la communauté éducative.
Concrètement, quelles sont leurs priorités ?
Tout est prioritaire…, mais il est possible de distinguer deux types d'actions :
• Celles menées en direction de l'ensemble les élèves avec :
- le dépistage précoce des difficultés susceptibles de gêner les apprentissages scolaires avec un bilan approfondi entre 5 et 6 ans prévu par le Code de la santé publique : contrôles de la vision et de l'audition, mesure de la taille et du poids avec calcul de l'IMC(2), examen bucco-dentaire, contrôle de la statique(3), dépistage des troubles du langage ;
- la promotion de l'éducation à la santé et de l'hygiène ;
- la scolarisation des enfants malades ou handicapés ;
- l'intervention lors d'événements graves (violences scolaires sur des élèves ou des enseignants) ;
- des campagnes de sensibilisation contre les maladies sexuellement transmissibles par l'apprentissage d'un comportement responsable, dans le respect de soi et des autres ;
- enfin des actions de prévention et de réduction des risques : grossesses précoces non désirées, mariages forcés, etc.
• Celles menées en direction des élèves présentant des difficultés avec :
- les interventions en urgence auprès d'enfants ou d'adolescents en danger ;
- les aides à la scolarisation des élèves atteints de troubles de la santé évoluant sur une longue période ;
- le suivi médical des élèves qui est effectué à la suite du bilan de 6 ans et/ou signalés par la communauté éducative, les parents ou par les élèves eux-mêmes ;
- les examens médicaux pour l'obtention de dérogations sur machines dangereuses dans les lycées professionnels ;
- enfin, la mise en place de structures adaptées en cas d'événements graves ou de maladies transmissibles.
C'est un travail considérable, mais tellement porteur des valeurs de la santé publique.
Comment travaillent les médecins scolaires ?
Leur espace d'intervention est divisé en secteurs : c'est une circonscription qui regroupe généralement plusieurs collèges, les écoles maternelles et primaires de rattachement et les lycées d'enseignement général et professionnel.
Les MEN travaillent donc sur un secteur vaste, comment font-ils ?
Dans le département du Puy-de-Dôme, tous les établissements scolaires sont répartis en secteurs couverts par 21 médecins qui travaillent en étroite relation avec les services infirmiers et sociaux, grâce à la collaboration de secrétaires médico-scolaires qui assurent à la fois l'accueil des élèves et des personnels et la gestion des dossiers.
Pour appréhender globalement la santé des élèves, les médecins travaillent avec les infirmières et les assistantes sociales de leur secteur. Chaque élève est suivi par un dossier médical conservé dans les centres médico-scolaires (CMS). Le dossier relève du secret médical et n'est transmis que de médecin à médecin avec l'accord de la famille en cas de déménagement.
Quelles sont vos missions en tant que conseillère technique ?
Je travaille directement sous l'autorité du recteur, je l'informe des besoins, et je mets en œuvre la politique régionale de santé en concertation avec les médecins des secteurs. Je coordonne ce service composé de médecins de secteurs qui veillent à la santé mentale et physique des élèves et contribuent à la prévention et à la prise en charge des problèmes rencontrés par les jeunes. L'académie étant en pointe dans ce domaine, nous favorisons la scolarisation des élèves ou adolescents malades et/ ou porteur de handicap.
Quelles sont les autres missions s'ajoutant à celles-ci ?
Je participe aux structures mises en place par les établissements ou les circonscriptions où sont répartis pour un meilleur suivi des élèves. J'aide également au sein des comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté à la mise en place de projets partenariaux de prévention des conduites à risques et de la souffrance psychique. Par ailleurs, je travaille sur des projets portant sur le handicap et la différence. Enfin, je contribue à la formation des personnels de l'Éducation nationale pour les séquences concernant la santé à l'école.
Bien évidemment, l'ensemble de ces actions, pour une efficience maximale, doit se situer dans un travail en réseau avec l'ensemble des acteurs de l'enfance et de l'adolescence dans la communauté éducative et plus particulièrement avec les parents.
Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS,
Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II, mai 2011, mise à jour octobre 2012.