Les droits des élèves : l'exercice de la citoyenneté
Chaque enfant a des droits et des devoirs dans la vie, qu'elle soit « civile » ou « scolaire ». L'élève est devenu un véritable acteur de la vie scolaire qui a acquis des droits. Cette transformation s'insère dans un ensemble plus vaste de dispositions prises en faveur des jeunes et est caractérisée sur le plan international par la Convention internationale des droits de l'enfant
(4) (entrée en vigueur en France, le 6 septembre 1990). Le changement du statut de l'élève, correspond également à des dispositions législatives successives (loi Haby et loi Jospin, puis loi d'orientation sur l'avenir de l'école), qui ont progressivement orienté tous les acteurs du monde scolaire vers plus d'écoute et de participation des élèves.
1) Le droit d'expression : expression individuelle et collective
Le décret du 30 août 1985 modifié
(5) prévoit que
« le chef d'établissement et le conseil d'administration veillent… à ce que la liberté d'expression dont les élèves disposent individuellement et collectivement s'exercent dans le respect de l'article L. 511-2 du Code de l'éducation. » Par conséquent, cette liberté doit toujours s'exercer dans le respect d'un certain nombre de principes (dont le pluralisme et le principe de neutralité), et nécessairement sans porter atteinte aux activités d'enseignement.
- L'expression individuelle
En fait, c'est surtout le principe de l'exercice de la liberté d'expression individuelle qui a posé le plus grand nombre de problèmes, en référence au complexe questionnement quant au port des signes d'appartenance religieuse par les collégiennes et les lycéennes
(6).
Il s'agit là de développer les droits reconnus aux élèves par le décret du 18 février 1991, c'est-à-dire le droit de réunion, le droit d'association et celui de publication.
2) La liberté de réunion : des régimes différents pour les collèges et les lycées
Ce droit a pour objet essentiel de faciliter l'information des lycéens : il permet d'aborder des questions d'actualité présentant l'expression de points de vue différents, complémentaires ou opposés dans le respect des principes du service public d'éducation.
Dans les établissements publics, ce droit est reconnu depuis 1985, mais il est limité par un certain nombre de cadres dont le chef d'établissement reste le garant.
Une différence existe entre les collèges et les lycées :
- Dans les collèges, ce sont les délégués de classe qui bénéficient de ce droit et pour le seul exercice de leurs responsabilités.
- Dans les lycées ce droit peut s'exprimer par le biais d'associations créées par les lycéens eux-mêmes pour des rencontres concourant à leur information. Les délégués recueillent avis et informations qu'ils expriment auprès des chefs d'établissement et du conseil d'administration(7).
3) La liberté d'association : une liberté contrôlée
Cette liberté existe depuis la loi du 1
er juillet 1901 mais elle n'a été mise en œuvre dans les établissements scolaires que récemment : les seules associations scolaires étaient les associations sportives et les foyers socio-éducatifs.
L'objectif de ce droit accordé aux élèves est assurément de contribuer à développer la participation des élèves à une vie citoyenne. Il faut, encore une fois, ici établir une différence entre les collèges et les lycées : le décret de 1991 garantit aux lycéens un droit d'association qui leur permet de constituer la maison des lycéens
(8).
Celle-ci est une association loi 1901 (à but non lucratif) qui remplace le foyer socio-éducatif. Tous les lycéens peuvent adhérer, mais seuls les élèves majeurs peuvent occuper des postes de président, de secrétaire, ou de trésorier. Toutefois des élèves mineurs peuvent être associés à la gestion de l'association.
Cette maison des lycéens propose un programme d'activités culturelles qui est soumis pour avis au conseil des délégués élèves et les réunions organisées par les lycéens peuvent se tenir dans les locaux affectés à cet effet.
Au-delà les lycéens majeurs peuvent créer des associations auxquelles tous les membres de la communauté scolaire peuvent adhérer. Ces créations sont soumises à l'autorisation du conseil d'administration de l'établissement après que le proviseur ait pris connaissance des statuts.
Les obligations sont celles qui paraissent évidentes au regard du lieu où elles se déroulent : respect des principes fondamentaux du service public d'éducation. Les activités peuvent être très diversifiées : culturelles, sociales, scientifiques ou de loisirs. Il est clair que le but des associations créées par les élèves, ne doit en aucun cas avoir des objets commerciaux, religieux ou politiques.
La réalité : le proviseur doit être informé régulièrement du programme des activités des associations autorisées dans le lycée. Le conseil d'administration autorise le fonctionnement de l'association, donne son avis sur l'objet de celle-ci, attribue ou non une subvention. Ce dernier est toujours garant de la sécurité des personnes et des biens, du fonctionnement normal de l'institution. En outre une assurance responsabilité civile pour l'association et une responsabilité individuelle accident pour chacun des membres est obligatoire.
Comment faire ?
- Les élèves créent librement leur association.
- Les élèves contactent des enseignants pour être aidés dans leurs démarches.
- Les élèves rencontrent le chef d'établissement.
- Les élèves déposent les statuts de l'association auprès du chef d'établissement sous réserve que l'objet soit conforme aux principes généraux de l'Éducation nationale.
- Le chef d'établissement présente les statuts au conseil d'administration.
- Le conseil autorise le fonctionnement de l'association.
- Deux formalités : une déclaration préalable à la préfecture ou à la sous-préfecture et une insertion au Journal officiel qui va conférer à l'association la personnalité juridique.
- L'association tient une assemblée générale.
- Des assurances sont prises pour couvrir les différentes responsabilités car l'association est une personne de droit privé.
- Les élèves établissent un programme d'activités.
- Les élèves respectent les principes déjà énoncés sinon le chef d'établissement rappelle les règles…
4) La liberté de publication : une liberté surveillée
La loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989 avait établi le principe de la liberté d'expression des élèves
(9) notamment dans les lycées et les établissements régionaux d'enseignement adapté.
La circulaire de 2002 a pris en compte les dix années d'expérience du droit de publication. La règle générale se traduit de la manière suivante : les publications rédigées par les lycéens peuvent être librement diffusées. Mais selon que les journaux scolaires sont internes ou externes à l'établissement, le cadre juridique diffère.
En premier lieu, l'exercice de cette liberté n'exige pas la constitution préalable d'une structure juridique de type associatif.
Il paraît cependant risqué de laisser croire aux lycéens que leur capacité de création ne connaît pas de limites. Au contraire les conditions d'exercice du droit de publication sont très précisément réglementées : a été mis en place tout un éventail de sanctions civiles et pénales à la mesure de la liberté d'expression reconnue par la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 modifiée. Les lycéens doivent être conscients du fait que leur capacité d'action entraîne corrélativement le respect d'un certain nombre de règles dont l'ensemble correspond aux règles de déontologie de la presse.
La responsabilité personnelle des rédacteurs est engagée pour tous les écrits, quels qu'ils soient, même anonymes. Ceux-ci doivent respecter les droits d'autrui et ne pas porter atteinte à l'ordre public, ils doivent également ne pas être injurieux, ni diffamatoires, ni porter atteinte au respect de la vie privée. En particulier les lycéens doivent éviter la calomnie et le mensonge
(10).
En outre, le droit de réponse de celui ou ceux qui sont mis en cause, doit toujours être assuré, et enfin les rédacteurs s'interdisent tout prosélytisme politique, religieux ou commercial. Il est important que les lycéens soient conscients du fait que leur responsabilité est pleinement engagée devant les tribunaux tant sur le plan civil que pénal. Lorsque les élèves sont mineurs la responsabilité est transférée aux parents.
Par conséquent le rôle du chef d'établissement, est primordial. Il conserve quoi qu'il en soit, un pouvoir essentiel d'appui ou de mise en garde. C'est là, au demeurant, un vrai lieu de concertation et de discussion autant entre les élèves et les enseignants, qu'à l'égard de tous les membres de la communauté éducative.
Dans tous les cas, le proviseur ou le principal peut suspendre ou interdire la diffusion de la publication : il informe alors par écrit le responsable de la publication en précisant les motifs de sa décision ainsi que la durée pendant laquelle elle est prononcée. De plus ce dernier est tenu d'en informer le conseil d'administration (mise à l'ordre du jour). Il semble également important que cette question soit évoquée lors de la réunion du conseil des délégués pour la vie lycéenne.
- Quand il s'agit d'une publication interne, par définition, les publications ne peuvent être diffusées à l'extérieur. Dans ce cas les lycéens ne sont pas assujettis à l'ensemble des dispositions relatives aux publications de presse.
- Lorsque les publications sont diffusées en dehors de l'établissement, les contraintes sont plus fortes : la loi sur la presse du 29 juillet 1881 trouve ici à s'appliquer. Elle implique le respect de règles telles que la désignation d'un directeur de la publication (majeur), une déclaration auprès du procureur de la République, concernant notamment le titre du journal et son mode de publication. En fait c'est le proviseur qui va apprécier, au cas par cas, le contenu des publications, y compris maintenant le contenu des sites internet d'élèves hébergés sur le serveur du lycée.
« Les journaux lycéens entre droits et infractions ». Extrait de Le droit et l'école. De la règle aux pratiques(11) Valérie Becquet. Extraits de paroles d'élèves à propos de leurs journaux.
« On n'est pas du genre à parler des profs. Tout ça, à se moquer, tout ça. Ouais c'est pas dans notre esprit. On trouve que ça ne sert à rien. Si j'ai envie de me moquer d'un prof je le fais en classe, pas dans le journal, alors que les élèves attendent un peu ça. Mais ouais, ce n'est pas notre but quoi… »
« C'est qu'il y en a un qui voulait faire un truc sur les profs. On en a discuté. On s'est dit euh, parce qu'il voulait faire un classement de professeurs en disant celui-là est premier, celui-là est deuxième, celui-là n'est pas bon et celui-là est bon. Bon bien sûr ça ne passait pas. C'est très dangereux et je ne vois pas l'intérêt. Bon bien sûr ça fait rire les élèves. Mais est-ce que c'est ce que doit apporter un journal lycéen, je n'en suis pas sûr. »
Enfin les publications scolaires doivent faire l'objet d'un dépôt pédagogique auprès du CLEMI
(12) (Centre de liaison de l'enseignement et des moyens d'information).
La reconnaissance de ce droit a eu pour conséquence qu'un dispositif de formation soit mis en place : c'est le recteur qui veille à ce que des stages répondant à ces objectifs soient inscrits au programme académique de formation. Ces formations pourront être envisagées sous des formes variées s'adressant directement aux élèves notamment dans le cadre des formations des délégués des élèves et même au travers de stages « mixtes » enseignants / élèves.
5) La participation : collèges et lycées, une différence notable
Les collèges
Les élèves participent au conseil d'administration, à la commission permanente
(13) de leur établissement et au conseil de discipline.
Dans les collèges, chaque classe élit en début d'année, deux délégués qui vont informer leurs camarades des décisions prises par le conseil d'administration ou par les différents conseils de classe. Il s'agit ici pour les élèves de transmettre des indications aux enseignants lors du conseil de classe par exemple, et de transmettre à leurs camarades les informations données par l'équipe des professeurs.
En ce qui concerne leur participation au niveau de l'établissement, certains délégués sont élus par l'ensemble des délégués des autres classes pour représenter leurs camarades au conseil d'administration du collège. D'autre part, l'un deux participera aux travaux de la commission permanente et deux autres se joindront au conseil de discipline.
Les lycées
Dans les lycées, là aussi, chaque classe élit ses délégués en début d'année scolaire (avec deux suppléants), et leurs actions sont les mêmes que celles des délégués des collèges mais s'y ajoutent d'autres missions. En effet les lycéens participent à la conférence des délégués
(14) et au conseil des délégués pour la vie lycéenne.
Le conseil des délégués pour la vie lycéenne (CVL)
(15) a été mis en place pour instaurer un dialogue plus fréquent et plus efficient entre les lycéens et tous les membres de la communauté scolaire. Il est composé de lycéens et d'adultes (à parité) qui représentent les personnels et les parents d'élèves. Cette instance de dialogue émet des avis et fait des propositions sur l'organisation de travail et de la vie scolaire.
Ce conseil se réunit avant chaque séance du conseil d'administration sur convocation du proviseur et peut se rassembler en session extraordinaire sur demande de la moitié de ses membres. Il fait des propositions sur la formation des représentants des élèves et sa consultation, obligatoire, concerne trois domaines : les études, l'élaboration du projet d'établissement et le règlement intérieur. D'autres domaines sont abordés comme l'hygiène et la sécurité, l'aménagement de la vie des lycéens, des activités sportives et culturelles.
Au niveau du département
Il existe un conseil académique de la vie lycéenne (CAVL) qui a toujours fonction de renforcer le dialogue entre les uns et les autres. Il formule des avis relatifs à tous les aspects de la vie des lycéens et des élèves des établissements régionaux d'enseignement adapté.
Au niveau national
Il existe un Conseil national de la vie lycéenne (CNVL) :
Le CNVL du 6 février 2007, conduit sous la présidence de Gilles de Robien, s'est déroulé le mardi 6 février 2007, au ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.
Cette réunion avait été précédée par une journée de travail, le lundi 5 février, à l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP) à Marly-le-Roi. L'ordre du jour du CNVL, au cours de ces deux journées, s'est articulé autour de trois axes :
- une formation méthodologique des élus lycéens et la détermination des chantiers de la mandature ;
- une présentation du décret du 15 novembre 2006 relatif à l'interdiction de fumer dans les lieux publics et un débat sur la mise en œuvre de ce décret dans les établissements scolaires ;
- une réflexion sur le thème de l'orientation des élèves et la formulation de propositions concrètes exposées au Délégué interministériel à l'orientation.
D'autres réunions du CNVL se sont tenues dont voici pour exemple, les ordres du jour :
Réunion du 31 mars 2006 : - l'information sur l'orientation et l'éducation à l'orientation ;
- l'orientation vers l'enseignement professionnel ;
- l'égalité filles-garçons dans l'orientation ;
- une discussion portant sur les questions d'actualité, en particulier celles de l'emploi des jeunes.
Réunion du 16 décembre 2005 : - la présentation du nouveau délégué national à la vie lycéenne ;
- l'égalité des chances dans le système éducatif ;
- l'éducation à l'environnement et au développement durable ;
- la sécurité routière.
Il existe par ailleurs un site (
www.education.gouv.fr/vie-lyceenne) où sont disponibles de nombreuses informations sur les conseils nationaux et en particuliers les comptes rendus de ces journées.
En contrepartie de ces libertés, de la mise en place par la communauté scolaire d'instances dont nous venons d'évoquer la richesse, où les élèves sont entendus, écoutés et agissent, d'autres instances existent qui elles, définissent les obligations les collégiens et des lycéens.