La protection des enseignants lors de leurs activités pédagogiques
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Introduction

Introduction

Comme fonctionnaires de l'État, les enseignants bénéficient, pour leur protection, de dispositions législatives dont :
  • celles du statut de la fonction publique ;
  • mais aussi d'une protection qui leur est spécifique, celle de la loi du 5 avril 1937 ;
  • et d'une protection commune à l'ensemble des agents publics (enseignants, mais aussi fonctionnaires territoriaux et élus), en cas de mise en cause sur le fondement de délits non intentionnels, celle de la loi du 10 juillet 2000, dite loi Fauchon.
© Myr MURATET / MAIF
La protection civile des membres de l'enseignement public : la loi du 5 avril 1937

La protection civile des membres de l'enseignement public : la loi du 5 avril 1937

Les membres de l'enseignement public bénéficient d'une protection spécifique et unique qui trouve son fondement dans un texte essentiel : la loi du 5 avril 1937, dont l'article 2 est transcrit à l'article L. 911-4 du Code de l'éducation.
Article L. 911-4 du Code de l'éducation
« Dans tous les cas où la responsabilité des membres de l'enseignement public est engagée à la suite ou à l'occasion d'un fait dommageable commis, soit par les enfants ou jeunes gens qui leur sont confiés à raison de leurs fonctions, soit à ces enfants ou jeunes gens dans les mêmes conditions, la responsabilité de l'État sera substituée à celle desdits membres de l'enseignement, qui ne pourront jamais être mis en cause devant les tribunaux civils par la victime ou ses représentants. Il en sera ainsi toutes les fois que, pendant la scolarité ou en dehors de la scolarité dans un but d'éducation morale ou physique, non interdit par les règlements, les enfants ou jeunes gens confiés ainsi aux membres de l'enseignement public se trouveront sous la surveillance de ces derniers. »
Les enseignants peuvent être mis en cause sur le fondement d'une faute de surveillance qui doit être prouvée par le demandeur (en général les parents de l'élève victime d'un accident scolaire) et dont le champ est de plus en plus large. Les accidents peuvent arriver pendant la classe, pendant les récréations et les interclasses, pendant les cours d'éducation physique et sportive, mais aussi lors de sorties scolaires.
Pour obtenir réparation la victime devra satisfaire à trois conditions, c'est-à-dire prouver :
  • la réalité du dommage,
  • la faute de surveillance de l'enseignant,
  • le lien de cause à effet entre la faute et le dommage.
Dans tous les cas, la responsabilité de l'État se substitue à celle de l'enseignant : la victime ne peut s'adresser qu'à l'État. C'est la logique même de la substitution, mécanisme qui a pour but de faire apparaître aux yeux de la victime, un autre acteur que l'auteur réel du dommage. C'est le préfet du département où a eu lieu l'accident qui se « substitue » au professeur.
Fautes de surveillance
Exemples de fautes retenues par les magistrats pendant les cours d'éducation physique et sportive. A été retenue comme une faute le fait de :
  • ne pas avoir organisé l'activité sportive de manière à avoir des garanties suffisantes de surveillance sur tous les élèves,
  • avoir disposé les tapis de gymnastique de manière incomplète et insuffisante,
  • ne pas avoir prévu de parade de réception lors des exercices de gymnastique,
  • ne pas avoir vérifié l'état du matériel et du terrain,
  • vouloir surveiller en même temps plusieurs ateliers à risques,
  • ne pas avoir été exhaustif sur les consignes de sécurité,
  • avoir toléré des conflits pendant le cours.
La protection pénale des agents publics : la loi du 10 juillet 2000, dite loi Fauchon

La protection pénale des agents publics : la loi du 10 juillet 2000, dite loi Fauchon

Suite à un accident grave, la responsabilité pénale d'un enseignant peut être recherchée sur le fondement d'un délit caractérisé. Il s'agit dans la grande majorité des cas, de délits non intentionnels. C'est alors la loi du 10 juillet 2000, dite loi Fauchon, qui trouve à s'appliquer.
Pour engager la responsabilité pénale de l'enseignant il faut en effet :
  • que « soit violée de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement » (par l'enseignant),
  • ou que soit commise « une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elle ne pouvait ignorer » (par l'enseignant).
L'article 121-3 du Code pénal
« Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.
Dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage :
  • mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage,
  • ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter,
  • sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ».
Illustrations et jurisprudence
1) L'enseignante relaxée
Le 15 janvier 2001, cinq élèves sont laissés dans la salle de classe pour finir un exposé. Ils devaient rejoindre leurs camarades à l'issue de la récréation.
L'un d'eux descend la rampe d'escalier à califourchon et tombe. Sa tête heurte un pommeau métallique. Auteur indirect de l'accident, l'enseignante est poursuivie dans le cadre de la loi Fauchon.
Le tribunal et la cour d'appel écarteront avec raison la violation délibérée d'une obligation de prudence ou de sécurité, la condamnation ne pouvant être fondée que sur une faute caractérisée ayant exposé autrui à un risque d'une particulière gravité que son auteur ne pouvait ignorer : « il ne peut être reproché à Mme G ; d'avoir ignoré un risque (pommeau métallique), qu'aucun responsable (commission de sécurité, autres enseignants, chef d'établissement) n'avait jusqu'alors envisagé. » Néanmoins, le fait d'avoir laissé les enfants sans surveillance constituera une faute civile (faute de surveillance).
Pas de faute caractérisée, pas de condamnation pénale. Mais il n'en demeure pas moins qu'une faute de surveillance sera retenue à son encontre devant les juridictions civiles.
2) L'instituteur condamné
Le 22 décembre 1996, S. chutait de la fenêtre de la salle de classe située au deuxième étage de son école primaire dont elle fréquentait la classe de CM1-CM2. La faute reprochée à l'enseignant n'est pas la « classique faute de surveillance », mais une faute de négligence et d'imprudence caractérisée.
Pendant que l'enseignant était occupé à ranger une malle, la jeune fille s'était assise sur le rebord d'une fenêtre, ouverte pour aérer la salle, rebord d'où elle a chuté. La fenêtre était dangereuse, l'enseignant en avait conscience puisqu'il avait à plusieurs reprises interdit aux élèves de s'y installer.
Le tribunal, tout en considérant l'enseignant comme un auteur indirect, entre en condamnation en première instance et en appel, en retenant la faute caractérisée de l'enseignant : « en ne maintenant pas fermé le châssis bas de la fenêtre par laquelle S. est tombée alors qu'au surplus à ce moment-là les enfants disposaient d'une particulière liberté de mouvement, M. B. a commis une faute d'imprudence et de négligence caractérisée »
Une faute caractérisée, une condamnation.
En savoir plus : retrouvez de nombreux cas pratiques dans la rubrique Fiches responsabilité.
Les autres protections

Les autres protections

Outre la protection de son employeur, chaque membre de l'enseignement peut s'appuyer sur d'autres acteurs pour assurer sa défense. Chacun peut souscrire une police d'assurance pour sa protection personnelle, et/ou aussi adhérer à un syndicat professionnel. Les personnels de l'enseignement public, quelles que soient leurs fonctions, peuvent adhérer à l'Autonome de Solidarité Laïques (ASL) et sa Fédération (FAS). Ces associations, loi 1901 à but non lucratif, ont été créées en 1903 dans le but de défendre les intérêts moraux et matériels des personnels de l'enseignement public et privé laïque.
À lire
  • Assurer les risques du métier d'enseignant : une société d'assurance mutuelle, l'Union solidariste universitaire (1909-2009), D. Lerch, Sudel, mars 2009.
  • Chiffres des conflits en milieu scolaire pour l'année 2010-2011 état des lieux et analyse FAS-USU 2011 — www.autonome-solidarite.fr
Zoom sur l'Offre Métiers de l'Éducation
La MAIF et les Autonomes de solidarité laïques proposent une « Offre Métiers de l'Éducation ».
Avec « l'Offre Métiers de l'Éducation », tous les personnels de l'éducation exerçant dans un établissement public ou privé laïque sans but lucratif, bénéficient :
  • de la couverture de leurs risques professionnels accidentels ou d'ordre juridique, de la défense des droits et des responsabilités, de la protection des dommages corporels et d'informations pratiques ;
  • d'un soutien psychologique dans toutes les situations, qu'il s'agisse d'atteinte à l'intégrité physique ou morale ;
  • et d'un soutien immédiat des Autonomes de solidarité et de la MAIF en toutes circonstances.
Conclusion

Conclusion

La protection des enseignants au niveau civil par la loi du 5 avril 1937 et au niveau pénal par les dispositions de la loi Fauchon concernant les délits non intentionnels, permettent un enseignement au plus près des exigences des programmes en toute sérénité.
Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS,
Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II, mise à jour septembre 2012.
En savoir plus

En savoir plus

  • Enseignement et responsabilités, Frédérique Thomas, J. Daniel Roque, Berger-Levrault, 2008.
  • Responsabilités des collectivités, des enseignants et des pratiquants dans les APS, Frédérique Thomas, PUS, 2014.
  • Le site des ASL permet de disposer de nombreuses informations sur les professions et les risques qu'elles générent parfois ainsi que des conseils pour une activité plus sereine — www.autonome-solidarite.fr
  • La revue Les Risques du métier publiée par la FAS-USU — www.autonome-solidarite.fr
  • Obligations et protection de l'enseignant — www.maif.fr
  • La plateforme des droits et devoirs des personnesl de l'éducation — juriecole.fr