En 1815, la plupart des États européens semblent renoncer à constituer de vastes empires coloniaux. Pourtant, dans les années 1870, l'expansion coloniale reprend avec vigueur. Quelles en sont les raisons ?
1. Les motivations économiques
• Les colonies constituent pour les pays d'Europe des réserves de matières premières. L'industrie ne cesse de croître au xixe siècle : les ressources naturelles européennes ne suffisent plus. Les pays industrialisés cherchent de nouveaux gisements de minerais et de métaux précieux. Les climats des colonies permettent également de cultiver des espèces végétales particulières, comme l'hévéa qui produit le caoutchouc naturel.
• La population indigène constitue une réserve de main d'œuvre bon marché, dans les mines ou les plantations. Très mal payée, elle ne possède cependant pas suffisamment de pouvoir d'achat pour absorber les excédents industriels européens (ce que souhaitent certains partisans de la colonisation). En revanche, les colonies peuvent atténuer les problèmes de surpopulation que connaissent certains pays européens : c'est le rôle des colonies de peuplement.
• Enfin, la révolution industrielle a beaucoup enrichi l'Europe. Les colonies permettent d'investir ces capitaux et de les faire fructifier. Les intérêts sont plus importants qu'en Europe, les risques moins grands que dans un pays étranger.
2. Le « devoir de civiliser les races inférieures » (Jules Ferry, 1885)
• Au xixe siècle, les Européens sont persuadés de la supériorité de leur civilisation. Leur développement industriel et commercial prouve, selon eux, la réalité de l'inégalité des races : la « race blanche » est présentée comme supérieure aux autres.
• Certains partisans de la colonisation considèrent en toute sincérité qu'ils doivent accomplir une mission civilisatrice. L'écrivain anglais R. Kipling estime qu'il s'agit là du « fardeau de l'homme blanc ». Les Européens se doivent d'éduquer ces peuples encore « mineurs » et de leur apporter les bienfaits de la technologie et de la médecine européenne. Au xixe siècle, l'esclavage disparaît des colonies.
• Enfin il faut évangéliser ces populations pour assurer le salut de leurs âmes. Les missions catholiques et protestantes parcourent les empires coloniaux, travaillant aussi parfois à l'amélioration des conditions de vie des indigènes.
Monseigneur Augouard en mission au CongoPhotographie, vers 1890. © J.-L. Charmet
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3. Le débat sur le colonialisme
• Dans la première moitié du xixe siècle, le principe de la colonisation ne va pas de soi : son utilité est contestée ; certains économistes estiment que les colonies sont un fardeau pour la métropole, que les investissements outre-mer s'apparentent à des fuites de capitaux. Le prix à payer pour l'empire colonial leur semble bien supérieur aux bénéfices que l'on peut en escompter. Enfin, les tensions coloniales peuvent mener à des conflits entre grandes puissances.
• En France, le principal opposant au colonialisme est Georges Clemenceau. Il remet en cause la supériorité supposée de l'homme blanc : « Races supérieures, races supérieures, c'est bientôt dit ! Pour ma part, j'en rabats singulièrement depuis que j'ai vu des savants allemands démontrer scientifiquement que la France devait être vaincue dans la guerre franco-allemande parce que le Français est d'une race inférieure à l'Allemand. Depuis ce temps, je l'avoue, j'y regarde à deux fois avant de me retourner vers un homme et vers une civilisation et de prononcer : homme ou race inférieure ». Ce faisant, G. Clemenceau s'attaque à Jules Ferry, principal partisan de l'épopée coloniale. Le même débat oppose, au Royaume-Uni, Gladstone et Disraeli.
• Au début du xxe siècle, les socialistes constituent la seule force politique opposée à la colonisation. Ils craignent la concurrence de la main d'œuvre coloniale et dénoncent l'exploitation capitaliste des colonies. Cette opposition reste cependant sans effet. Il faut attendre la Première Guerre mondiale pour que se développent les premiers mouvements d'indépendance dans les colonies.