Le néoclassicisme est un mouvement né dans la seconde moitié du xviiie siècle dans une Europe qui semble se lasser des excès frivoles du baroque et aspire à un retour vers la simplicité, le naturel. Cet idéal, c'est à nouveau vers les Anciens, c'est-à-dire l'art gréco-romain, que les artistes vont le rechercher. Ce courant néoclassique va épouser le règne de Louis XVI, puis s'épanouir et se standardiser dans le style Empire, pour décliner dans une époque où l'exaltation du moi prendra le pas sur l'exaltation des vertus héroïques.
1. Les sources et les idéaux du néoclassicisme
• Le néoclassicisme trouve ses origines dans le royaume de Naples, sous le règne de Charles III. Celui-ci fit édifier un palais colossal, imprégné de l'art antique et sa construction aux formes résolument classiques dans le pays qui vit s'épanouir le baroque fait grand bruit et donne le signal d'une inflexion de l'art en Europe.
• Dans le même temps, le roi de Naples avait entrepris la mise au jour d'Herculanum en 1748. Les résultats des fouilles furent publiés avec précision et portés à la connaissance d'amateurs tels que le graveur Charles-Nicolas Cochin. Un peu plus tard, la découverte de Pompéi eut un retentissement similaire.
• Le style néoclassique est à relier avec les idéaux du siècle des Lumières. Le philosophe et écrivain Jean-Jacques Rousseau prône ainsi un retour de l'homme à la nature, tandis que les encyclopédistes mettent la raison et la science au premier plan. Cette alliance de sensibilité et de rationalisme, à laquelle s'ajoute l'idée que l'art antique constitue un modèle de perfection qu'on doit s'efforcer de restaurer dans le monde, favorise l'émergence de cette école artistique.
2. Le néoclassicisme français : diversité et unité
a) La peinture : pureté antique et idéaux révolutionnaires
• Vien s'impose comme l'un des précurseurs de la peinture néoclassique, avec son tableau La Marchande d'amours (1763), allégorie un rien mièvre, mais dont la pureté de composition, la simplicité des couleurs et le cadre sévère de la Grèce antique en font une œuvre phare dans le renouveau classique.
• Vien eut un disciple célèbre, Jacques-Louis David, qui s'inspire également d'un grand peintre français du xviie siècle : Nicolas Poussin. C'est avec Le Serment des Horaces (1784) que David donne au style néoclassique son œuvre la plus emblématique à tous points de vue : pour la première fois, le peintre s'affranchit du cahier des charges de son commanditaire et fait une œuvre personnelle, exaltant le sacrifice de l'individu au devoir d'État.
b) La sculpture : le modèle grec
• La sculpture a toujours baigné – au moins depuis la Renaissance – dans une inspiration « antique », aussi est-il plus difficile de discerner les spécificités néoclassiques de cette forme d'art. Cependant, l'œuvre de l'Italien Canova exerce une influence non négligeable sur un art encore marqué par les torsions baroques en France.
• Cet idéal grec se combine chez certains sculpteurs comme Houdon avec un certain réalisme. Celui que l'on appela « le sculpteur des Lumières » fit en effet le portrait de philosophes comme Voltaire ou Rousseau, avec une grande précision dans le modelé, et une grande expressivité dans le rendu du regard.
Pigalle incarne quant à lui une charnière entre le baroque et le retour au classique : ses dernières œuvres (Louis XV en empereur romain) tendent vers un certain dépouillement qui tranche avec les œuvres généreuses et mouvementées de sa jeunesse.
L'un de ses élèves, Moitte, gardera de son maître le goût de l'antique : ses sujets sont sculptés dans des postures et des vêtements qui rappellent la statuaire grecque, mais Moitte, dans le pur style néoclassique, exalte des vertus contemporaines, empreintes de la rationalité scientifique des Lumières, à travers ses portraits de Rousseau ou Cassini.
c) L'architecture : les bâtisseurs d'utopies
• Chez les principaux représentants de l'architecture néoclassique, le rationalisme prend des allures d'utopie. Étienne Boullée, Jean-Jacques Lequeu et surtout Claude-Nicolas Ledoux sont les figures emblématiques d'un art qui, inspiré des idéaux antiques, aspirait à un monde meilleur.
• Hanté par des formes géométriques pures, Ledoux dessine les plans d'édifices à la forme cylindrique et sphérique avec une prédominance de murs pleins qui leur confèrent une certaine raideur majestueuse, inspirée des héros de Plutarque. Cette sublimation du rationalisme, cette volonté de communion d'un peuple trouve son expression la plus significative dans son œuvre inachevée pour la ville de Chaux, à la saline royale d'Arc-et-Senans.
• Sous Louis XVI, l'architecte le plus fécond fut sans doute Alexandre Théodore Brongniart, qui construisit nombre d'hôtels du faubourg Saint-Germain à Paris, pour des aristocrates tels que le prince de Bourbon-Condé, et contribua à donner à ce quartier la physionomie d'une « nouvelle Athènes » qu'il a encore partiellement conservée.
d) L'art du mobilier et la décoration
L'expression la plus marquée du néoclassicisme en art du mobilier est sans doute le style Louis XVI. Les ébénistes et ornemanistes délaissent les sinuosités et les galbes généreux de l'époque Louis XV pour un style inspiré par le goût pompéien, puis étrusque. La ligne des meubles est désormais d'une grande rectitude et d'une grande sobriété, tandis que les éléments décoratifs tels que les cannelures évoquant les colonnes doriques ou le motif en forme de lyre sont préférés aux arabesques et guirlandes de l'époque rocaille.
3. Le style Empire, néoclassicisme institutionnalisé
a) Une nouvelle syntaxe de la décoration
• Lorsque Napoléon devient empereur, le style néoclassique devient « officiel », diffusé et standardisé. Les palais et châteaux tels que ceux de Fontainebleau, Compiègne, l'Élysée, Rambouillet, etc., sont décorés selon des normes strictes de conformité à l'esthétique néoclassique.
• Avec le style Empire, c'est une véritable syntaxe de la décoration qui s'établit, à partir de laquelle les propriétaires doivent composer. Le mobilier néoclassique tend aussi vers un certain goût pour l'allégorie mythologique, utilisée parfois avec naïveté et excès, parfois aussi avec originalité et finesse, par des ébénistes comme Jacob-Desmalters. Il s'agit en tous cas d'exalter la grandeur et le faste de l'Empire.
b) Les peintres de Napoléon
• En peinture, les exigences étaient différentes. Napoléon demandait aux peintres de délaisser les sujets antiques et mythologiques au profit de thèmes plus actuels.
Dans cette perspective, David, qui avait vu en Bonaparte un héros digne de ses idéaux antiques, peignit un tableau monumental, à la hauteur de la démesure de l'Empereur : Le Sacre de Napoléon. Peinte par l'une des figures du néoclassicisme, cette toile donne à son personnage central une stature héroïque et mythologique.
• Antoine Jean Gros est également représentatif des exigences du futur empereur. Sa toile représentant Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa (1804) montre le général populaire et héroïque entouré de malades. Un tel tableau montre bien que le style Empire, rattaché au départ au courant néoclassique, contient en germe la sensibilité romantique : avec Napoléon, la figure du héros s'incarne et s'actualise, tandis que les pestiférés, pathétiques et peu nobles dans leur souffrance, rompent avec l'héroïsme antique, toujours majestueux.