Sujet 2024 de français, groupement académique 2 (Nouveau !)
Dernier essai le - Score : /20
Sujet

Sujet

L'épreuve est notée sur 20. Une note globale égale ou inférieure à 5 est éliminatoire. Durée de l'épreuve : 3 h ; coefficient 1
L’épreuve prend appui sur un texte (extrait de roman, de nouvelle, de littérature d’idées, d’essai, etc.) d’environ 400 à 600 mots.
Elle comporte trois parties :
  • une partie consacrée à l’étude de la langue, permettant de vérifier les connaissances syntaxiques, grammaticales et orthographiques du candidat ;
  • une partie consacrée au lexique et à la compréhension lexicale ;
  • une partie consacrée à une réflexion suscitée par le texte à partir d’une question posée sur celui-ci et dont la réponse prend la forme d’un développement présentant un raisonnement rédigé et structuré.
Corrigé

Corrigé

I. Étude de la langue (5 points)
1. 
Indiquez la valeur du présent dans l’extrait suivant.
« Les traces ont une tonalité d’existence caractéristique ici… » (ligne 9)
Le présent de l’indicatif a dans cette phrase une valeur de présent omnitemporel (de vérité générale), car il indique une information qui a valeur de définition.
2. 
Dans la phrase suivante, relevez tous les pronoms puis précisez leur nature, ce qu’ils désignent et leur fonction.
« À la perpendiculaire de notre tracé, nous sommes tombés sur la piste de la meute, qui avait quelques heures tout au plus : ils étaient passés le matin même…  » (lignes 5 à 6)
Le pronom personnel « nous » de la première personne du pluriel est sujet du verbe « sommes tombés ». Il désigne le narrateur et ceux qui l’accompagnent dans sa randonnée.
Le pronom relatif « qui » est sujet du verbe « avait ». Il reprend son antécédent, « la piste de la meute ».
Le pronom personnel « ils » de la 3e personne du pluriel est sujet du verbe « étaient passés ». Il désigne les loups.
3. 
a)
Justifiez l’orthographe de la terminaison du mot « vectorisées » (ligne 12).
Le participe passé « vectorisées », employé comme adjectif, s’accorde au féminin pluriel avec le nom « traces » dont il est épithète détachée.
b)
Justifiez la terminaison du mot « produisent » (ligne 28).
Le verbe « produisent » s’accorde à la troisième personne du pluriel avec le sujet inversé « les empreintes d’une meute de loups » que l’on peut pronominaliser avec le pronom personnel « elles ».
4. 
Identifiez la nature et la fonction des mots ou groupes de mots soulignés.
« L’effet de bande est une ascendance animale partagée par plusieurs espèces, celles qui se sont aventurées dans cette forme de vie sociale originale. » (lignes 16 à 17)
Le groupe nominal prépositionnel « de bande » est complément du nom « effet ».
L’adjectif « animale » est épithète liée du nom « ascendance ».
La proposition subordonnée relative « qui se sont aventurées dans cette forme de vie sociale originale » est épithète de son antécédent « celles », pronom qui reprend le GN « plusieurs espèces ».
5. 
« Après quelques kilomètres, la neige a commencé à tomber, et nous sommes arrivés à la combe de la veille. À la perpendiculaire de notre tracé, nous sommes tombés sur la piste de la meute, qui avait quelques heures tout au plus : ils étaient passés le matin même… » (lignes 4 à 6)
Analyse de la phrase complexe :
  • 1. Identifier les différentes propositions (S + V + compléments).
  • 2. Chercher une conjonction de subordination, de coordination ou un pronom relatif. S’il n’y en a pas, les propositions sont juxtaposées. En effet, la conjonction peut être doublée par une virgule.
Remarque : La conjonction de coordination n’appartient à aucune proposition, alors que la conjonction de subordination et le pronom relatif appartiennent à la subordonnée qu’ils introduisent.
a)
Délimitez les propositions à l’intérieur de chaque phrase ci-dessus et identifiez la relation grammaticale qu’elles entretiennent entre elles.
La première phrase est complexe. Elle se compose de deux propositions indépendantes coordonnées par la conjonction de coordination « et » : « Après quelques kilomètres, la neige a commencé à tomber » et « nous sommes arrivés à la combe de la veille ».
La deuxième phrase est une phrase complexe qui se compose de deux propositions indépendantes juxtaposées à l’aide des deux points : « À la perpendiculaire de notre tracé, nous sommes tombés sur la piste de la meute, qui avait quelques heures tout au plus » et « ils étaient passés le matin même ». La première proposition se compose d’une proposition principale « À la perpendiculaire de notre tracé, nous sommes tombés sur la piste de la meute » et d’une proposition subordonnée relative « qui avait quelques heures tout au plus » épithète de son antécédent « meute ».
b)
Remplacez les deux points par une conjonction de coordination qui ne modifie pas le sens de la phrase.
À la perpendiculaire de notre tracé, nous sommes tombés sur la piste de la meute, qui avait quelques heures tout au plus car ils étaient passés le matin même.
II. Lexique et compréhension lexicale (4 points)
1. Indiquez plusieurs mots de la famille du verbe « tourn[er] » (ligne 23) en utilisant au moins deux préfixes et au moins deux suffixes différents.
Radical + suffixe : Tourneur/ tourniquet
Préfixe + radical : Retourner /détourner
2. Expliquez le sens des termes soulignés en vous appuyant sur le contexte.
« Pas du tout les traces fébriles du chamois, ou vigilantes et en lisière du chevreuil… » (ligne 11)
Les adjectifs qualifient le mot « traces ». Ils ne décrivent pas leur forme mais le comportement de l’animal. Ainsi le chamois est « fébrile », il a peur, alors que le chevreuil est « vigilant », il fait attention.
Remarque : C’est une hypallage, mais l’identification de cette figure de style n’est pas attendue dans la réponse.
3. Explicitez et commentez l’extrait suivant en vous appuyant sur l’ensemble du texte.
« L’effet de bande est une ascendance animale… » (ligne 16)
Le narrateur décrit les traces d’une meute de loups puis développe une analogie entre la meute animale et l’effet de groupe chez l’être humain. Il affirme ainsi que cet effet de bande, chez les êtres humains, relève d’un comportement animal, « il y a quelque chose d’éthologique, au-delà de l’humain, dans l’effet de bande ».
III. Réflexion et développement (11 points)
« …en bande on est plus fort, plus assuré, moins inhibé, moins personnel, plus acéphale et en même temps plus fort en gueule…  » (lignes 18 à 19).
Vous vous interrogerez sur ce que représente le groupe dans la formation de l’individu.
Vous présenterez votre réponse de façon structurée et argumentée en vous appuyant sur le texte de Baptiste Morizot ainsi que sur l’ensemble de vos lectures et de vos connaissances personnelles.
Remarque : Il s’agit de bien prendre en compte le lien entre la notion de « groupe » et celle de « formation de l’individu » qui restreint les éléments du texte à prendre en compte. Il faut cibler ce que le texte dit du « dedans » de la bande en élargissant sur la question de l’apprentissage de l’individu.
L’être humain est un être social. Que ce soit ou non par choix, il appartient à plusieurs groupes au cours de sa vie et même simultanément : dès la crèche pour certains, à l’école, dans les cadres professionnel et social tout au long de sa vie. Dans Manières d’être vivant, publié en 2020, Baptiste Morizot développe une réflexion sur l’effet de groupe à partir de l’observation des traces d’une meute de loups dans la neige. Il en souligne l’ambivalence. Nous nous demanderons ce que représente le groupe dans la formation de l’individu. Nous verrons, dans un premier temps, qu’elle peut effectivement se réaliser dans et par le groupe. Cependant, nous montrerons en quoi le groupe peut aussi représenter un danger.
C’est à partir des empreintes d’une meute de loups que le narrateur propose sa thèse sur l’effet de groupe, en affirmant qu’il « y a quelque chose d’éthologique » dans ce processus humain. En effet, l’observation d’empreintes de différentes espèces animales lui permet de définir ce qui fait la particularité du groupe. Il oppose ainsi, à travers des hypallages, les traces des animaux qui ne se déplacent pas en groupe, « fébriles » et « vigilantes et en lisière », à celles de la meute de loups, « nonchalantes, curieuses, exploratrices, vectorisées par un groupe ». Cette énumération d’adjectifs qui souligne le lien entre l’appartenance au groupe et les capacités de ses membres se conclut par l’affirmation que c’est ce cadre qui « rassure et donne de l’assurance » à ses membres. Le groupe semble permettre ainsi à l’individu d’aller plus loin.
C’est l’idée du socioconstructivisme développé par Vygotski dans sa théorie de l’apprentissage. S’opposant au constructivisme de Piaget qui fait de l’enfant le seul moteur de la construction de ses savoirs, Vygotski soutient que l’apprentissage se fait grâce au contexte social et culturel. L’individu construit ses connaissances et ses compétences dans l’interaction. La littérature de jeunesse met en scène cette formation entre pairs. Les membres du Club des cinq, par exemple, se forment pendant les vacances à travers la résolution en groupe d’énigmes. Plus récemment, Harry Potter et ses amis se forment mutuellement en marge de l’enseignement descendant.
De même, les adultes peuvent apprendre dans le groupe. C’est marquant dans le film de Blandine Lenoir, Annie Colère, sorti en 2022. Le personnage éponyme, ouvrière et mère de deux enfants, est transformé par sa rencontre avec les membres du Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception. Les femmes s’y transmettent des connaissances et les gestes pour pratiquer des avortements sans risque. Les scénaristes ont consulté une thèse consacrée à ce mouvement qui démontre, à travers le récit des femmes qui y ont participé, comment ce groupe leur a permis de se former, voire de se transformer. De même, dans Germinal, Émile Zola met également en scène l’influence du groupe sur les individus. C’est par leur lutte commune que les habitants du coron ont fait germer les avancées pour leurs conditions de travail. On peut aussi affirmer qu’Étienne sort, comme le dit Baptiste Morizot, « plus fort, plus assuré, moins inhibé » grâce au coron, prêt à poursuivre son combat. Ainsi la « seule ligne » que forme le groupe se déploie « en delta d’individus ». Cela démontre la possibilité pour l’individu de suivre son propre chemin aux côtés des autres.
Toutefois, le narrateur de Manières d’être vivant souligne l’ambivalence de l’effet de groupe, qui n’est pas toujours constructif et qui peut même être dévastateur pour lui-même, les autres et l’individu.
En effet, la comparaison de la meute de loups avec une « dynastie féodale » sous-entend une hiérarchisation des membres du groupe. La psychosociologie a ainsi catégorisé les rôles qui peuvent se mettre en place au sein du groupe au détriment de certains de ses membres. C’est dans le groupe que se joue souvent le harcèlement, c’est aussi le groupe qui désigne le bouc émissaire. Le groupe peut ainsi être destructeur pour l’individu. Le roman de William Golding Sa Majesté des mouches en donne une parfaite illustration. De jeunes garçons se retrouvent seuls sur une île déserte après leur accident d’avion. Dans un premier temps, le groupe s’organise autour de Ralph, leader positif qui organise leur survie et leur sauvetage. Cependant, très vite, un autre garçon désire prendre le pouvoir. Les enfants se déchirent et n’apprennent plus rien de leur expérience. Le roman démontre également l’influence du groupe qui désinhibe, fait oublier les limites pour laisser s’exprimer la violence.
Appartenir à un groupe, une bande, peut ainsi faire perdre à l’individu son libre arbitre, sa capacité de jugement et de réflexion. Il n’est plus question de socioconstructivisme. L’activité cognitive est inexistante comme le souligne B. Morizot avec la comparaison du groupe à un « banc de poissons » et l’adjectif « acéphale ». L’individu n’apprend rien, il ne fait que suivre. Les émeutes, auxquelles B. Morizot fait référence à travers la citation de la chanson de Starmania, « l’effet “quand on arrive en ville” », sont un exemple typique de cet effet dévastateur que peut avoir le groupe. Dans Germinal, Zola décrit bien ce processus avec la révolte des femmes du coron qui se solde par l’émasculation de l’épicier. De même, le roman La Vague de Todd Strasser, paru en 1981, qui s’inspire d’une expérience de psychologie pratique réalisée par un professeur d’histoire dans un lycée californien à la fin des années 1960, démontre comment la constitution d’une communauté autour d’un leader peut amener l’individu, malgré ses convictions, à suivre des propositions fascistes. Il n’est plus question de formation mais d’endoctrinement. Est-ce à dire que l’individu se formerait mieux hors du groupe comme Fabrice del Dongo l’expérimente dans La Chartreuse de Parme ou plus radicalement Meursault dans L’Étranger de Camus ? Il s’agirait plutôt pour l’individu d’être conscient de l’ambivalence de l’effet de groupe pour pouvoir trouver son chemin, participer au « delta » plutôt qu’à la « ligne ».
Le narrateur de Manières d’être vivant montre bien l’ambivalence du groupe pour l’individu : c’est à la fois un cadre protecteur, rassurant qui peut lui permettre d’apprendre, de se former, d’évoluer, mais aussi un risque de se voir assigner un rôle qui empêche cette formation, voire qui fait perdre à l’individu son libre arbitre, sa capacité à réfléchir, et qui peut même faire émerger ce qu’il y a de pire en lui. Pour l’enseignant, cela implique d’avoir une vigilance sur les rapports dans le groupe, et d’accompagner le développement de la réflexivité de chacun.
Sujet corrigé réalisé par Cécile Vallée, professeure de Lettres au lycée et formatrice à l'INSPE.