L’adolescence constitue une importante période de changements sur le plan biologique, psychologique et social. Le passage de l’enfance à l’âge adulte demande du temps pour connaître sa propre identité et assumer les responsabilités de l’adulte. Si la majorité des jeunes traversent cette période sans grande difficulté en s’adaptant progressivement aux changements et en forgeant leur personnalité pour investir le monde dans lequel ils sont introduits, certains autres connaissent des souffrances importantes. Ces souffrances s’expriment souvent par un sentiment de mal-être aux conséquences parfois redoutables pour l’adolescent en question et pour les autres. Pour accompagner ce passage de l’état d’enfant à l’état d’adulte, tous ont besoin d’adultes. C’est ce qui d’ailleurs fonde l’acte éducatif. L’École étant obligatoire jusqu’à 16 ans et la formation, depuis la loi Blanquer, jusqu’à 18 ans, elle représente le lieu dans lequel s’effectue cette transformation physique, psychique et sociale et a de fait un rôle majeur à tenir durant cette période de transition. Pour autant, l’École ne peut s’octroyer le monopole éducatif, car il lui faut composer avec la famille qui, selon l’OCDE, reste « le premier système social au sein duquel les enfants commencent à acquérir des compétences sociales et cognitives fondamentales » (Transmettre et apprendre, Marie Claude Bais, Marcel Gauchet, Dominique Ottavi, 2014). Dans ce cadre, l’adolescent doit alors assumer « le métier d’élève » qu’exige de lui l’École sans considérer véritablement sa disponibilité à l’exercer. C’est dans ce contexte que les notions de bien-être et de santé mentale et physique prennent une dimension nécessaire pour accompagner l’adolescent aussi bien au sein de l’établissement (dans et hors la classe) qu’au sein du groupe de pairs ou dans les activités juvéniles extra-scolaires. En effet, si l’École accompagne l’adolescent dans toutes ses transformations, alors elle doit penser les conditions de cet accompagnement, notamment ce qui concerne la politique éducative en matière de santé. Dans le cadre du collège donné, il s’avère que l’enquête locale de climat scolaire souligne la nécessité de mettre en place des actions ciblées contribuant à améliorer le climat scolaire, le bien-être et les conditions d’apprentissage (document 1). La corrélation directe entre le climat scolaire, le bien-être des élèves, leur implication dans les apprentissages et le développement de l’estime qu’ils ont d’eux-mêmes n’est plus à démontrer. Instaurer les conditions d’épanouissement personnel et scolaire est une responsabilité collective pour l’ensemble de la communauté éducative dans le sens où chacun y contribue et en bénéficie au quotidien. Dans la perspective de promouvoir la santé au sein du collège et dans l’objectif de favoriser l’acquisition de compétences psychosociales, comment le conseiller principal d’éducation, responsable de l’animation et de l’organisation du service de vie scolaire, doit-il mobiliser son équipe afin de viser la sérénité et l’autonomie de chaque élève ? Il s’agira dans un premier temps d’institutionnaliser l’éducation à la santé par la formation des personnels de vie scolaire pour mieux accompagner les adolescents, puis de permettre aux assistants d’éducation de promouvoir ce bien-être en accompagnant l’engagement et la responsabilisation des élèves.
I. Institutionnaliser le bien-être au sein du service de vie scolaire
À la création du service public d’enseignement (inspection médicale des écoles et service de santé scolaire créés dès 1886/1887), l’éducation à la santé est perçue sous l’angle de l’hygiène et de la prévention des conduites à risques. Depuis le milieu des années 1980, la santé est devenue un enjeu mondial, préconisé par les grandes organisations internationales comme l’OMS : la charte d’Ottawa en 1986 définit la santé comme le fait de pouvoir « d’une part réaliser ses ambitions et satisfaire ses besoins et, d’autre part, évoluer avec le milieu ou s’adapter à celui-ci ». Ainsi, la santé ne relève plus seulement du secteur sanitaire, mais le dépasse pour viser le bien-être global. Il importe donc de former les personnels de vie scolaire au repérage de situations de mal-être ainsi qu’à l’instauration d’un accompagnement de qualité.
A. Instaurer une culture du bien-être
Une éducation à la santé au sein du collège ne pourra être efficiente que si elle est adoptée et portée par un grand nombre. Si on s’appuie sur les missions de conseiller principal d’éducation au regard de la circulaire de missions de 2015 pour « placer les adolescents dans les meilleures conditions d’apprentissage de la vie collective, individuelle et d’épanouissement personnel », le conseiller principal d’éducation doit donc impulser au sein de son équipe une prise de conscience de cette nécessaire éducation à la santé. Pour ce faire, il doit proposer à son équipe une formation dont l’objectif est bien de réduire l’écart entre culture juvénile et culture scolaire. Concrètement, la formation des assistants d’éducation s’articulera en deux temps : le temps de formation informelle et le temps de formation formelle. Agissant en tant que responsable du service de vie scolaire, le conseiller principal d’éducation doit, auprès de son équipe par les conseils en entretien individuel ou en équipe, se positionner comme un professionnel éducateur et poser les gestes professionnels qui permettent à l’adolescent de se sentir en confiance. Par l’exemplarité de sa posture, il guidera son équipe dans l’adoption de cette éthique professionnelle exposée. La formation informelle ne suffit pas à forger une véritable coopération au sens étymologique du terme : faire œuvre commune. Il est donc impératif que le conseiller principal d’éducation organise des temps formels de formation pour aborder les problématiques adolescentes et le rôle spécifique des assistants d’éducation en la matière. Lors de la journée de pré-rentrée, le conseiller principal d’éducation doit envisager un temps pour exposer le plan de formation en continu dans l’année à l’occasion de réunions de service, ou de formations d’initiative locale déployées au sein du collège. L’enquête de climat scolaire révèle des points d’ombre à l’instauration du bien-être qui exige l’implication de tous les personnels : manque de travail personnel, addiction aux réseaux sociaux… Le contenu des formations communes pourra être défini en amont par le conseil pédagogique pour ce qui relève du travail scolaire et par le
CESCE pour ce qui relève davantage de la prévention des conduites à risques. Les formations auront pour objectifs communs de mieux appréhender le contexte environnemental, les besoins des adolescents et les enjeux auxquels la société les confronte. Établir un plan de formation d’initiative locale c’est vouloir inscrire une culture de la santé au cœur de l’action de tous les professionnels du collège.
B. Un service de vie scolaire vecteur de bien-être
La culture du bien-être dans la posture éducative doit alors se manifester dans le suivi des élèves par des faits concrets. Le premier se manifeste par la qualité des échanges entre l’équipe éducative et l’ensemble des éducateurs que l’élève peut rencontrer dans les activités hors cadre de la classe contribuant notamment à la formation de sa personnalité. Charge alors à l’équipe éducative de savoir entendre l’expression des élèves. Il ne s’agit pas de donner raison à l’élève, mais bien de recueillir sa parole et de la réinscrire dans le cadre de droits et de devoirs, car sa première responsabilité est d’assurer les conditions de bien-être. Cela implique nécessairement un climat pacifié assurant ainsi une véritable disposition à entrer dans les apprentissages.
L’accueil est le deuxième fait concret du suivi des élèves. Au collège, les assistants d’éducation sont souvent les premiers adultes qu’ils rencontrent le matin et vers lesquels ils se tournent plus facilement pour se confier. Assurer alors un accueil de qualité est donc une exigence pour préserver le bien-être de chacun. Si l’accueil du matin doit être un rituel de courtoisie marquant l’abandon de la cellule familiale pour entrer dans l’univers scolaire, il s’agit bien alors de former les assistants d’éducation à ce rituel en affichant un respect dû aux personnes et qui les inscrit dans une communauté scolaire ; première entrée pour l’acquisition du sentiment d’appartenance à l’établissement, « le respect est la capacité de traiter autrui comme soi-même et soi-même comme autrui » (Olivier Abel, 2007). La notion d’accueil ne se limite pas à celui du matin, mais regroupe tous les accueils qui concernent tous les membres de la communauté éducative. Outre les traditionnelles journées d’accueil de début d’année, une implication spécifique des assistants d’éducation sera requise, notamment sur l’arrivée en classe d’un nouvel élève en cours d’année, d’un élève après une période d’exclusion ou d’un passage en classe relais. Ce retour en classe doit être organisé par un accueil permettant de s’assurer que la continuité des apprentissages a été effective. Au-delà de cette assurance, c’est permettre à l’élève de mieux réintégrer sa classe et de rendre éducative l’exclusion. Parce que la qualité des accueils détermine les relations avec les adultes de l’établissement, il est donc impératif que l’ensemble de l’équipe de vie scolaire investisse l’accueil dans toutes ses dimensions. Pour autant, cela ne suffit pas à détecter, repérer l’éventuel mal-être qui pourrait submerger les élèves. Un repérage qui nécessite de fait une sécurisation de l’espace scolaire.
C. Sécuriser l’espace scolaire pour mieux repérer
Agir en faveur de la santé c’est véritablement créer un cadre serein et sécurisé. Les deux premières compétences spécifiques du conseiller principal d’éducation (« C1. Organiser les conditions de vie des élèves dans l’établissement, leur sécurité, la qualité de l’organisation matérielle et la gestion du temps. C2. Garantir, en lien avec les autres personnels, le respect des règles de vie et de droit dans l’établissement », Référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et d’éducation, 2013), soulignent la responsabilité du service en matière de gestion des flux, des temps et des espaces afin de limiter les possibles altercations et/ou incivilités entre élèves. La garantie d’une surveillance accrue dans tous les interstices des temps hors classe est une condition de l’instauration d’un climat propice au bien-être. Sécuriser l’espace scolaire, c’est ensuite veiller à ce que soient partagés des protocoles d’urgence, notamment pour certains élèves à besoin éducatif particulier ou bénéficiaires d’un projet d’accompagnement à la scolarité (PAI, PPS, PAP). Le rôle du conseiller principal d’éducation est de veiller à ce que son équipe d’assistants d’éducation soit au fait de ces mesures, en lien avec le service médical. Toujours en lien avec ce service, il importe que l’équipe sache repérer les signes d’un potentiel mal-être des élèves. Ces manifestations sont repérables chez les élèves qui perturbent la classe, arrivent en retard de manière récurrente et qui sont souvent exclus. À ces marques s’ajoutent les élèves qui présentent des marques corporelles, qui expriment des plaintes somatiques, des changements physiques (perte ou prise de poids) et/ou vestimentaires… Les différents actes d’incivilité, ainsi que d’autres signes peuvent être significatifs : repli, isolement, trouble de la conduite (violence tournée vers soi ou vers les autres, ou encore la dégradation du matériel), trouble de l’alimentation (boulimie ou anorexie). L’observation faite par les assistants d’éducation durant les temps de flux, mais aussi lors de la cantine est un moyen de repérer des situations. Pour exemple, l’observation d’un changement brutal de comportement vis-à-vis de l’alimentation est souvent l’expression d’un malaise naissant ou ancré de la part du jeune. Charge alors à l’assistant d’éducation de transmettre au conseiller d’éducation le fruit de ses observations, afin qu’il puisse engager, notamment avec les parents, des démarches d’accompagnement adaptées au besoin de l’élève repéré.
Si l’équipe d’assistants d’éducation répond aux exigences de courtoisie et de sécurisation des espaces pour inscrire le bien-être comme une nécessité dans ses actes professionnels, ces actions seules ne suffisent pas pour créer véritablement une culture d’établissement. Les itinéraires éducatifs comme pédagogiques doivent se saisir de ce projet de culture commune en faveur de la promotion de la santé. Pour exemple, l’élaboration des emplois du temps, organisée par le chef d’établissement et à laquelle le conseiller principal d’éducation peut prêter son concours, répond aussi à des enjeux de santé et de sécurité. Il importe alors d’éviter les journées surchargées, source de stress et de défaut de concentration et de veiller au rythme des évaluations, qui répond à ce même enjeu et demande une concertation en conseil pédagogique. Penser l’organisation des journées, c’est aussi afficher une véritable volonté d’autoriser les élèves à s’engager dans la vie de l’établissement.
II. Favoriser l’engagement des élèves
La loi d’orientation de 2005, qui a créé le socle de connaissances et de compétences, a voulu véritablement parachever la fin du clivage entre pédagogie et éducation en mêlant connaissances et compétences. La loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la République a entériné cette ambition par la création de quatre parcours éducatifs, dont l’un est le parcours éducatif de santé, et par certaines thématiques possibles des enseignements pratiques interdisciplinaires : « Corps, santé, bien-être et sécurité ». La santé devient alors à la fois un objet de connaissance et un ensemble de compétences psycho-sociales. Elle est une méta-notion éducative, une éducation transversale qui subsume tout le champ des « éducations à » (sexualité, alimentation, sécurité, développement durable, EMI, etc.). Elle doit de fait être investie par l’ensemble des professionnels, irriguer les enseignements comme les actions éducatives, et viser la responsabilisation des élèves, en regard de leurs pratiques quotidiennes. À ce titre, le service de vie scolaire ne peut faire l’économie d’une véritable réflexion sur l’aménagement des temps hors classe.
A. Penser les temps hors classe comme composante du bien-être
Il s’agit pour l’équipe de vie scolaire avec le concours du personnel de l’intendance de veiller à l’accessibilité, aux aménagements et à la maintenance des locaux. En effet, l’organisation des espaces pédagogiques favorise la combinaison des missions pédagogiques et éducatives. C’est en collaboration avec son équipe que le CPE doit recenser les besoins et les possibilités d’aménagements des locaux durant les temps hors classe. Une attention particulière doit être portée sur le partenariat avec le professeur documentaliste : aménagement du centre de documentation et d’information, accès et heure d’ouverture, coin lecture, accès à l’utilisation des TICE, responsabilité et autonomie des élèves dans ce lieu. Les assistants d’éducation veilleront tout particulièrement à l’aménagement des salles de travail et d’études sur les mêmes principes que celui du centre de documentation.
De même, le service de vie scolaire doit déterminer de manière collégiale les objectifs des espaces de détente et informer les élèves de leurs responsabilités et de l’exercice de leur autonomie dans l’organisation et la gestion de ces espaces (FSE, clubs, Association sportive…). Cet accompagnement à investir les espaces de détente est indispensable pour donner vie au collège et permettre à chacun d’investir les activités culturelles, sportives et autres qui lui sont proposées et qui lui offrent la possibilité de cultiver un talent et/ou de développer et d’acquérir de nouvelles compétences valorisant son estime de soi et sa confiance en soi. L’une comme l’autre, elles sont nécessaires au sentiment de bien-être perçu par les élèves.
Enfin, l’animation de ces espaces, par les assistants d’éducation, les enseignants ou les élèves eux-mêmes, est une réponse au sentiment d’ennui évoqué par les élèves dans l’enquête locale de climat scolaire (document 1). La vitalité de ces espaces sera un indicateur du sentiment d’appartenance au collège, un indicateur sur les effets des politiques éducatives et de l’implication du service de vie scolaire dans l’apprentissage de la responsabilité et de l’autonomie nécessaires à l’émancipation, mais aussi un véritable levier pour une socialisation épanouie et fédératrice de projets. Or, fédérer, c’est œuvrer pour le bien vivre ensemble et permettre une appréhension positive de l’altérité tout en sachant se mettre en jeu dans un collectif. Les modalités de participation des élèves (délégués, CVC) permettent d’agir sur ce plan et de libérer les initiatives pour impulser des actions mobilisatrices (collecte de fonds, braderie solidaire, tutorat entre élèves, etc.). Les différents ateliers, impulsés par les élèves et supervisés par les assistants d’éducation, possèdent une même vertu : ils soudent les élèves en communautés d’intérêts. Charge au conseiller principal d’éducation de veiller à ce que chaque atelier prépare une production destinée à l’ensemble de l’établissement afin de valoriser le groupe et susciter une envie d’y participer davantage.
B. Sécuriser les parcours scolaires
Le repérage des élèves en situation de mal-être est souvent effectué à partir de la propension de ces élèves à s’absenter ou à s’isoler. Les assistants d’éducation, possiblement référents de classe, veillent à un suivi vigilant des absences et doivent alerter au premier signe inquiétant. Il s’agit bien à la fois de responsabiliser les familles, mais aussi de trouver une prise en charge adéquate. Leur participation à la cellule de veille ou de GPDS (document 2) est un moyen pertinent pour permettre cet échange et cette prise en charge. En amont de ces dispositifs, il importe d’instituer une collaboration effective entre les enseignants, qui eux aussi peuvent percevoir un changement brutal d’attitude d’un élève face à ses apprentissages. Travailler en autonomie, notamment dans le cadre des devoirs, implique que tous les élèves aient acquis et compris non seulement les notions vues en classe, mais aussi les attentes des enseignants pour pouvoir les appliquer, les réinvestir dans les devoirs. L’opacité qui entoure parfois les devoirs est la première source de conflits qui touchent la relation entre l’enseignant et l’élève. Les conséquences entraînent alors une perte de confiance dans leur rapport, mais aussi chez l’élève, pouvant conduire à une baisse significative des résultats, voire un véritable mal-être. Le travail personnel des élèves ne peut donc se réduire aux devoirs à la maison, à moins de considérer que les élèves ne travaillent pas en classe ou dans l’établissement, et commence nécessairement dans la classe. La question de « l’aide au travail personnel de l’élève doit nous aider à (re)faire vraiment de la classe “un lieu où les élèves travaillent”… Sinon quelle dérision cela serait que de vouloir les aider à quelque chose que l’on n’a pas déjà engagé avec eux ! » (Meirieu, 2006). La notion de travail personnel de l’élève est donc bien plus large et peut être définie comme un ensemble de processus mobilisés de façon autonome et personnelle par l’élève pour s’approprier les objets d’enseignement (connaissances et compétences). Dans ce cadre d’appropriation des objets d’enseignement, le dispositif « Devoirs faits », dans lequel l’équipe de vie scolaire est impliquée, est un levier pour rassurer les élèves dans leur capacité à réussir, mais aussi pour démêler et surmonter certaines difficultés scolaires. Afin que ce dispositif « Devoirs faits » soit efficace, il importe de développer une véritable collaboration entre l’équipe animant le dispositif et l’équipe pédagogique repérant les difficultés. Les échanges, qu’ils soient formels ou informels, doivent identifier les besoins de chaque élève afin de permettre cette individualisation, lors de l’animation du dispositif. Ces échanges sont d’autant plus importants que le dispositif est obligatoire en classe de 6e, depuis la rentrée 2023.
En définitive, sécuriser les parcours scolaires c’est penser de manière collective la remédiation de la difficulté scolaire (source d’anxiété et d’estime de soi négative), mais aussi aider l’élève à élaborer son projet personnel et à se projeter positivement dans l’avenir ou encore proposer, à lui et à sa famille, des ressources extérieures pour lui venir en aide (accompagnement thérapeutique, mesure éducative, programme de réussite éducative…). Si la politique d’un établissement vise la réussite de tous les élèves, et en collège, l’acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, alors le projet de vie scolaire doit se pourvoir d’une véritable ambition : former des élèves capables de juger par eux-mêmes.
C. Favoriser l’expression de chaque élève
En reconnaissant les élèves pour l’ensemble de leurs qualités d’adolescents et non uniquement par leur destin scolaire, l’ensemble des acteurs de la communauté éducative contribue à leur épanouissement. Participer à l’épanouissement de chacun requiert de la part de l’équipe de vie scolaire une contribution aux éducations visant à la fois la construction progressive du projet personnel de l’élève, mais aussi la responsabilité de chacun face à ses comportements. Tout au long de leur scolarité, les élèves apprennent à connaître l’organisation, le fonctionnement et les possibilités du corps humain. Ils apprennent progressivement à être responsables d’eux-mêmes, de leurs mouvements et de leur santé et à prendre en charge leur sécurité. L’ensemble des personnels de l’établissement concourt à l’éducation à la santé et à la prévention des conduites à risques initiée par le CESCE. Ces éducations permettent aux élèves de découvrir, de comprendre et donc de se responsabiliser face à des choix à opérer, que cela soit pour leur orientation ou pour leur santé. Elles leur permettent aussi de s’intéresser à l’autre et à le considérer comme son semblable tout en respectant la diversité des options et des choix personnels de chacun. Ces principes universels (compétences 6 et 7 du socle commun) seront aussi le gage d’une meilleure insertion sociale. Afin de renforcer cette socialisation, il est impératif que l’équipe de vie scolaire participe à la responsabilisation. La priorité est bien d’engager les élèves dans la vie de l’établissement en étant à leur écoute, mais aussi en proposant des actions et des situations qui favorisent et stimulent les initiatives des élèves. La stimulation correspond au droit pour chaque élève de bénéficier d’une offre éducative qui lui permette de développer sa personnalité (code de l’éducation).
C’est pourquoi il est indispensable que l’équipe de vie scolaire investisse et nourrisse le temps scolaire par des clubs, des ateliers ponctuels, des événements, qu’ils soient sportifs, culturels, artistiques… Ces activités sont un véritable tremplin pour que l’élève se construise une représentation globale et cohérente du monde ainsi que de son environnement quotidien. En favorisant et développant les activités, l’équipe s’inscrit dans une démarche de promotion d’égalité des chances et contribue à la construction du goût et de la sensibilité. Ces actions permettent également aux élèves d’accéder aux différents moyens d’expression, toujours en vue de développer leur personnalité. Puisqu’elles sont des moyens d’externalisation des émotions et des idées, elles participent alors au bien-être des élèves, mais également à l’apprentissage de la citoyenneté.
Pour contribuer davantage à la formation du citoyen, en prenant en compte l’addiction des collégiens au téléphone portable et aux réseaux sociaux (document 1), une action relative à l’éducation aux médias visant le décryptage des images et des informations véhiculées sur les réseaux est à construire soit dans le cadre du CVC, soit dans le cadre de l’animation des permanences, soit dans le cadre d’un atelier. À titre d’exemple, le conseiller principal d’éducation peut impulser auprès de ses assistants d’éducation la mise en place d’un « café philo ». Ce temps de débat pourra réunir par groupes les élèves afin de discuter de l’actualité, d’échanger les opinions et les points de vue sur une grande diversité de thématiques. Ces ateliers philosophiques pourront être inscrits à la place des permanences régulières qui peuvent être incluses dans l’emploi du temps des élèves. Les initiatives développées, qui s’inscrivent dans l’apprentissage de la citoyenneté, s’appuient donc sur le dialogue pour éveiller l’esprit critique des élèves et former leur jugement. Se saisir des permanences régulières pour en faire un levier d’acquisition ou de renforcement de compétences est un autre moyen de contribuer à la politique éducative de l’établissement. Favoriser l’expression des élèves est aussi un moyen de contribuer au climat scolaire de l’établissement. En effet, écouter la parole des élèves, c’est non seulement contribuer à la valorisation de l’individu et favoriser son bien-être, mais aussi instaurer une véritable culture du bien-être au sein du collège. Parce que tous les espaces pédagogiques et éducatifs visent à développer l’esprit critique par la connaissance et l’altérité, alors la volonté de favoriser le bien-être de tous devient un objet commun professionnel.
La santé est un champ d’action transversal, qui engage l’ensemble de la communauté éducative, tant elle est liée à l’inscription des élèves dans leurs apprentissages. La capacité d’un élève à apprendre est tributaire de son rapport positif à lui-même, aux autres et à son environnement. Ce sont là trois dimensions qui composent son bien-être et qui lui permettent de se projeter positivement dans l’avenir – ce que demande en permanence l’École. Elle est liée à la formation du citoyen, capable d’agir dans la cité avec pour horizon le bien commun, la responsabilité individuelle et collective. Il est devenu courant, notamment en référence à Durkheim, de considérer l’École comme lieu de socialisation (c’est-à-dire comme lieu de transmission systématique et organisée de normes et de valeurs). Jacques Delors, président de la commission internationale sur l’éducation pour le 21e siècle à l’Unesco, a par ailleurs souligné la fonction d’« utopie nécessaire » de l’éducation institutionnalisée, son rôle de moteur du « développement humain » individuel et social, et la centralité du projet de l’« apprendre à vivre ensemble », conduit selon un principe de responsabilité.
En ce sens, l’éducation à la santé, au sens large, trouve toute sa place dans l’édifice de l’école républicaine. Il est à ce titre nécessaire pour l’ensemble de la communauté éducative d’admettre qu’un élève en situation de bien-être est un élève qui peut envisager une progression qui elle-même influencera sa trajectoire scolaire. À l’inverse, un élève qui ne perçoit plus de solution pour réussir selon les critères scolaires, qui ne se voit plus capable de répondre aux attentes et aux exigences de l’école, va perdre toute confiance en lui. Cet état peut alors éveiller chez lui, par le biais de ce que l’on appelle les mécanismes de défense, des comportements de révolte, de rejet de l’institution se manifestant par des actes d’incivilité, de l’absentéisme, des prises de risques pour lui et/ou les autres… ; un comportement qui se développe et s’ancre dans les faits et gestes de l’adolescent particulièrement si l’établissement n’a cessé de lui renvoyer une image négative. Certes, la période de l’adolescence est une période de transformations parfois vécues violemment, mais elle ne justifie pas toutes les déviances. Instaurer des conditions favorables aux apprentissages et à l’épanouissement est une condition du bien-être. Cette instauration ne peut faire l’économie d’une véritable prise en considération de la parole de l’expression de l’élève, mais aussi d’une véritable posture professionnelle favorisant non seulement l’intégration des règles (lui faire comprendre la nécessité plutôt que de proclamer son application), mais aussi la capacité à devenir autonome et responsable (lui permettre d’agir par l’animation des temps hors classe plutôt que de le contraindre à l’ennui [document 1]). Le véritable enjeu est bien d’asseoir un bien-être et un bien vivre au sein du collège, en soulignant que les possibles difficultés rencontrées sont non pas la marque d’un destin scolaire scellé, mais bien une opportunité pour progresser. « Le monde est assez cruel pour que l’école soit douce » (Dubet, 2013).