Session 2024 : Analyse de situation éducative (Nouveau !)
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Sujet

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Analyse de situation éducative : La santé des élèves
Partie 1 :
Vous êtes CPE dans le collège XY. L’enquête de climat scolaire qui a été conduite l’année précédente a révélé des préoccupations partagées par toute la communauté éducative au regard du mal-être qu’expriment les élèves. Dans la perspective d’une présentation à la communauté éducative des enjeux d’une démarche « école promotrice de santé », le chef d’établissement vous demande d’élaborer un document de synthèse qui expose les relations de la santé et du bien-être des élèves avec leur réussite à l’école.
Partie 2 :
En vous appuyant sur les éléments du document de synthèse, vous formaliserez un plan d’action structuré qui permettra de mobiliser les personnels de la vie scolaire dans la stratégie de promotion de la santé que souhaite porter l’établissement.
→ Téléchargez le dossier documentaire sur le site Devenir enseignant.
Corrigé

Corrigé

Ce corrigé ne constitue qu'une proposition parmi d'autres possibles.
Le dossier proposé s’attache à la problématique de la santé et du bien-être des élèves. Attention, s’emparer de la question de la santé des élèves à l’École n’est pas alors proclamer que les élèves vont mal, notamment à la suite de la pandémie. Les dernières enquêtes soulignent bien le contraire : « En France, plus de neuf élèves sur dix disent se sentir bien ou très bien dans leur école, leur collège ou leur lycée : 92 % des élèves de CM1-CM2, 93 % des collégiens et 94 % des lycéens déclarent se sentir « bien » ou « très bien » dans leur école/établissement scolaire (Enquêtes climat scolaire et victimation 2018, 2021 et 2022, Depp). »(1)
Depuis quelques années, notamment grâce au travail de Christophe Marsollier, la corrélation entre le bien-être à l’école et la réussite scolaire est reconnue. Le bien-être revêt plusieurs dimensions : physique, matérielle, cognitive, psychologique et sociale, et comporte des liens étroits avec la définition de la santé, les compétences psychosociales et les vulnérabilités. L’Organisation mondiale de la Santé (1946) définit le bien-être comme étant « un état complet de bien-être physique, mental et social ». Pour atteindre cette complétude, il est donc primordial que tous les membres de la communauté éducative développent des actes et une éthique professionnelle visant cet objectif. Toutes les expériences douloureuses affectent l’estime de soi ; dans un contexte scolaire est alors abîmé le rapport au savoir, et, plus largement, le rapport à la connaissance et à l’envie d’apprendre. C’est pourquoi, dans ce contexte, l’objectif interroge la posture professionnelle et les collaborations à initier afin de développer l’appétence scolaire de tous les élèves.
Le sujet n’interroge pas tous les membres de la communauté éducative, mais le personnel de vie scolaire dans la promotion de l’éducation à la santé. Une éducation qui vise à aider chaque jeune à s’approprier les moyens d’opérer des choix, d’adopter des comportements responsables, pour lui-même et vis-à-vis d’autrui et de l’environnement. Cette éducation permet donc de préparer chaque élève à exercer sa citoyenneté. Elle contribue aussi à la construction individuelle et sociale de chaque adolescent. En ce sens, l’éducation à la santé ne diffère pas des missions de l’École ni de celles attribuées au personnel de la vie scolaire. Il était donc attendu de souligner la nécessaire complémentarité des actions éducatives et pédagogiques.
Analyse des documents préparatoire à la partie 1 du devoir
 
Document 1  :
Éléments de restitution de l'enquête locale de climat scolaire conduite au collège XY au cours de l'année 2022/2023 [Extrait]
Document à valeur informative
Sentiment de bien-être inférieur aux moyennes, mal-être important.
Ennui entre les cours.
Fuite de la pause méridienne  : équilibre de l'alimentation  ?
Utilisation du portable  : refuge  ? Addiction  ?
Problématique des réseaux sociaux.
Mauvaise relation aux apprentissages.
Bonne perception de la relation aux enseignants.
 
Document 2  :
Extrait d'un relevé de conclusions du Groupe pluri-catégoriel décrochage scolaire (GPDS)
du collège XY - janvier 2023
Document à valeur informative
Éléments qui évoquent des problématiques autour de l'hygiène de vie  :
Coucher tardif, rapport au corps compliqué/rejet de l'activité sportive (EPS, natation, arrêt du sport en club, etc.), usage excessif du portable, problématique EBP, dépression/adolescence.
 
Document 3  :
Cités éducatives et promotion de la santé mentale, retour sur le groupe pilote santé - février 2023 – FNES (fédération nationale d'éducation et de promotion de la santé) -
fnes.fr - [Extrait – p.12]
[Consulté le 14 octobre 2023].
Document à valeur réflexive. Comité de pilotage
Promotion de la santé et parentalité.
Impact de l'environnement social immédiat et du contexte socio-économique.
Lien enfant-parent = élément clé dans sa structuration et son bien-être. Renforcer les capacités parentales dans leurs rapports avec leurs enfants.
Lien entre parentalité et promotion de la santé.
Accompagnement à la parentalité.
 
Document 4  :
Extrait de l'article « Les années du collège » de Jean CHAMBRY – Pédopsychiatre – La
santé à l'école en 24 notions dir. Hélène Romano, Malakoff, pp. 214-216 - collection aide-mémoire - DUNOD – mars 2021
Document à visée scientifique
Aspects développementaux  : puberté, sexualisation du corps, autonomisation, interrogations identitaires, appartenance au groupe.
Pression scolaire  : 1er choix fin de troisième.
Fragilité narcissique.
Processus d'adolescence  : question de la confiance en soi.
Face à la frustration  : difficulté à canaliser son agressivité, à rêver.
Capacités de représentation limitées  : ennui profond, recherche de sensations pour se sentir exister.
Troubles rencontrés  : troubles oppositionnels avec ou sans provocation, troubles des conduites et aspects anti-sociaux, troubles anxieux (passages infirmerie, maux de ventre, sommeil, paniques au cours des évaluations, etc.)
Phobies scolaires.
 
Document 5  :
Les compétences psychosociales : un référentiel pour un déploiement auprès des enfants et des jeunes - extraits de la synthèse de l'état des connaissances scientifiques et théoriques réalisé en 2021
Document à visée scientifique
Effets démontrés des programmes CPS sur l'amélioration de la réussite scolaire.
Compétences d'auto-régulation assurent d'une meilleure santé mentale, comportement positif pour la santé et pour les relations, réussite scolaire plus élevée.
Un programme CPS bien conçu et mis en œuvre a la capacité de soutenir un développement harmonieux, personnel et social.
 
Document 6  :
La promotion de la santé et la réussite scolaire – Emily Darlington et Julien Masson-
Maîtres de conférence - DUNOD 2020 [Extraits – chapitre 4 – partie 1]
Document à visée scientifique
 
Adolescents de moins en moins dépendants du regard de leurs parents, mais de plus en plus de celui de leurs pairs.
Adolescence = période pour construire les compétences, connaissances au sujet de leur santé et de leur bien-être, acquises pour leur vie à venir.
Méconnaissance des services et parcours de santé/surinvestissement du rôle de l'infirmière.
Apprentissage progressif des compétences en matière de santé.
Axes de littératie  : connaissances théoriques, formation en termes de décisions, développer l'esprit critique (altérité), promouvoir la conscience de soi (métacognition), promouvoir la citoyenneté (réflexion sur problématiques éthiques à empathie, écoute, acceptation de la différence, dialogue, collaboration, etc.).
 
Document 7  :
Extraits de la note du CSEN - Conseil scientifique de l'Éducation Nationale – Activité physique, fonctionnement cognitif et performances scolaires  : niveau de preuve et grade de recommandation - rédigée par Kinga Igloi, Matthieu P. Boisgontier et Boris Cheval dans le cadre du groupe de travail « Bien-être à l'école » – Février 2022.
Document à visée informative
Lien entre activité physique et résultats scolaires  : fonctions cognitives impactées positivement. Attention, pas de preuve scientifique.
Les EBP/enfants en surpoids bénéficient davantage des effets de l'activité physique.
Il convient de prendre en compte l'ensemble des bienfaits de la pratique régulière d'une activité physique sur la santé mentale, physique et sociale des enfants.
 
Document 8  :
Extraits d'un document du ministère de l'Éducation Nationale - Le bien-être des élèves  : santé et sport - www.education.gouv.fr/media/19610/download [Consulté le 11 octobre 2023]
Document à visée informative
Promouvoir la santé à l'école permet l'adoption de comportements favorables et d'adapter les soins nécessaires grâce à la détection et prévention.
Période du collège correspond à une période d'expérimentation de substances psychoactives.
Prendre en charge la souffrance psychique des élèves  : repérer et orienter les élèves en situation de souffrance psychique (guide école bienveillante pour tous).
Acquérir des compétences et des connaissances utiles tout au long de la vie  ; acquérir des comportements responsables et individuels  ; dispositifs de prévention et dépistages obligatoires.
Développer la pratique sportive = développement de compétences sociales, relationnelles, mais aussi de l'estime de soi. Amélioration de l'hygiène de vie, prévention des conduites addictives + dépassement de soi.
Journée nationale du sport scolaire.
Triptyque du parcours éducatif de santé  : éduquer, prévenir, protéger.
 
Document 9  :
Projet « Mange du sport » - La santé à l'école en 24 notions dir. Hélène Romano,
Malakoff, pp. 214-216 - collection aide-mémoire - DUNOD – mars 2021
Document à visée informative
Compte rendu d'expérience
Valoriser les temps de récréation.
Dispositifs d'apprentissage entre pairs  : la cour devient un lieu d'éducation, importance de la qualité des relations interpersonnelles.
Formation de coachs pour l'animation dans la cour de récréation, il s'inscrit dans un processus de formation du futur citoyen actif, responsable et solidaire.
La cour de récréation devient au même titre que la classe un lieu d'éducation.
Entraide, partage, fédération du groupe.
Le plaisir comme facteur de cohésion.
 
Document 10  :
Extraits de la circulaire n° 2016-008 du 28-1-2016 - Mise en place d'un parcours éducatif de santé pour tous les élèves - BO -
[Consulté le 11 octobre 2023]
Document à visée prescriptive
La santé est un enjeu primordial au sein du système éducatif.
La santé dans ses dimensions physique, psychique, sociale et environnementale est un élément de l'éducation de tous les adolescents.
Facteur de réussite scolaire.
La promotion de la santé en milieu scolaire constitue l'un des meilleurs leviers pour améliorer le bien-être et réduire les inégalités, en intervenant au moment où se développent les compétences et les connaissances utiles tout au long de la vie.
Parcours éducatif de santé (PES) vise à structurer la présentation des dispositifs qui concernent à la fois la protection de la santé des élèves, les activités éducatives liées à la prévention des conduites à risques et les activités pédagogiques mises en place dans les enseignements en référence aux programmes scolaires.
Code de l'éducation « au titre de sa mission d'éducation à la citoyenneté… ».
Finalité du PES  :
Structurer et renforcer l'action de l'EPLE en matière de santé.
S'appuyer sur le socle commun, programmes, besoins et demandes des élèves, ressources.
S'inscrire dans le PE, axe du CESCE.
Être finalisé dans un document bref, intelligible.
Axes du PES  : 3 axes
  • Éduquer (compétences à acquérir).
  • Prévenir (actions centrées sur les problématiques de santé prioritaires).
  • Protéger (climat scolaire favorable).

Document 11  :
Vadémécum - L'école promotrice de santé – Edusanté – MENJ – [Extrait p. 17-18] -
eduscol.education.fr/document/1689/download [Consulté le 17 octobre 2023]
Document à visée prescriptive
École promotrice de la santé.
Prévention pour la santé par les pairs  : placer l'élève au centre de la démarche comme cible et comme acteur.
Les ados sont attentifs au regard de leurs pairs. La proximité favorise le partage d'expériences vécues et constitue un atout relationnel majeur.
Ambassadeurs santé.
Parents peuvent être moteurs ou demandeurs d'actions pour mieux comprendre.

Partie I
Introduction
Pour les Romains, Thulé est une île qui représente l’extrême limite septentrionale du monde connu, même si sa position leur est inconnue. Pythéas, navigateur, rapporte l’avoir découverte et la décrit comme une île qui, au solstice d’été, a le jour sans nuit et au solstice d’hiver, la nuit sans jour. À la suite, navigateurs, poètes, géographes s’emparent de Thulé et évoquent à leur manière cette île. Aujourd’hui, nous pouvons tous parler de cette île sans jamais l’avoir vue. Elle représente désormais une contrée fabuleuse et mystérieuse, l’aventure et l’ailleurs désiré. Chaque société, chaque groupe humain ou chaque personne possède son île, son étranger familier, qui correspond à sa part d’innommable, ses interrogations ou encore les énigmes que pose l’existence. C’est justement sur ces énigmes que bute l’adolescent, mais vers lesquelles il est particulièrement attiré. Alors qu’il aimerait être soulagé de la tension de l’inconnu et du mystère, il ne peut accepter les réponses apportées, justement parce qu’elles ne viennent pas de lui. C’est en ce sens que cette période est vécue par les jeunes, par les parents et par l’École comme un passage difficile. Dans L’Émile de Rousseau (1762), l’adolescence est définie comme « l’orageuse résolution qui s’annonce par le murmure des passions naissantes prescrites par la nature ». Rousseau décrit par la suite l’adolescent comme un être contestataire dominé par ses passions et ses envies, objet de toutes ses actions et attentions. Cependant, la difficulté parfois nommée crise d’adolescence n’est pas un passage obligé. En effet, l’adolescence se définit comme « étant en train de grandir » c’est-à-dire qu’elle est la période qui permet à chacun à la fois de s’affranchir de certaines règles et de s’affirmer par rapport aux autres, par rapport à sa famille, mais aussi par rapport à l’École. L’adolescent cherche alors à s’approprier le monde en multipliant les expériences qui peuvent parfois le mettre en danger. Dans ce cadre, au-delà de sa mission, il appartient à l’École, sans se substituer aux obligations des parents, de veiller à la santé des élèves et de leur inculquer une éducation à la santé. Garantir le bien-être des élèves est une condition pour s’assurer de la réussite de tous. Évoquer la réussite de tous n’est pas réduire la réussite dans les différents champs disciplinaires, mais oblige l’École à se penser comme promotrice de santé. La santé des élèves n’est pas une préoccupation récente du ministère de l’Éducation nationale. Au cours des trente dernières années, se sont succédé textes et dispositions intégrant progressivement l’éducation à la santé comme un élément nécessaire à l’éducation. La notion de bien-être est alors introduite dans le champ scolaire. Le bien-être renvoie « à un degré de satisfaction individuel, des élèves ou des personnels, dans différents aspects de la vie scolaire » (2) Il s’inscrit donc comme un facteur de vivre ensemble et revêt une dimension citoyenne. Dès lors, la mission de l’École, consistant à s’assurer que toutes les conditions de réussite sont bien réunies autour de l’élève, doit considérer l’enjeu que constituent bien-être et santé de l’élève, pour atteindre ses objectifs. Ce bien-être, impacté par des facteurs, environnementaux notamment, l’est aussi par des mouvements internes à l’individu, déstabilisants. En effet, le public accueilli par l’École est un public en constants mouvements, protéiforme, et, au collège notamment, confronté aux affres de l’adolescence. Cette période critique doit être accompagnée au mieux pour permettre à l’élève de parfaire son parcours scolaire et citoyen. Si la politique éducative doit alors viser l’adoption de comportements responsables pour lui-même et pour les autres, en quoi maintenir un lien entre santé et bien-être est-il une garantie de réussite scolaire et éducative de tous les élèves ?
Après avoir défini les déterminants de l’adolescence, l’impact de la santé sur la réussite scolaire et éducative sera démontré. Puis dans une dernière partie, il s’agira d’identifier les enjeux éducatifs et citoyens de la promotion de la santé à l’École.
Notre réflexion s’appuiera sur un corpus composé de 11 documents. Un premier ensemble de documents est constitué par deux documents à visée prescriptive (documents 10 et 11), un groupe de documents propres au contexte donné du collège est formé par les documents 1 et 2. Les documents 4, 5 et 6 regroupent les documents à visée scientifique, le document 3 est de visée réflexive et enfin les documents 7, 8 et 9 forment un ensemble de textes à visée informative.
I. L’adolescence : du mal-être au chaos
A. De la mue adolescente au chaos
Toute la période de l’école maternelle à la fin de l’école élémentaire est qualifiée de période de latence. Durant ce cheminement, l’enfant développe des capacités socialisatrices. Son arrivée au collège correspond à la fin de l’enfance. L’élève côtoie dans la cour de récréation les copains qui subissent les transformations pubertaires et la sexualisation de leur corps (document 4). Ces transformations sont visibles et audibles notamment pour les garçons. Le jeune collégien les attend, pour se sentir appartenir au groupe des aînés, autant qu’il les redoute. Pour autant, le processus est en marche et les changements hormonaux qui induisent la croissance rapide et le développement des organes reproducteurs sont des bouleversements profonds. Le jeune adolescent ne reconnaît plus son corps et ne le maîtrise pas vraiment non plus. Cette mue sonne le glas de l’enfance et l’entrée dans un monde qu’il ne reconnaît pas et ne le reconnaît pas en tant qu’adulte. De plus, au moment même où il subit véritablement une transformation physique, et donc à une période où les soins sont un gage de meilleur vécu, il rejette généralement le principe même d’une alimentation équilibrée (document 1) et d’une hygiène de vie, pourtant toutes deux essentielles pour soutenir cette croissance. Le document 2, qui est un document interne au collège, relate pour un certain nombre d’élèves le manque de sommeil et/ou l’abandon des pratiques sportives. Le sommeil et la pratique sportive sont tous deux des activités indispensables à la préservation d’une bonne santé mentale comme physique. De plus, ces mêmes adolescents peuvent aussi négliger la santé reproductive. Si l’adolescence est aussi caractérisée comme la période des premières expériences sexuelles, ces nouvelles expériences nécessitent un suivi médical pour prévenir ou pour traiter les éventuels problèmes, comme les infections sexuellement transmissibles ou les grossesses précoces. Si la mue de l’enfant en adolescent est une épreuve, tous les jeunes ne vivent pas de manière difficile leur adolescence. Pour autant, cette période peut être révélatrice de fragilités et de vulnérabilités qui facilitent les doutes existentiels et développent un sentiment de mal-être.
B. Du chaos en eux
« L’adolescent joue toujours faux, car il est trop petit pour être grand et trop grand pour être petit. » Cette citation de François Dubet (1996) souligne la difficulté pour l’adolescent de voir s’opérer les transformations physiques tout en prenant conscience de son envie de s’individualiser. Ce désir de reconnaissance en tant qu’individu pensant se manifeste parfois par un engouement pour des marques corporelles (tatouages, piercing, scarifications, maquillage…), un isolement, des oppositions bruyantes et s’accompagne, dans des circonstances plus graves, d’addictions ou de conduites à risques. À ces manifestations peut s’ajouter une détérioration des liens familiaux. Lors de cette période, la relation qu’entretient la famille avec son enfant est cruciale pour la santé mentale. La santé mentale se définit par la capacité d’une personne à se développer et à s’épanouir. Or, cette capacité est particulièrement liée à l’environnement social immédiat (document 3). Cependant, pour certains parents, il est difficile d’accepter une émancipation de son enfant, perçue comme un éloignement. Enfin, lorsque l’adolescent transgresse, il ne cherche pas simplement à s’affranchir de l’autorité parentale, mais recherche justement les limites à la maison, au collège ou dans la rue. Si la transgression met à l’épreuve la solidité des limites, elle provient simplement d’un souci de vérification de la présence de règles. En d’autres termes, l’adolescent cherche à s’approprier le monde en multipliant les expériences nouvelles parfois largement influencées par les pairs.
C. Vers une nouvelle construction sociale
Si le jeune prend ses distances avec sa famille dans de nombreux domaines, c’est pour répondre à un besoin de s’individualiser. Son cadre de référence n’est plus la famille, mais bien celui du groupe d’amis réels ou virtuels (documents 1 et 6). C’est au travers de cette socialisation juvénile que l’adolescent développe son autonomie et son identité. La plupart du temps, l’adolescent parvient à se construire une image, symbole de son identité. C’est le moment de l’affirmation de ses goûts musicaux, vestimentaires, capillaires… parfois de manière très ostentatoire. Ces manifestations sont une forme de codes de reconnaissance qui permettent aux jeunes de se regrouper entre eux (document 4). Pour autant, faire preuve de créativité ou d’originalité ne va pas de soi. Pour y parvenir, il ne faut dans une certaine mesure ni avoir peur du jugement des autres ni avoir honte. Cela requiert une certaine confiance en soi dont tous les adolescents ne disposent pas encore (document 4). Confronté à des difficultés narcissiques, l’adolescent peut alors développer différentes sortes de troubles : oppositionnels avec les adultes, auto-sabotage, anxieux, phobiques, etc. (document 4). L’adoption de ces comportements divers et parfois à risques est le moyen de signifier son existence, mais peut aussi être un appel pour une meilleure prise en charge : « un pari pour exister, un jeu symbolique avec la mort qui se révèle l’ultime moyen de garder le contact » (D. Lebreton, 2005).
De manière générale, l’être humain se caractérise par une succession d’accomplissements ou d’achèvements. La maturation qui se déroule pendant l’enfance jusqu’à l’adolescence représente un premier achèvement. En effet, la puberté représente un terme à la maturation biologique, mais aussi l’entrée dans une phase qui va parachever la constitution d’une personnalité. Constitution qui va être déterminante pour le passage à la vie d’adulte, c’est-à-dire à la prise de responsabilités, en résumé à l’adhésion à un rôle social. Or, abandonner un rôle protégé et protecteur qu’est celui de l’enfant pour endosser des responsabilités peut s’avérer une véritable épreuve pour le jeune. Et, « s’il faut du chaos en nous pour accoucher d’une étoile dansante » (Nietzsche, 1885), l’accouchement ne pourra se faire que si et seulement si l’École, aux côtés des familles, établit un lien entre réussite scolaire et bien-être des élèves qu’elle accompagne.
II. Impact de la santé sur la réussite scolaire : l’École vectrice de la santé
A. Santé mentale et compétences cognitives
Les compétences cognitives regroupent la capacité à avoir conscience de soi, la capacité de maîtrise de soi, et la capacité à prendre des décisions constructives et responsables (document 5). Plus l’adolescent a conscience de soi, plus les risques psychosociaux s’amenuisent (document 5). Au-delà de ces risques, un adolescent qui va mal, c’est possiblement un adolescent qui va s’éloigner de ses apprentissages, parfois même jusqu’au décrochage total. Une santé mentale fragile entraîne des symptômes multiples dont une diminution de la qualité du sommeil. Or, les conséquences immédiates d’une altération du sommeil sont des troubles de l’attention et une irritabilité excessive qui entraînent une baisse des résultats. Le document 1 souligne justement le manque d’implication des collégiens dans leur travail personnel et le peu d’appétence dans les apprentissages scolaires au regard des résultats nationaux. L’ennui serait la principale cause de ce peu d’engouement scolaire. Pour répondre à cet état, la formation aux compétences psychosociales permet une amélioration de la santé mentale. En effet, elles aident le jeune à s’autoréguler et à développer des comportements responsables qui favorisent les relations sociales (document 5). Dès lors, un cercle vertueux est formé : l’adolescent est capable de renforcer sa capacité à penser de façon critique en comprenant l’influence de l’environnement social et à résoudre des problèmes de manière critique et réfléchie en évaluant les risques et les bénéfices pour soi et pour les autres. En ce sens, les programmes de compétences psychosociales favorisent non seulement les apprentissages et l’adaptation sociale, mais préviennent aussi les violences et les addictions, freins potentiels à leur réussite scolaire. Pour autant, ils ne suffisent pas, et d’autres pratiques personnelles sont des atouts pour développer les compétences cognitives et le bien-être.
B. La pratique sportive : un prédicteur de réussite
S’il n’existe pas de preuves scientifiques sur le lien entre pratique sportive et assurance d’une réussite scolaire, la pratique régulière d’une activité sportive réduit les risques d’obésité, de troubles anxieux et de mésestime de soi (document 7). Elle nécessite une concentration, exige une discipline et enfin développe les relations sociales avec ses partenaires et ses adversaires, si l’on souhaite performer ou réussir une compétition sportive. Les stratégies développées à convoquer pour y parvenir sont les mêmes que pour asseoir une performance scolaire : concentration, répétition, détermination pour un dépassement de soi (document 8). La pratique sportive est donc une bonne manière de renforcer l’estime de soi qui fait cruellement défaut à l’adolescent. Elle développe le goût de l’effort, qui est lui-même nécessaire pour entrer dans l’apprentissage scolaire. En plus de cet apport personnel, la pratique sportive dote chacun de ses pratiquants de compétences sur le travail collectif. Construire une stratégie d’équipe requiert de faire attention aux membres qui la composent et exige de respecter des règles. L’apprentissage du respect des règles et règlements est aussi transférable dans sa vie de collégien et est l’assurance d’une qualité de vie au collège, et donc du sentiment de bien-être. Le document 1 montre bien le travail à effectuer au sein du collège qui nous concerne. La mise en place de la journée nationale du sport peut non seulement être un levier pour l’instauration d’une véritable culture sportive au sein de l’établissement, mais aussi pour réduire les inégalités scolaires.
C. La santé : vecteur de réduction des inégalités scolaires
Si l’on veut donner du sens au principe d’égalité des chances, alors l’École doit s’assurer de promouvoir la santé en milieu scolaire. Parce que la santé influence de manière multidimensionnelle la trajectoire scolaire et la construction de l’adolescence, il est nécessaire pour l’École de transmettre des informations utiles pour mieux comprendre l’importance de prendre soin de son corps et de celui des autres, de connaître les risques et d’adopter des comportements sains pour soi et pour les autres aussi (document 10). Cette promotion de la santé en milieu scolaire constitue l’un des meilleurs leviers pour améliorer le bien-être et réduire les inégalités, en intervenant au moment où se développent les compétences et les connaissances utiles tout au long de la vie (document 10). Prévenir sur le plan médical c’est se situer en amont de la maladie, c’est identifier les facteurs de risques et éventuellement les dépasser par des actions spécifiques en fonction du public accueilli. Par exemple, l’alimentation est différenciée selon l’origine sociale et le risque d’obésité est notamment plus élevé dans les milieux sociaux défavorisés. Il est donc indispensable de centrer une partie de son action au sein de l’école sur cette thématique prioritaire qu’est l’équilibre alimentaire. Les enquêtes du collège nous révèlent justement que les collégiens désertent la cantine pour se nourrir de produits saturés en gras (document 1). Cette pratique alimentaire quotidienne, si elle persiste, peut engendrer des maladies aux conséquences lourdes. Agir sur les facteurs de risques et développer des compétences permettant de prévenir des comportements à risque en faveur du bien-être psychique et physique, c’est pour l’École entrer dans une démarche de protection de tous les élèves.
L’Organisation mondiale de la Santé définit la santé comme un « état complet de bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. La possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain. » Permettre aux générations d’aujourd’hui et de demain de développer leur capacité à faire des choix éclairés et raisonnés, leurs aptitudes à vivre ensemble et à mieux gérer leur stress et réguler leurs émotions constitue un enjeu éducatif de la promotion de la santé.
III. Impact du bien-être sur la citoyenneté : l’École promotrice de santé
A. Le bien-être au service d’un climat scolaire apaisé
Nous l’avons vu, la pratique du sport est un levier pour développer un sentiment de bien-être. Cette pratique, si elle est véritablement instituée au sein d’un établissement scolaire, devient un rempart contre la violence qui peut s’exercer au sein de celui-ci. Le projet « Mange du sport » (document 9) propose notamment d’investir les temps de pause méridienne, mais aussi toutes les récréations, afin de permettre aux élèves de se dépenser tout en prenant du plaisir. L’animation des ateliers sportifs est sous la houlette d’élèves formés. Cette initiative permet d’améliorer les interactions entre élèves, de penser une organisation satisfaisante pour tous, et de balayer le stress ou l’angoisse que peuvent parfois vivre les élèves durant ces temps (document 9). La cohésion sociale développée et instituée sur ces temps est aussi un moyen de diminuer les déviances comme les dégradations des locaux, les conflits entre élèves et de pallier l’ennui évoqué par les élèves du collège : la lecture du document 1 indique une perception du climat scolaire comme mauvaise par 59 % des élèves et 68 % des parents déclarent une perception dégradée du climat du collège. Mieux, si l’on se réfère aux conclusions du GPDS, nombreux sont les élèves signalés qui abandonnent la pratique du sport en club et qui poursuivent par des absences en cours d’EPS ou de natation (document 2). C’est pourquoi des initiatives sont nécessaires pour casser cette dynamique. Il s’agit bien d’éveiller les consciences des adolescents pour leur permettre d’opérer des choix responsables.
B. L’éducation au service de la santé
L’adolescence est la période qui met au cœur de la relation l’expérience avec les pairs. Les pratiques initiatiques et intégratives ne sont pas forcément le signe d’un mal-être, pour autant le goût du risque qui se manifeste de manière prégnante peut s’avérer porteur de risques inhérents à ces divers comportements. La prise de psychotropes illustre ce risque. D’une consommation entre pairs dite récréative, elle peut insidieusement s’installer jusqu’à devenir une habitude. C’est pourquoi il est impératif d’offrir au sein de l’établissement un environnement favorable à l’accès aux soins. Les politiques éducatives doivent alors proposer une offre minimum de soins (dépistages obligatoires). Pour autant, le seul accès au soin ne saurait être suffisant ; il est nécessaire d’accompagner les familles et de penser les accompagnements qui leur permettront de se saisir efficacement des informations, des conseils prodigués ainsi que des offres du territoire (document 3). En effet, la relation enfant-parents est un élément clé de sa structuration et de son épanouissement, il importe donc de renforcer les capacités parentales dans leurs rapports avec leurs enfants (document 3). Une éducation cohérente à la santé ne doit pas seulement viser des actions ponctuelles organisées par le CESCE, mais bien avoir comme objectif de faire le lien avec les enseignements dispensés tout au long du collège. Les élèves arrivent au collège avec un niveau d’acquisition de compétences inégal en la matière. Les compétences psychosociales à acquérir, inscrites de manière transversale dans le socle commun de compétences, de connaissances et de culture doivent alors irriguer l’ensemble des enseignements afin de faire sens et de permettre à tous les élèves de les convoquer dans n’importe quelle situation. À ce titre, l’éducation à la santé se fond dans la pratique de classe, mais aussi dans la pratique des temps hors classe par l’animation éducative proposée (document 6). L’enjeu de cette éducation transversale étant de permettre à chaque jeune de pouvoir faire des choix éclairés par l’autonomie acquise au cours des différents enseignements. Pour accompagner les équipes enseignantes, un vade-mecum, L’école promotrice de la santé, est à disposition de l’ensemble de la communauté éducative afin de les aiguiller sur les conduites à tenir en vue d’établir un environnement serein pour le bien-être et la santé mentale des élèves nécessaires à l’accomplissement de chacun et à l’adoption de comportements responsables (documents 8 et 11).
C. L’éducation à la santé au service de l’esprit critique
Passer de l’aspiration profonde à une indépendance à une réelle indépendance qui permet l’expression et l’argumentation de ses choix nécessite de savoir contrôler sa propre santé afin de l’améliorer si nécessaire. Garantir la santé de tous les élèves, c’est penser la promotion de la santé sous toutes ses dimensions : psychique, physique, environnementale et sociale (document 10). Le parcours éducatif santé vise « à structurer la présentation des dispositifs qui concernent à la fois la protection de la santé des élèves, les activités éducatives liées à la prévention des conduites à risques et les activités pédagogiques » (document 10). Le parcours a pour objectif la construction des compétences et des connaissances utiles pour la vie du jeune individu et l’acquisition des comportements responsables sur le plan individuel et collectif. Parce que l’éducation à la santé vise à s’approprier des moyens d’opérer des choix et à adopter des comportements responsables. En effet, il existe cinq axes d’approche pour la littératie en santé, dont l’un consiste à promouvoir la conscience de soi : en d’autres termes, l’élève apprend à confronter les connaissances théoriques à ses propres ressentis. Cette confrontation l’oblige à prendre nécessairement du recul sur ce qu’il pourrait ressentir comme forcément négatif ou positif au regard de la théorie vue en classe (document 6).
L’adolescence est un passage nécessaire, obligé, agité. Souvent caractérisé comme étant en crise, l’adolescent est en proie aux difficultés d’accepter puis de s’approprier son nouveau corps. Ainsi, l’adolescent se retrouve comme au premier temps de son existence et vit à nouveau les premiers enjeux à propos des limites et des lois. Prendre soin des élèves, par l’aménagement d’un environnement rassurant, par l’instauration de liens de confiance avec les familles et surtout en les dotant de compétences développées dans le cadre du parcours éducatif de santé, c’est exprimer la volonté de permettre à chacun de cheminer dans sa scolarité en toute tranquillité. Si le bien-être est alors assuré, il ne suffit pas à affirmer que la santé mentale de tous les élèves est assurée. La santé mentale requiert une pensée critique et une pensée créative. Or, donner une vocation émancipatrice à l’École revient à penser l’École comme un espace d’expression, de développement de compétences sociales et personnelles de tous les élèves qu’elle accueille. Pour ce faire, il est impératif que la politique éducative de l’établissement place l’élève au centre de la prévention en tant que cible et en tant qu’acteur. Créer des ambassadeurs de santé (document 11), c’est permettre aux élèves d’endosser le rôle d’un citoyen soucieux de ses pairs, capable d’esprit critique et désireux de participer à la construction du monde de demain. L’enjeu est noble et utile, mais pour autant, insuffisant. « Il est dur à apprendre sa partie du monde » (Paul Nizan, 1931) lorsque les politiques publiques, notamment en matière de santé, ne garantissent pas une société plus égalitaire.
Partie II
En vous appuyant sur les éléments du document de synthèse, vous formaliserez un plan d’action structuré qui permettra de mobiliser les personnels de la vie scolaire dans la stratégie de promotion de la santé que souhaite porter l’établissement.
L’adolescence constitue une importante période de changements sur le plan biologique, psychologique et social. Le passage de l’enfance à l’âge adulte demande du temps pour connaître sa propre identité et assumer les responsabilités de l’adulte. Si la majorité des jeunes traversent cette période sans grande difficulté en s’adaptant progressivement aux changements et en forgeant leur personnalité pour investir le monde dans lequel ils sont introduits, certains autres connaissent des souffrances importantes. Ces souffrances s’expriment souvent par un sentiment de mal-être aux conséquences parfois redoutables pour l’adolescent en question et pour les autres. Pour accompagner ce passage de l’état d’enfant à l’état d’adulte, tous ont besoin d’adultes. C’est ce qui d’ailleurs fonde l’acte éducatif. L’École étant obligatoire jusqu’à 16 ans et la formation, depuis la loi Blanquer, jusqu’à 18 ans, elle représente le lieu dans lequel s’effectue cette transformation physique, psychique et sociale et a de fait un rôle majeur à tenir durant cette période de transition. Pour autant, l’École ne peut s’octroyer le monopole éducatif, car il lui faut composer avec la famille qui, selon l’OCDE, reste « le premier système social au sein duquel les enfants commencent à acquérir des compétences sociales et cognitives fondamentales » (Transmettre et apprendre, Marie Claude Bais, Marcel Gauchet, Dominique Ottavi, 2014). Dans ce cadre, l’adolescent doit alors assumer « le métier d’élève » qu’exige de lui l’École sans considérer véritablement sa disponibilité à l’exercer. C’est dans ce contexte que les notions de bien-être et de santé mentale et physique prennent une dimension nécessaire pour accompagner l’adolescent aussi bien au sein de l’établissement (dans et hors la classe) qu’au sein du groupe de pairs ou dans les activités juvéniles extra-scolaires. En effet, si l’École accompagne l’adolescent dans toutes ses transformations, alors elle doit penser les conditions de cet accompagnement, notamment ce qui concerne la politique éducative en matière de santé. Dans le cadre du collège donné, il s’avère que l’enquête locale de climat scolaire souligne la nécessité de mettre en place des actions ciblées contribuant à améliorer le climat scolaire, le bien-être et les conditions d’apprentissage (document 1). La corrélation directe entre le climat scolaire, le bien-être des élèves, leur implication dans les apprentissages et le développement de l’estime qu’ils ont d’eux-mêmes n’est plus à démontrer. Instaurer les conditions d’épanouissement personnel et scolaire est une responsabilité collective pour l’ensemble de la communauté éducative dans le sens où chacun y contribue et en bénéficie au quotidien. Dans la perspective de promouvoir la santé au sein du collège et dans l’objectif de favoriser l’acquisition de compétences psychosociales, comment le conseiller principal d’éducation, responsable de l’animation et de l’organisation du service de vie scolaire, doit-il mobiliser son équipe afin de viser la sérénité et l’autonomie de chaque élève ? Il s’agira dans un premier temps d’institutionnaliser l’éducation à la santé par la formation des personnels de vie scolaire pour mieux accompagner les adolescents, puis de permettre aux assistants d’éducation de promouvoir ce bien-être en accompagnant l’engagement et la responsabilisation des élèves.
I. Institutionnaliser le bien-être au sein du service de vie scolaire
À la création du service public d’enseignement (inspection médicale des écoles et service de santé scolaire créés dès 1886/1887), l’éducation à la santé est perçue sous l’angle de l’hygiène et de la prévention des conduites à risques. Depuis le milieu des années 1980, la santé est devenue un enjeu mondial, préconisé par les grandes organisations internationales comme l’OMS : la charte d’Ottawa en 1986 définit la santé comme le fait de pouvoir « d’une part réaliser ses ambitions et satisfaire ses besoins et, d’autre part, évoluer avec le milieu ou s’adapter à celui-ci ». Ainsi, la santé ne relève plus seulement du secteur sanitaire, mais le dépasse pour viser le bien-être global. Il importe donc de former les personnels de vie scolaire au repérage de situations de mal-être ainsi qu’à l’instauration d’un accompagnement de qualité.
A. Instaurer une culture du bien-être
Une éducation à la santé au sein du collège ne pourra être efficiente que si elle est adoptée et portée par un grand nombre. Si on s’appuie sur les missions de conseiller principal d’éducation au regard de la circulaire de missions de 2015 pour « placer les adolescents dans les meilleures conditions d’apprentissage de la vie collective, individuelle et d’épanouissement personnel », le conseiller principal d’éducation doit donc impulser au sein de son équipe une prise de conscience de cette nécessaire éducation à la santé. Pour ce faire, il doit proposer à son équipe une formation dont l’objectif est bien de réduire l’écart entre culture juvénile et culture scolaire. Concrètement, la formation des assistants d’éducation s’articulera en deux temps : le temps de formation informelle et le temps de formation formelle. Agissant en tant que responsable du service de vie scolaire, le conseiller principal d’éducation doit, auprès de son équipe par les conseils en entretien individuel ou en équipe, se positionner comme un professionnel éducateur et poser les gestes professionnels qui permettent à l’adolescent de se sentir en confiance. Par l’exemplarité de sa posture, il guidera son équipe dans l’adoption de cette éthique professionnelle exposée. La formation informelle ne suffit pas à forger une véritable coopération au sens étymologique du terme : faire œuvre commune. Il est donc impératif que le conseiller principal d’éducation organise des temps formels de formation pour aborder les problématiques adolescentes et le rôle spécifique des assistants d’éducation en la matière. Lors de la journée de pré-rentrée, le conseiller principal d’éducation doit envisager un temps pour exposer le plan de formation en continu dans l’année à l’occasion de réunions de service, ou de formations d’initiative locale déployées au sein du collège. L’enquête de climat scolaire révèle des points d’ombre à l’instauration du bien-être qui exige l’implication de tous les personnels : manque de travail personnel, addiction aux réseaux sociaux… Le contenu des formations communes pourra être défini en amont par le conseil pédagogique pour ce qui relève du travail scolaire et par le CESCE pour ce qui relève davantage de la prévention des conduites à risques. Les formations auront pour objectifs communs de mieux appréhender le contexte environnemental, les besoins des adolescents et les enjeux auxquels la société les confronte. Établir un plan de formation d’initiative locale c’est vouloir inscrire une culture de la santé au cœur de l’action de tous les professionnels du collège.
B. Un service de vie scolaire vecteur de bien-être
La culture du bien-être dans la posture éducative doit alors se manifester dans le suivi des élèves par des faits concrets. Le premier se manifeste par la qualité des échanges entre l’équipe éducative et l’ensemble des éducateurs que l’élève peut rencontrer dans les activités hors cadre de la classe contribuant notamment à la formation de sa personnalité. Charge alors à l’équipe éducative de savoir entendre l’expression des élèves. Il ne s’agit pas de donner raison à l’élève, mais bien de recueillir sa parole et de la réinscrire dans le cadre de droits et de devoirs, car sa première responsabilité est d’assurer les conditions de bien-être. Cela implique nécessairement un climat pacifié assurant ainsi une véritable disposition à entrer dans les apprentissages.
L’accueil est le deuxième fait concret du suivi des élèves. Au collège, les assistants d’éducation sont souvent les premiers adultes qu’ils rencontrent le matin et vers lesquels ils se tournent plus facilement pour se confier. Assurer alors un accueil de qualité est donc une exigence pour préserver le bien-être de chacun. Si l’accueil du matin doit être un rituel de courtoisie marquant l’abandon de la cellule familiale pour entrer dans l’univers scolaire, il s’agit bien alors de former les assistants d’éducation à ce rituel en affichant un respect dû aux personnes et qui les inscrit dans une communauté scolaire ; première entrée pour l’acquisition du sentiment d’appartenance à l’établissement, « le respect est la capacité de traiter autrui comme soi-même et soi-même comme autrui » (Olivier Abel, 2007). La notion d’accueil ne se limite pas à celui du matin, mais regroupe tous les accueils qui concernent tous les membres de la communauté éducative. Outre les traditionnelles journées d’accueil de début d’année, une implication spécifique des assistants d’éducation sera requise, notamment sur l’arrivée en classe d’un nouvel élève en cours d’année, d’un élève après une période d’exclusion ou d’un passage en classe relais. Ce retour en classe doit être organisé par un accueil permettant de s’assurer que la continuité des apprentissages a été effective. Au-delà de cette assurance, c’est permettre à l’élève de mieux réintégrer sa classe et de rendre éducative l’exclusion. Parce que la qualité des accueils détermine les relations avec les adultes de l’établissement, il est donc impératif que l’ensemble de l’équipe de vie scolaire investisse l’accueil dans toutes ses dimensions. Pour autant, cela ne suffit pas à détecter, repérer l’éventuel mal-être qui pourrait submerger les élèves. Un repérage qui nécessite de fait une sécurisation de l’espace scolaire.
C. Sécuriser l’espace scolaire pour mieux repérer
Agir en faveur de la santé c’est véritablement créer un cadre serein et sécurisé. Les deux premières compétences spécifiques du conseiller principal d’éducation (« C1. Organiser les conditions de vie des élèves dans l’établissement, leur sécurité, la qualité de l’organisation matérielle et la gestion du temps. C2. Garantir, en lien avec les autres personnels, le respect des règles de vie et de droit dans l’établissement », Référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et d’éducation, 2013), soulignent la responsabilité du service en matière de gestion des flux, des temps et des espaces afin de limiter les possibles altercations et/ou incivilités entre élèves. La garantie d’une surveillance accrue dans tous les interstices des temps hors classe est une condition de l’instauration d’un climat propice au bien-être. Sécuriser l’espace scolaire, c’est ensuite veiller à ce que soient partagés des protocoles d’urgence, notamment pour certains élèves à besoin éducatif particulier ou bénéficiaires d’un projet d’accompagnement à la scolarité (PAI, PPS, PAP). Le rôle du conseiller principal d’éducation est de veiller à ce que son équipe d’assistants d’éducation soit au fait de ces mesures, en lien avec le service médical. Toujours en lien avec ce service, il importe que l’équipe sache repérer les signes d’un potentiel mal-être des élèves. Ces manifestations sont repérables chez les élèves qui perturbent la classe, arrivent en retard de manière récurrente et qui sont souvent exclus. À ces marques s’ajoutent les élèves qui présentent des marques corporelles, qui expriment des plaintes somatiques, des changements physiques (perte ou prise de poids) et/ou vestimentaires… Les différents actes d’incivilité, ainsi que d’autres signes peuvent être significatifs : repli, isolement, trouble de la conduite (violence tournée vers soi ou vers les autres, ou encore la dégradation du matériel), trouble de l’alimentation (boulimie ou anorexie). L’observation faite par les assistants d’éducation durant les temps de flux, mais aussi lors de la cantine est un moyen de repérer des situations. Pour exemple, l’observation d’un changement brutal de comportement vis-à-vis de l’alimentation est souvent l’expression d’un malaise naissant ou ancré de la part du jeune. Charge alors à l’assistant d’éducation de transmettre au conseiller d’éducation le fruit de ses observations, afin qu’il puisse engager, notamment avec les parents, des démarches d’accompagnement adaptées au besoin de l’élève repéré.
Si l’équipe d’assistants d’éducation répond aux exigences de courtoisie et de sécurisation des espaces pour inscrire le bien-être comme une nécessité dans ses actes professionnels, ces actions seules ne suffisent pas pour créer véritablement une culture d’établissement. Les itinéraires éducatifs comme pédagogiques doivent se saisir de ce projet de culture commune en faveur de la promotion de la santé. Pour exemple, l’élaboration des emplois du temps, organisée par le chef d’établissement et à laquelle le conseiller principal d’éducation peut prêter son concours, répond aussi à des enjeux de santé et de sécurité. Il importe alors d’éviter les journées surchargées, source de stress et de défaut de concentration et de veiller au rythme des évaluations, qui répond à ce même enjeu et demande une concertation en conseil pédagogique. Penser l’organisation des journées, c’est aussi afficher une véritable volonté d’autoriser les élèves à s’engager dans la vie de l’établissement.
II. Favoriser l’engagement des élèves
La loi d’orientation de 2005, qui a créé le socle de connaissances et de compétences, a voulu véritablement parachever la fin du clivage entre pédagogie et éducation en mêlant connaissances et compétences. La loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la République a entériné cette ambition par la création de quatre parcours éducatifs, dont l’un est le parcours éducatif de santé, et par certaines thématiques possibles des enseignements pratiques interdisciplinaires : « Corps, santé, bien-être et sécurité ». La santé devient alors à la fois un objet de connaissance et un ensemble de compétences psycho-sociales. Elle est une méta-notion éducative, une éducation transversale qui subsume tout le champ des « éducations à » (sexualité, alimentation, sécurité, développement durable, EMI, etc.). Elle doit de fait être investie par l’ensemble des professionnels, irriguer les enseignements comme les actions éducatives, et viser la responsabilisation des élèves, en regard de leurs pratiques quotidiennes. À ce titre, le service de vie scolaire ne peut faire l’économie d’une véritable réflexion sur l’aménagement des temps hors classe.
A. Penser les temps hors classe comme composante du bien-être
Il s’agit pour l’équipe de vie scolaire avec le concours du personnel de l’intendance de veiller à l’accessibilité, aux aménagements et à la maintenance des locaux. En effet, l’organisation des espaces pédagogiques favorise la combinaison des missions pédagogiques et éducatives. C’est en collaboration avec son équipe que le CPE doit recenser les besoins et les possibilités d’aménagements des locaux durant les temps hors classe. Une attention particulière doit être portée sur le partenariat avec le professeur documentaliste : aménagement du centre de documentation et d’information, accès et heure d’ouverture, coin lecture, accès à l’utilisation des TICE, responsabilité et autonomie des élèves dans ce lieu. Les assistants d’éducation veilleront tout particulièrement à l’aménagement des salles de travail et d’études sur les mêmes principes que celui du centre de documentation.
De même, le service de vie scolaire doit déterminer de manière collégiale les objectifs des espaces de détente et informer les élèves de leurs responsabilités et de l’exercice de leur autonomie dans l’organisation et la gestion de ces espaces (FSE, clubs, Association sportive…). Cet accompagnement à investir les espaces de détente est indispensable pour donner vie au collège et permettre à chacun d’investir les activités culturelles, sportives et autres qui lui sont proposées et qui lui offrent la possibilité de cultiver un talent et/ou de développer et d’acquérir de nouvelles compétences valorisant son estime de soi et sa confiance en soi. L’une comme l’autre, elles sont nécessaires au sentiment de bien-être perçu par les élèves.
Enfin, l’animation de ces espaces, par les assistants d’éducation, les enseignants ou les élèves eux-mêmes, est une réponse au sentiment d’ennui évoqué par les élèves dans l’enquête locale de climat scolaire (document 1). La vitalité de ces espaces sera un indicateur du sentiment d’appartenance au collège, un indicateur sur les effets des politiques éducatives et de l’implication du service de vie scolaire dans l’apprentissage de la responsabilité et de l’autonomie nécessaires à l’émancipation, mais aussi un véritable levier pour une socialisation épanouie et fédératrice de projets. Or, fédérer, c’est œuvrer pour le bien vivre ensemble et permettre une appréhension positive de l’altérité tout en sachant se mettre en jeu dans un collectif. Les modalités de participation des élèves (délégués, CVC) permettent d’agir sur ce plan et de libérer les initiatives pour impulser des actions mobilisatrices (collecte de fonds, braderie solidaire, tutorat entre élèves, etc.). Les différents ateliers, impulsés par les élèves et supervisés par les assistants d’éducation, possèdent une même vertu : ils soudent les élèves en communautés d’intérêts. Charge au conseiller principal d’éducation de veiller à ce que chaque atelier prépare une production destinée à l’ensemble de l’établissement afin de valoriser le groupe et susciter une envie d’y participer davantage.
B. Sécuriser les parcours scolaires
Le repérage des élèves en situation de mal-être est souvent effectué à partir de la propension de ces élèves à s’absenter ou à s’isoler. Les assistants d’éducation, possiblement référents de classe, veillent à un suivi vigilant des absences et doivent alerter au premier signe inquiétant. Il s’agit bien à la fois de responsabiliser les familles, mais aussi de trouver une prise en charge adéquate. Leur participation à la cellule de veille ou de GPDS (document 2) est un moyen pertinent pour permettre cet échange et cette prise en charge. En amont de ces dispositifs, il importe d’instituer une collaboration effective entre les enseignants, qui eux aussi peuvent percevoir un changement brutal d’attitude d’un élève face à ses apprentissages. Travailler en autonomie, notamment dans le cadre des devoirs, implique que tous les élèves aient acquis et compris non seulement les notions vues en classe, mais aussi les attentes des enseignants pour pouvoir les appliquer, les réinvestir dans les devoirs. L’opacité qui entoure parfois les devoirs est la première source de conflits qui touchent la relation entre l’enseignant et l’élève. Les conséquences entraînent alors une perte de confiance dans leur rapport, mais aussi chez l’élève, pouvant conduire à une baisse significative des résultats, voire un véritable mal-être. Le travail personnel des élèves ne peut donc se réduire aux devoirs à la maison, à moins de considérer que les élèves ne travaillent pas en classe ou dans l’établissement, et commence nécessairement dans la classe. La question de « l’aide au travail personnel de l’élève doit nous aider à (re)faire vraiment de la classe “un lieu où les élèves travaillent”… Sinon quelle dérision cela serait que de vouloir les aider à quelque chose que l’on n’a pas déjà engagé avec eux ! » (Meirieu, 2006). La notion de travail personnel de l’élève est donc bien plus large et peut être définie comme un ensemble de processus mobilisés de façon autonome et personnelle par l’élève pour s’approprier les objets d’enseignement (connaissances et compétences). Dans ce cadre d’appropriation des objets d’enseignement, le dispositif « Devoirs faits », dans lequel l’équipe de vie scolaire est impliquée, est un levier pour rassurer les élèves dans leur capacité à réussir, mais aussi pour démêler et surmonter certaines difficultés scolaires. Afin que ce dispositif « Devoirs faits » soit efficace, il importe de développer une véritable collaboration entre l’équipe animant le dispositif et l’équipe pédagogique repérant les difficultés. Les échanges, qu’ils soient formels ou informels, doivent identifier les besoins de chaque élève afin de permettre cette individualisation, lors de l’animation du dispositif. Ces échanges sont d’autant plus importants que le dispositif est obligatoire en classe de 6e, depuis la rentrée 2023.
En définitive, sécuriser les parcours scolaires c’est penser de manière collective la remédiation de la difficulté scolaire (source d’anxiété et d’estime de soi négative), mais aussi aider l’élève à élaborer son projet personnel et à se projeter positivement dans l’avenir ou encore proposer, à lui et à sa famille, des ressources extérieures pour lui venir en aide (accompagnement thérapeutique, mesure éducative, programme de réussite éducative…). Si la politique d’un établissement vise la réussite de tous les élèves, et en collège, l’acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, alors le projet de vie scolaire doit se pourvoir d’une véritable ambition : former des élèves capables de juger par eux-mêmes.
C. Favoriser l’expression de chaque élève
En reconnaissant les élèves pour l’ensemble de leurs qualités d’adolescents et non uniquement par leur destin scolaire, l’ensemble des acteurs de la communauté éducative contribue à leur épanouissement. Participer à l’épanouissement de chacun requiert de la part de l’équipe de vie scolaire une contribution aux éducations visant à la fois la construction progressive du projet personnel de l’élève, mais aussi la responsabilité de chacun face à ses comportements. Tout au long de leur scolarité, les élèves apprennent à connaître l’organisation, le fonctionnement et les possibilités du corps humain. Ils apprennent progressivement à être responsables d’eux-mêmes, de leurs mouvements et de leur santé et à prendre en charge leur sécurité. L’ensemble des personnels de l’établissement concourt à l’éducation à la santé et à la prévention des conduites à risques initiée par le CESCE. Ces éducations permettent aux élèves de découvrir, de comprendre et donc de se responsabiliser face à des choix à opérer, que cela soit pour leur orientation ou pour leur santé. Elles leur permettent aussi de s’intéresser à l’autre et à le considérer comme son semblable tout en respectant la diversité des options et des choix personnels de chacun. Ces principes universels (compétences 6 et 7 du socle commun) seront aussi le gage d’une meilleure insertion sociale. Afin de renforcer cette socialisation, il est impératif que l’équipe de vie scolaire participe à la responsabilisation. La priorité est bien d’engager les élèves dans la vie de l’établissement en étant à leur écoute, mais aussi en proposant des actions et des situations qui favorisent et stimulent les initiatives des élèves. La stimulation correspond au droit pour chaque élève de bénéficier d’une offre éducative qui lui permette de développer sa personnalité (code de l’éducation).
C’est pourquoi il est indispensable que l’équipe de vie scolaire investisse et nourrisse le temps scolaire par des clubs, des ateliers ponctuels, des événements, qu’ils soient sportifs, culturels, artistiques… Ces activités sont un véritable tremplin pour que l’élève se construise une représentation globale et cohérente du monde ainsi que de son environnement quotidien. En favorisant et développant les activités, l’équipe s’inscrit dans une démarche de promotion d’égalité des chances et contribue à la construction du goût et de la sensibilité. Ces actions permettent également aux élèves d’accéder aux différents moyens d’expression, toujours en vue de développer leur personnalité. Puisqu’elles sont des moyens d’externalisation des émotions et des idées, elles participent alors au bien-être des élèves, mais également à l’apprentissage de la citoyenneté.
Pour contribuer davantage à la formation du citoyen, en prenant en compte l’addiction des collégiens au téléphone portable et aux réseaux sociaux (document 1), une action relative à l’éducation aux médias visant le décryptage des images et des informations véhiculées sur les réseaux est à construire soit dans le cadre du CVC, soit dans le cadre de l’animation des permanences, soit dans le cadre d’un atelier. À titre d’exemple, le conseiller principal d’éducation peut impulser auprès de ses assistants d’éducation la mise en place d’un « café philo ». Ce temps de débat pourra réunir par groupes les élèves afin de discuter de l’actualité, d’échanger les opinions et les points de vue sur une grande diversité de thématiques. Ces ateliers philosophiques pourront être inscrits à la place des permanences régulières qui peuvent être incluses dans l’emploi du temps des élèves. Les initiatives développées, qui s’inscrivent dans l’apprentissage de la citoyenneté, s’appuient donc sur le dialogue pour éveiller l’esprit critique des élèves et former leur jugement. Se saisir des permanences régulières pour en faire un levier d’acquisition ou de renforcement de compétences est un autre moyen de contribuer à la politique éducative de l’établissement. Favoriser l’expression des élèves est aussi un moyen de contribuer au climat scolaire de l’établissement. En effet, écouter la parole des élèves, c’est non seulement contribuer à la valorisation de l’individu et favoriser son bien-être, mais aussi instaurer une véritable culture du bien-être au sein du collège. Parce que tous les espaces pédagogiques et éducatifs visent à développer l’esprit critique par la connaissance et l’altérité, alors la volonté de favoriser le bien-être de tous devient un objet commun professionnel.
La santé est un champ d’action transversal, qui engage l’ensemble de la communauté éducative, tant elle est liée à l’inscription des élèves dans leurs apprentissages. La capacité d’un élève à apprendre est tributaire de son rapport positif à lui-même, aux autres et à son environnement. Ce sont là trois dimensions qui composent son bien-être et qui lui permettent de se projeter positivement dans l’avenir – ce que demande en permanence l’École. Elle est liée à la formation du citoyen, capable d’agir dans la cité avec pour horizon le bien commun, la responsabilité individuelle et collective. Il est devenu courant, notamment en référence à Durkheim, de considérer l’École comme lieu de socialisation (c’est-à-dire comme lieu de transmission systématique et organisée de normes et de valeurs). Jacques Delors, président de la commission internationale sur l’éducation pour le 21e siècle à l’Unesco, a par ailleurs souligné la fonction d’« utopie nécessaire » de l’éducation institutionnalisée, son rôle de moteur du « développement humain » individuel et social, et la centralité du projet de l’« apprendre à vivre ensemble », conduit selon un principe de responsabilité.
En ce sens, l’éducation à la santé, au sens large, trouve toute sa place dans l’édifice de l’école républicaine. Il est à ce titre nécessaire pour l’ensemble de la communauté éducative d’admettre qu’un élève en situation de bien-être est un élève qui peut envisager une progression qui elle-même influencera sa trajectoire scolaire. À l’inverse, un élève qui ne perçoit plus de solution pour réussir selon les critères scolaires, qui ne se voit plus capable de répondre aux attentes et aux exigences de l’école, va perdre toute confiance en lui. Cet état peut alors éveiller chez lui, par le biais de ce que l’on appelle les mécanismes de défense, des comportements de révolte, de rejet de l’institution se manifestant par des actes d’incivilité, de l’absentéisme, des prises de risques pour lui et/ou les autres… ; un comportement qui se développe et s’ancre dans les faits et gestes de l’adolescent particulièrement si l’établissement n’a cessé de lui renvoyer une image négative. Certes, la période de l’adolescence est une période de transformations parfois vécues violemment, mais elle ne justifie pas toutes les déviances. Instaurer des conditions favorables aux apprentissages et à l’épanouissement est une condition du bien-être. Cette instauration ne peut faire l’économie d’une véritable prise en considération de la parole de l’expression de l’élève, mais aussi d’une véritable posture professionnelle favorisant non seulement l’intégration des règles (lui faire comprendre la nécessité plutôt que de proclamer son application), mais aussi la capacité à devenir autonome et responsable (lui permettre d’agir par l’animation des temps hors classe plutôt que de le contraindre à l’ennui [document 1]). Le véritable enjeu est bien d’asseoir un bien-être et un bien vivre au sein du collège, en soulignant que les possibles difficultés rencontrées sont non pas la marque d’un destin scolaire scellé, mais bien une opportunité pour progresser. « Le monde est assez cruel pour que l’école soit douce » (Dubet, 2013).
Sujet corrigé réalisé par Fabienne Durand, Conseillère principale d'éducation au lycée François Rabelais à Paris.