Parce que la période de l’adolescence se caractérise par le désir d’une autonomie grandissante, la perspective d’intégrer un internat dans lequel les temps hors classe sont très cadrés peut déclencher un véritable refus d’adhésion par le jeune. Plus qu’ailleurs, il convient donc de laisser une place aux dimensions qui sortent du domaine purement scolaire, tout en maintenant un cadre éducatif. C’est probablement ce qui fait de l’internat un lieu d’exercice très riche du métier de CPE, tant la vie scolaire y prend de sens et d’importance. Pour autant, si le contexte d’exercice est différent, les missions ne diffèrent pas. Dans l’introduction de la circulaire de missions des CPE de 2015, il est inscrit que : « les conseillers principaux d’éducation concourent à la mission première de l’École qui est d’instruire et d’éduquer afin de conduire l’ensemble des élèves à la réussite scolaire et à l’insertion professionnelle et sociale et de leur faire partager les valeurs de la République. L’ensemble des responsabilités exercées par le CPE se situe dans le cadre général de la « vie scolaire » qui peut se définir ainsi : placer les adolescents dans les meilleures conditions de vie individuelle et collective, de réussite scolaire et d’épanouissement personnel. » Il est entendu que ces responsabilités sont attendues en établissement comme en internat. L’internat du lycée Y, outre le déficit d’occupation, souffre d’une certaine vétusté, notamment en ce qui concerne le système de chauffage, à laquelle s’ajoute une équipe de vie scolaire dysfonctionnelle ne s’apercevant alors pas de la dégradation du climat scolaire (doc 1). La diversité du public et les contrastes en matière de trajectoires scolaires ont aussi contribué aux dysfonctionnements. En effet, les besoins et les conditions nécessaires pour effectuer le travail personnel ne sont pas comparables pour un étudiant en CPGE et un élève en pré-bac. Ces disparités ont aussi compliqué l’organisation du service des assistants d’éducation. Enfin, la sous-représentation des élèves/étudiantes filles ainsi que les moqueries auxquelles elles sont confrontées conduisent à un fort mal-être dans la population féminine : 46 % des filles expriment un mal-être marqué (doc 1). Ces différents indicateurs expliquent en partie le manque d’attractivité de l’internat et soulignent la nécessité de repenser les conditions d’accueil à l’internat. Dans le cadre du nouveau souffle donné à l’internat par la mise en œuvre de l’internat du xxie siècle, le CPE, responsable de l’animation et de l’organisation du service de vie scolaire, doit penser son projet de service en prenant en compte les spécificités du public accueilli sur des temps spécifiques. Il est de sa responsabilité de former tous les membres qui composent son équipe aux exigences éducatives et pédagogiques que requiert l’internat d’excellence. Celui-ci se distingue en tant qu’environnement éducatif visant à offrir des opportunités accrues de réussite scolaire et d’épanouissement personnel. Au cœur de ces internats se trouvent les assistants d’éducation (AED), dont le rôle est essentiel pour atteindre les objectifs de réussite éducative. Dès lors, comment impliquer l’ensemble des membres du service de vie scolaire dans le projet éducatif et pédagogique de l’internat ? Réfléchir à l’élaboration du projet d’internat pour l’égalité des chances et la réussite de tous les élèves, c’est d’abord former les AED aux spécificités d’un internat ; c’est aussi mettre en place un cadre bienveillant permettant à tous les élèves de s’épanouir et de développer la responsabilité de tous, fondée sur une coopération entre tous les acteurs concernés.
I. Connaître son cadre d’exercice
Suivre sa scolarité dans un internat, c’est avant tout « vivre et réussir ensemble », mais c’est aussi participer au projet éducatif de l’établissement, se construire au sein d’une vie scolaire de qualité et contribuer à la réussite d’une vie de l’établissement, source d’épanouissement pour tous. Pour garantir ces conditions de vie harmonieuse, l’équipe d’assistants d’éducation doit être en mesure d’articuler autour des temps de l’internat des dispositifs pédagogiques et/ou éducatifs pour favoriser la réussite des élèves. Pour ce faire, il est nécessaire d’appréhender dans un premier temps le contexte d’exercice.
A. Comprendre les spécificités de l’internat
Le premier volet de la formation des assistants d’éducation dans le projet « internat d’excellence » consiste à les sensibiliser au contexte spécifique dans lequel ils évoluent professionnellement. Selon les recherches de Smith et al. (2019), la compréhension des objectifs d’un programme éducatif est cruciale pour son succès et requiert en premier lieu une série d’activités formatives. Les journées de pré-rentrée peuvent se saisir d’un temps de formation pour expliciter les attentes et les enjeux professionnels liés à la fonction. Une focale sera notamment faite sur l’accompagnement et le suivi des élèves. Comme dans tous les établissements scolaires, le règlement intérieur de l’internat a pour objet de rassembler et de fixer l’ensemble des prescriptions que doivent respecter les membres d’un groupe. Il prend néanmoins à l’internat une nouvelle dimension, puisqu’il vient aussi réguler un cadre de vie personnel voire intime. Présents à tous ces moments de la journée, les
AED doivent s’assurer du bien-être de chacun. Par la remontée systématique de toute difficulté perceptible, qu’elle soit de santé, relationnelle, scolaire ou sociale, ou tout changement observé d’un élève, les assistants d’éducation contribuent au bien-vivre à l’internat. Cette prise en charge permanente constitue une responsabilité lourde pour les personnels d’éducation, d’autant que la distance donne une intensité particulière à certaines situations. Dans ce cadre, les perturbations provoquées par les problèmes de santé, les décisions d’orientation, les évaluations décevantes, ou même par les aléas sentimentaux, doivent trouver une place dans les préoccupations des assistants d’éducation. C’est pourquoi, lors des journées de formation de pré-rentrée, une attention toute particulière sera portée sur l’imbrication étroite entre préoccupation scolaire et épanouissement personnel. Ainsi, la formation sera centrée sur la manière d’envisager chaque instant de la vie quotidienne dans une perspective éducative. Il s’agira bien de souligner la participation pleine attendue en ce qui concerne la santé, l’hygiène, l’alimentation, mais aussi toutes les formalités à remplir dans le cadre des sorties par exemple. Il est indispensable qu’au terme de cette formation les
AED aient conscience que ces attendus ne sont pas des avatars de la scolarité mais bien de réelles dimensions de la vie de l’internat.
Enfin, l’internat du lycée Y souffre, au même titre que de nombreux établissements scolaires, d’incivilités (doc 10). Or, si l’ensemble du système scolaire peut déplorer une socialisation juvénile peu respectueuse de leur établissement (Thin et Millet,
Ruptures scolaires, 2012), l’internat demeure le lieu de socialisation par excellence. En effet, le respect d’autrui y devient une condition nécessaire à la conquête de sa propre liberté ou d’une place au sein du groupe des pairs. L’autre étant omniprésent, le souci de l’autre s’impose progressivement. La présence des assistants d’éducation permet de procéder au rappel des règles et à leur explication, mais aussi de dialoguer davantage. C’est ce dialogue constructif qui permet généralement de réconcilier les internes avec le scolaire ou tout du moins avec les adultes de l’établissement parce qu’il leur donne le sentiment d’une plus grande disponibilité des adultes et d’une meilleure attention portée à leurs soucis.
B. Assurer un suivi de qualité
Les objectifs poursuivis au sein de l’internat ne diffèrent pas des objectifs assignés au système éducatif. Ils sont centrés sur la réussite scolaire et le développement des ambitions personnelles et professionnelles et de l’esprit d’initiative, l’autonomie et la créativité. Ils visent pour chacun l’insertion sociale et professionnelle. Cependant, l’internat s’adresse à des élèves qui ne disposent pas, dans leur quotidien, de toutes les conditions nécessaires à leur épanouissement scolaire et personnel, qu’il s’agisse de conditions matérielles, éducatives ou d’environnement socioculturel. Autant de facteurs qui peuvent être à l’origine d’une moindre appétence scolaire voire être une source de décrochage scolaire. C’est pourquoi les AED doivent participer à la prévention de l’absentéisme et du décrochage scolaire. L’accueil permanent, à savoir 24 heures sur 24, des internes signifie que le service de vie scolaire est continuellement responsable des élèves par délégation parentale. Cette prise en charge permanente constitue donc une responsabilité lourde pour les personnels du service de vie scolaire. L’éloignement familial donne une intensité particulière à certaines situations, laissant libre cours à une imagination de la part des proches sur ce que peut vivre ou penser l’enfant éloigné du noyau familial. En effet, la scolarisation d’un enfant en internat peut être vécue comme un véritable bouleversement pour sa famille. Si les textes institutionnels incitent de plus en plus à nouer un dialogue plus riche avec les parents, c’est parce qu’une communication de qualité s’avère indispensable dès lors que la responsabilité déléguée est plus grande. Dans ce cadre, un autre temps de formation devra être consacré à l’accueil de la parole du parent parfois angoissé de voir son enfant partir loin. Cette angoisse est exacerbée par la peur de ne plus avoir de visibilité sur le parcours scolaire mais aussi sur le développement de son enfant. Dès lors, il appartient de faire comprendre aux AED que toutes les initiatives qui contribuent à la compréhension du fonctionnement de l’établissement, à la transparence des décisions, à l’instauration d’une relation de confiance avec l’équipe éducative sont donc les bienvenues (informations régulières, disponibilité téléphonique accrue, etc.). En effet, si l’internat est mal vécu par les parents, il sera encore plus difficilement admis par l’enfant.
Contribuer à un suivi de qualité exige de développer des collaborations avec les différentes équipes éducatives et pédagogiques qui composent la communauté éducative. Parce que les temps de l’internat ne peuvent être dissociés des temps scolaires, la coordination, notamment avec les enseignants, est cruciale pour garantir le bien-être et la réussite des élèves. Turner et Smith (2021) souligne l’impact significatif de la collaboration entre les personnels éducatifs et pédagogiques sur la réussite des élèves. Si le projet d’internat vise à créer un lien entre les activités pédagogiques dispensées en journée et celles dispensées à l’internat, alors il est nécessaire de développer les rencontres entre AED et équipe pédagogique, ou tout du moins le professeur principal. Cela permet d’outiller les assistants d’éducation dans l’accompagnement au travail personnel de tous les internes. Le contexte spécifique de l’internat du lycée Y renvoie à une véritable difficulté dans la mise en place de ce lien à établir avec les enseignants. En effet, l’internat accueille des élèves de cinq établissement différents et éloignés de l’internat. Les élèves du lycée professionnel sont assujettis aux navettes scolaires. La désignation d’assistants d’éducation comme référents de classes ou de niveaux est un élément de réponse à cette situation. En effet, dans le cadre de cette mission, les AED seraient alors chargés d’assurer le lien entre externat et internat. En leur permettant de participer aux conseils de classe des élèves dont ils ont la responsabilité, ils pourraient alors rencontrer et échanger au moins trois fois dans l’année avec les enseignants.
En définitive, ce qui alimente aussi la réussite du suivi des élèves c’est bien la capacité de l’équipe du service de vie scolaire à mettre en œuvre des dispositions de rencontres avec tous les partenaires de la communauté éducative. Ces conditions étant réunies, il reste à développer la capacité de chaque interne à trouver sa place au sein de cette vie collective imposée.
C. Participer à l’apprentissage de la vie collective
Actifs dans l’organisation de la vie quotidienne, présents pour l’encadrement du travail et acteurs de la régulation des relations entre les jeunes adolescents, les assistants d’éducation deviennent des garants de l’apprentissage de la vie collective. Dès lors, l’action des AED doit permettre à chaque interne de devenir autonome et responsable. Il importe que les internes apprennent à reconnaître l’éminence des valeurs partagées au sein de l’internat. Cet apprentissage est dispensé par les AED d’une part en donnant des modèles de comportement et d’autre part grâce aux animations éducatives qu’ils pourront entreprendre. Il est donc impératif que dans son projet d’internat, le CPE ouvre un volet sur l’aménagement des espaces de détente et qu’il identifie les compétences spécifiques de son équipe afin de les inclure dans cet apprentissage. En effet, associer des temps récréatifs aux temps pédagogiques permet non seulement de renforcer le sentiment d’appartenance à l’établissement mais aussi de favoriser l’apprentissage de la responsabilité et l’engagement des élèves au travers de la gestion de clubs qu’ils soient ludiques, artistiques, scientifiques. La participation régulière des internes à ces diverses activités développe la construction sociale de chaque participant. Cela permet aussi de s’assurer de la préservation d’un climat scolaire et social apaisé. Les protocoles et vade-mecum élaborés à l’internat du lycée Y sont également des outils qui permettent de dicter une conduite à tenir si un incident survient. Cela permet aussi d’harmoniser des pratiques rempart à l’émergence d’un sentiment d’injustice face à une possible différence de traitement. Pour compléter cette participation à l’apprentissage de la vie en collectivité, dans le cadre de formations d’initiative locale, deux actions pourraient être envisagées. D’une part, une formation aux gestes des premiers secours ; d’autre part, une formation à la gestion des conflits. Cette dernière est à destination des personnels éducatifs et vise à comprendre les mécanismes du conflit et à choisir la meilleure stratégie pour maintenir la relation avec l’interne. La formation aux gestes de premiers secours, quant à elle, pourrait être envisagée de manière commune avec des internes volontaires. Cela aurait pour effet de créer davantage de liens entre internes et encadrants mais aussi de multiplier les personnes ressources en cas d’accident à l’internat.
Par leur posture d’éducateur et grâce à la compréhension des spécificités de l’internat du lycée Y, les assistants d’éducation contribuent à la qualité de vie des internes. La loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de 2013 a introduit l’enseignement moral et civique du collège au lycée (EMC). « Cet enseignement doit transmettre un socle de valeurs communes : la dignité, la liberté, l’égalité, la solidarité, la laïcité, l’esprit de justice, le respect de la personne, l’égalité entre les femmes et les hommes, la tolérance et l’absence de toute forme de discrimination. Il doit développer le sens moral et l’esprit critique et permettre à l’élève d’apprendre à adopter un comportement réfléchi. Il prépare à l’exercice de la citoyenneté et sensibilise à la responsabilité individuelle et collective. » Les actions des assistants d’éducation en internat doivent permettre à l’élève de devenir autonome et responsable. Il importe que dans cet espace de socialisation juvénile, les élèves apprennent à reconnaître l’éminence de valeurs partagées. Selon la circulaire de 2015, le CPE est conduit à envisager des actions pour un « vivre-ensemble démocratique » au sein de la vie scolaire. Cependant, cette action ne peut pas se contenter d’occuper les élèves durant leurs temps libres et de respecter le calendrier des activités liées aux élections des délégués. L’action des assistants d’éducation doit se concevoir au service de la promotion de l’engagement des internes et de l’exercice de la citoyenneté.
II. Promouvoir l’engagement de tous les élèves
Fredricks, Blumenfeld et Paris (2004) présentent l’engagement scolaire sous trois grandes dimensions : une dimension affective ou émotionnelle, une dimension comportementale ou socio-relationnelle et une dimension cognitive. Ces trois dimensions à prendre en compte pour asseoir la réussite de tous doivent être promues par l’équipe d’assistants d’éducation. Il s’agit pour le CPE de les accompagner et de les former à la sécurisation des parcours et à l’animation éducative afin de développer la curiosité artistique, culturelle et sportive des internes. Ces deux domaines ne pourront pleinement se réaliser que si l’aménagement au sein de l’internat favorise cet engagement dans les activités qu’elles soient scolaires ou non.
A. Aménager les espaces à l’internat
Mieux l’élève se trouve dans son environnement, plus il est intéressé par ce qui lui est proposé. C’est pourquoi il est indispensable de penser les conditions matérielles de l’internat. Le diagnostic donné dans le corpus de documents souligne une organisation structurée autour de nécessités de surveillance. De l’aveu du chef d’établissement cette organisation est qualifiée de « militaire ». Or, une telle structure ne peut être réellement efficace au regard de la diversité du public scolaire accueilli. Alors que certains internes sont en présence continue, d’autres ont leur scolarité ponctuée de périodes de formations en entreprise. Si certains internes ont une charge de travail personnel très conséquente, d’autres en ont beaucoup moins.
Instaurer une réflexion avec l’ensemble de l’équipe autour de l’aménagement des espaces à disposition des internes, c’est permettre à l’équipe d’assistants d’éducation de prendre conscience de leurs besoins spécifiques. Cet aménagement des espaces traduit dans la grille de service doit prendre en considération une optimisation des apprentissages pour les internes en demande et développer les moments de convivialité en soirée, favorables à une socialisation réussie au sein de l’internat. Les ordinateurs et les nouvelles technologies auxquelles les
AED sont familiarisés sont aussi un levier pour assurer les conditions d’une rencontre entre internes. Ces technologies très variées permettront de développer la créativité des internes. Dans ce cadre, il est nécessaire que les
AED reçoivent une formation en deux temps. D’une part, une formation visant à accompagner les internes à l’appropriation des outils et des usages numériques de manière critique et créative. D’autre part, une formation visant à connaître les règlements en matière d’usages d’Internet. Dotés de ces compétences, ils sauront alors donner un cadre à l’utilisation des réseaux sociaux et il est à parier que l’expérience scolaire des jeunes filles, plus souvent victimes de violence et de cyberharcèlement que leurs homologues masculins, sera significativement améliorée (Catherine Blaya, 2012). Si l’aménagement des espaces constitue un atout pour le vivre-ensemble et l’engagement des internes dans leurs apprentissages, il ne suffit néanmoins pas à lui seul.
B. Sécuriser les parcours scolaires pour développer l’ambition
Plusieurs paramètres sont nécessaires pour faire de ce travail un réel atout de réussite. Incontestablement, cette réussite ne pourra avoir lieu que si le travail personnel s’inscrit dans un continuum pédagogique reliant les temps en classe aux temps hors classe, mais aussi les lieux (classe, espaces de l’établissement dédié au travail et internat). Il s’agit en effet de mettre en œuvre une boucle pédagogique alliant le travail fait en classe et le travail fait hors classe. Pour ce faire, il faut faciliter l’accès aux ressources documentaires du centre de documentation et d’informations et notamment aux ordinateurs qui offrent un auxiliaire didactique au service des apprentissages. Cet accès facilité offre un réel levier pour la réalisation de travaux qu’ils soient de recherche ou non. Cependant, sécuriser les parcours scolaires, c’est aussi offrir aux internes la possibilité d’un étayage dans leurs apprentissages. Lors des études du soir, l’aide ou l’étayage par l’assistant d’éducation peut permettre à l’interne de dépasser sa difficulté ponctuelle. Pour autant, tous les assistants d’éducation ne se destinent pas à l’enseignement, ils n’ont donc pas nécessairement de connaissances pédagogiques. Dans la volonté d’assurer un continuum entre le lycée et l’internat, il est donc souhaitable d’envisager certains temps d’études en binôme (enseignant-
AED). Cette collaboration aurait non seulement pour effet de former les
AED à l’accompagnement pédagogique mais aussi de montrer qu’aucun clivage n’existe entre les membres de l’équipe éducative et ceux de l’équipe pédagogique. Pour renforcer cette collaboration et ce continuum, il est indispensable de penser la mise en place d’activités pédagogiques en lien avec celles de la journée. À titre d’exemple, certaines soirées peuvent être l’occasion d’organiser des séances de débats au cinéma dans le cadre du thème « arts et culture ». Travailler sur l’éducation artistique et culturelle par l’organisation de soirées, c’est aussi viser une réelle égalité des chances. En effet, l’inégal accès à la culture en contexte rural ajouté à des contextes sociaux plus fragiles sont autant de facteurs qui creusent les inégalités scolaires. Développer l’éducation artistique et culturelle au sein de l’internat c’est permettre à chacun d’exprimer son ressenti face à une œuvre et c’est autoriser chacun à s’engager. C’est aussi développer l’éducation à la citoyenneté. Lors de ces débats animés, les élèves prennent conscience que tout point de vue peut être défendu par des arguments étayés. Enfin, il est indéniable que la vie citoyenne ne se limite pas à la connaissance et au respect de la loi. Elle suppose un engagement et la capacité à agir en commun. L’internat, en tant qu’institution inscrite entre la vie scolaire, la vie familiale et la vie sociale/politique doit devenir le théâtre des premières formes d’engagement chez les élèves. Cet investissement suppose une prise de position individuelle parfois difficile à soutenir devant ses pairs. Même sans parti-pris politique, la simple affirmation d’un goût peut être délicate pour un adolescent. David Lebreton dans l’ouvrage collectif
Cultures adolescentes, rappelle le poids du conformisme et du groupe pour les élèves. L’animation culturelle diversifiée est une véritable aubaine pour permettre à chacun de s’affirmer dans ses choix personnels puis dans ses choix scolaires.
C. Accentuer une éducation à l’orientation
Parce que les caractéristiques sociales ou personnelles influencent les trajectoires scolaires d’orientation des élèves et parce que justement l’établissement Y est composé d’un public fragilisé scolairement, il importe de travailler une éducation à l’orientation sur les temps de l’internat. En effet, l’enquête du CNESCO de 2016 sur les parcours scolaires et l’orientation des 16-25 ans souligne le poids de la famille dans les choix d’orientation. Dans un contexte d’inflation scolaire (Duru Bellat, 2015), les familles doivent développer des stratégies diverses pour apprendre à se repérer parmi la quantité d’éléments dédiés à l’information. L’internat du lycée Y est situé en milieu rural, ce qui implique un éloignement par rapport aux familles et une orientation non pas choisie mais calculée, parfois en fonction de la proximité des établissements et/ou en fonction des préjugés établis selon les filières. La composition genrée de l’internat est certainement due à l’offre de formation et aux stéréotypes accolés. Enfin, un grand nombre des élèves du lycée sont inscrits dans des filières pré-bac comme post baccalauréat qui, pour être sanctionnées par un diplôme, doivent comporter un certain nombre de périodes de formation en entreprise. La recherche des lieux de stage est souvent à l’initiative seule de l’élève/étudiant concerné. Chaque interne n’étant pas assuré de pouvoir bénéficier d’un réseau parental, il paraît opportun de former les AED à accompagner cette recherche. Inscrire ces actions du service de vie scolaire dans le cadre du « parcours avenir », c’est poursuivre l’ambition de faire lien entre ce qui se passe au lycée et ce qui se vit à l’internat. En organisant des soirées thématiques sur l’orientation, on permet aux internes d’affiner et/ou de conforter des choix d’études et des projets professionnels. En animant des ateliers de rédaction de lettre de motivation, les AED contribuent aussi à la réduction des inégalités sociales, véritable frein à l’ambition scolaire.
De manière générale, les missions des assistants d’éducation en internat ne diffèrent pas de celles en établissement scolaire. Pour autant, leurs actions revêtent une dimension particulière dans la mesure où elles seront déterminantes pour que l’internat soit considéré comme un vrai lieu de vie pédagogique, éducatif et convivial. Les établissements dotés d’un internat sont donc un terrain privilégié pour l’exercice de la fonction d’assistant d’éducation puisqu’ils permettent la mise en œuvre d’actions sur le long terme qui concernent tous les moments de la vie de l’adolescent. Pour autant, il serait très naïf de croire que l’action des assistants d’éducation, même formés, suffit à l’adhésion des élèves. En effet, certains adolescents peuvent rejeter totalement la vie en collectivité ou l’idée de séparation d’avec le noyau familial, et ils n’hésitent pas à sacrifier leur scolarité pour obtenir un retour chez eux. Il importe donc pour les acteurs de l’établissement, au premier rang duquel se trouve le CPE, de travailler en amont de l’inscription, ce qui suppose alors une relation de confiance avec les personnels des établissements « exportateurs ». qui sont, au moment du choix, mieux connus de l’élève et de la famille et, normalement, mieux écoutés. De plus le statut scolaire quasi permanent de l’élève ne doit pas faire oublier que certaines de ses difficultés ne relèvent pas seulement des compétences de l’Éducation nationale. Il faut donc pouvoir recréer, autour de l’internat, le maillage de travailleurs sociaux, de thérapeutes ou de représentants de la justice. Il existe autour des familles, dans les secteurs d’origine des élèves, mais s’avère souvent moins construit en milieu rural. Enfin, si la vie à l’internat est totalement séparée de la vie de l’établissement, l’implication même totale des assistants d’éducation au sein de l’internat ne suffira pas. En effet, ce qui se passe à l’internat ne peut être dissocié de ce qui se joue dans la classe. C’est pourquoi l’internat doit renforcer et diversifier les expériences scolaires et sociales pour participer à la construction de l’élève. Dans ce cadre, il est donc primordial de construire les collaborations professionnelles.