Corrigé
Introduction
Les suicides récents d'adolescents dont l'une des raisons est le harcèlement scolaire révèlent de façon dramatique les complexités auxquelles l'école fait face quant à l'usage ou au mésusage des réseaux sociaux. En effet, si le harcèlement peut débuter dans la cour de récréation ou en cours, il se poursuit dans la majorité des cas sur les réseaux et devient alors incontrôlable pour les enseignants, le personnel éducatif et les parents. Sur un autre plan, le développement récent de l'intelligence artificielle, notamment avec ChatGPT, peut nuire à l'intelligence humaine dans le sens où elle serait utilisée non pas comme source de connaissances mais comme moyen de se dérober à sa propre réflexion ou à ses propres efforts. Le confinement a également révélé une forme de fracture numérique, quant à la possession des outils eux-mêmes mais aussi quant aux capacités de chacun à les utiliser pour des besoins d'acquisition de connaissances.
La formation du citoyen du xxie siècle doit donc prendre acte des compétences et connaissances nécessaires à un usage raisonné, c'est-à-dire conscient et éthiquement ancré dans une transmission transversale dispensée au sein de l'école. Le xxie siècle est un siècle numérique dans le sens où toute notre économie et toute notre vie sociale et professionnelle sont articulées autour de techniques industrielles ou personnelles qui nous font être au monde. De la même manière qu'il est difficile de se passer d'électricité, il est difficile de se passer de technologies.
Les enfants se sont ainsi trouvés, outre la télévision, exposés aux écrans dans un laps de temps relativement court entre les années 1990 et 2010, moment où la technologie rend le téléphone portable indispensable. Ces outils fleurissent alors et deviennent aussi une manière pour les parents de communiquer avec leurs enfants lorsqu'ils sont absents. L'école fait alors face à de nouveaux problèmes comme celui de l'autorisation ou non du téléphone au sein de l'établissement. Se pose aussi la question de faire un réel usage éducatif et pédagogique de ces outils que l'espace publique ne régule pas puisqu'ils relèvent du domaine privé. Se produisent donc un certain nombre d'interférences entre ces deux domaines. Se pose alors la question d'un usage raisonné, qui fait acte de l'existence et de la diffusion des outils numériques et ne cherche pas à lutter contre cette diffusion mais à en faire des outils à proprement parler à côté d'autres outils tels les ouvrages scolaires par exemple. C'est cette place que l'école cherche à leur donner ou à leur redonner. Il s'agit bien de techniques de l'information et de la communication, ce sont donc des objets créés par des humains qui doivent avoir conscience qu'ils en sont bien les utilisateurs et que cette utilisation requiert un apprentissage et une éducation. Ces outils sont donc pris dans le réseau de nos connaissances actuelles et nous devons apprendre non pas à nous y soumettre mais à les soumettre à notre examen et à notre circonspection. Nous nous demanderons alors dans quelle mesure le système éducatif s'inscrit dans une démarche d'éducation aux outils de la communication et de l'information pour former des citoyens éclairés et responsables.
Dans une première partie nous nous interrogerons sur l'évolution des influences sociétales sur le système éducatif, puis nous étudierons les conséquences de l'émergence des outils de communication et d'information. Enfin, nous verrons quelle place peut prendre le système éducatif dans une éducation responsable à ces outils.
I. L'école éducatrice du citoyen éclairé et responsable
Les premiers éducateurs de l'enfant ne sont pas les enseignants mais les parents. C'est pour cette raison que l'école de la Troisième République s'est notamment construite contre la famille, parce qu'elle jugeait que ce qui en provenait n'était pas nécessairement propice à l'éducation des citoyens. Si bien qu'on a pu parler d'universalisme républicain. L'école républicaine s'est fondée sur la volonté politique d'instituer la nation. Comme l'explique Dominique Schnapper dans La Communauté des citoyens, Jules Ferry souhaite une école initiatrice de valeurs et pouvant offrir à la nation des citoyens libres de leurs actes et de leurs choix, dégagés des pressions politiques familiales. Cependant, cette école ne se préoccupe ni de la compensation des inégalités sociales sauf pour les plus méritants (ascenseur social, notamment pour ceux qui parviennent à entrer dans la fonction publique), ni du bien être des élèves en son sein. La discipline incarnée par l'instituteur, le professeur ou par le surveillant général au lycée n'est pas contestée et les activités récréatives sont rares. De plus, la mise en place de l'institution n'a été possible qu'au prix d'une lutte politique qui a consisté à abstraire les enfants de leurs particularités et à faire de l'école un lieu neutre et parfois austère. La plupart des enfants scolarisés sortaient à l'âge de 13 ans jusqu'en 1936 (loi Zay prolonge l'obligation scolaire jusqu'à 14 ans en 1936, puis la réforme Berthoin, en 1959, jusqu'à 16 ans). Cette situation reste stable jusque dans les années 1950. Société et école évoluent parallèlement et cette dernière remplit son rôle, qui est d'apprendre aux élèves à lire écrire et compter. Les formations techniques continuent à être transmises par un maître d'apprentissage, qu'il soit artisan ou ouvrier.
Pourtant et de façon concomitante, la science évolue. L'invention du téléphone à la fin du xxie siècle révolutionne le rapport des individus entre eux en ce qu'il réduit les distances, la voix devient un outil qui transcende l'espace. La radio et la télévision permettent de transcender également le temps, car les émissions peuvent être rediffusées. Durant la Seconde Guerre mondiale, elles servent également d'outils de propagande mais aussi de lutte entre ennemis par la diffusion de messages cachés. Ces technologies établissent deux ruptures importantes, d'une part elles ouvrent à l'espace et au temps un accès inédit, d'autre part elles nécessitent un apprentissage à double titre. Il faut des techniciens pour les concevoir et les améliorer ainsi que des ouvriers pour les produire mais il faut également que la masse apprenne à les utiliser pour pouvoir s'en emparer. Si bien qu'à compter du début du xxe siècle, les innovations ne cessent de progresser, notamment avec l'ordinateur et l'avènement d'Internet dans les années 1990.
La télévision et l'ordinateur pénètrent dans les familles mais aussi dans l'école. Les documentaires par exemple ou les films deviennent d'autres supports pour apprendre. L'école retire donc des bienfaits de ces outils. Elle change et crée au cours du xxe siècle l'enseignement technique : les collèges d'enseignement technique voient le jour dans les années 1950. En effet, les sciences évoluant, le besoin d'une main d'œuvre qualifiée se fait sentir. Il faut aller à l'école plus longtemps avec des enseignants formés à l'usage technique puis plus tard à l'usage de ce que l'on nomme les nouvelles technologies. Cette formation ne se limite plus actuellement à une formation technique mais elle requiert une formation éthique. L'objectif de Jules Ferry était en effet de donner à tous les petits Français une éducation morale et civique, et cela est toujours le cas. Mais les nouvelles technologies posent des problèmes éthiques, notamment liés à l'écologie, qui interpellent sur des questions qui n'avaient pas été envisagées au début de l'ère industrielle du xixe siècle. La transmission d'une morale ne se limite plus aux individus qui nous sont proches dans le temps et dans l'espace mais elle ouvre la question pour les générations futures, comme le montre Hans Jonas dans Le Principe responsabilité. L'usage de technologies, y compris celle de l'information et de la communication, a un impact environnemental important : chaque mail envoyé et chaque site web consulté contribuent au réchauffement climatique.
Transition :
Nous avons vu dans cette première partie que l'école avait dû s'adapter aux technologies de l'information et de la communication comme une forme d'intrusion du social au sein de l'éducatif. Si l'école a toujours pour objectif de former des citoyens éclairés comme cela était le cas avec Jules Ferry, elle ne peut ignorer que ce qui se passe en dehors a un impact entre ses murs. Un simple exemple le montrera. Dès lors qu'un téléphone portable sonne en cours, c'est ce cours lui-même qui est remis en cause, d'une part par le manque de respect que signifie l'intrusion d'une sonnerie mais aussi par la désorganisation que cette dernière implique. Il faut ainsi que l'élève remette son téléphone en place, que le professeur s'interrompe, que les élèves se concentrent à nouveau. Il nous faut alors étudier la façon dont ces techniques sont entrées peu à peu dans l'école et quelles conséquences cela implique.
II. L'école et la société numérique
Si l'institution scolaire doit proposer à la société des citoyens éclairés, il faut alors qu'elle s'interroge sur son rapport à la société. Alors que l'école de Jules Ferry était dite sanctuarisée, son évolution à partir des années 1960 doit prendre acte de l'évolution de la société. Cette prise en compte débute par la création des collèges d'enseignement technique (1959) qui adaptent les enseignements aux évolutions scientifiques, comme nous l'avons vu précédemment, mais cela ne suffit pas.
Premièrement, le rôle des familles évolue dès 1968 : elles font leur retour au sein de l'institution scolaire par la création du rôle de délégué de parents d'élèves. Ils siègent au sein des conseils d'administration et fédèrent les parents autour d'attentes envers l'école pour l'avenir de leurs enfants. Cette pression sociale se fait également sentir avec la révolte estudiantine qui ouvre la voie à un enseignement pour tous : il est alors acquis que les enfants doivent tous pouvoir obtenir une formation scientifique (au sens large) minimale. Dès 1975, la création du collège unique par la réforme Haby voit entrer au sein d'un collège unique toute une génération d'élèves à qui l'État espère offrir une insertion socio-professionnelle à la hauteur des enjeux techniques et technologiques. Pourtant, cette idée que l'école doit répondre aux besoins d'insertion professionnelle est relativement récente, elle date de la loi d'orientation de 1989. Les élèves qui entrent au collège unique se voient alors dispenser des cours de technologie qui leur permettent d'appréhender les techniques. Dans les années 1990, les établissements se procurent des machines et des ordinateurs afin de nourrir cet enseignement. Les élèves se confrontent alors à des écrans qui diffèrent de ceux auxquels ils étaient habitués. Contrairement à la télévision, l'outil informatique requiert des manipulations. En effet, avant de pouvoir réaliser une activité sur ordinateur à cette époque, il faut d'abord passer un long moment à entrer des programmes fastidieux. L'école se pare donc de ces nouveaux outils à des fins pédagogiques, l'ordinateur est un outil comme un autre pour faire des mathématiques ou du français, de même que la vidéo permet de regarder documentaires et autres films. De sorte que dès l'avènement de l'utilisation des ordinateurs par le public, l'école s'y adapte également et y voit un moyen d'en apprendre davantage sur le monde. L'interaction entre les nouvelles technologies et l'école se fait au rythme de ses évolutions et les élèves acquièrent des compétences informatiques et des compétences pratiques sur le fonctionnement de ces technologies. Leur rapport au monde n'est pas bouleversé mais suit une évolution.
Or, deux moments décisifs vont venir perturber ce fonctionnement. D'une part, l'apparition d'Internet à la fin des années 1990 ouvre, comme le téléphone auparavant, des perspectives de communications et d'informations inédites. On trouve tout type d'informations sur Internet et cela peut être un problème, nous y reviendront. Puis, dans les années 2000, apparaît un nouvel outil : le téléphone portable, dès ses débuts, change notre rapport au monde, on peut être joignable partout et tout le temps, y compris sur les bancs de l'école. L'outil fait alors intrusion de façon erratique, car rien ne réglemente son usage. Il peut déranger un cours. Si l'enseignant était décisionnaire quant à l'usage pédagogique de l'ordinateur en classe, la classe est envahie par les perturbations sonores et par la baisse d'attention au cours que provoque le téléphone portable : rater un appel ou un message devient insoutenable pour l'adolescent. Michel Serres montre ce changement de rapport au monde dans Petite Poucette. Petite Poucette se demande pourquoi apprendre dès lors qu'en quelques clics elle peut avoir accès à toutes les informations dont elle a besoin sans avoir à encombrer son cerveau avec des connaissances apprises par cœur. Internet révolutionne notre rapport à la connaissance et au monde et le téléphone portable fait de nous, comme le dit Michel Serres, de nouveaux humains dont les pouces opposables prennent une nouvelle fonction sur clavier ou sur écran tactile.
L'enseignement technologique ne suffit donc pas à donner du sens aux techniques de l'information et de la communication. En effet, dans la mesure où ces dernières sont utilisées dans tous les cours, l'apprentissage d'un savoir-faire technologique ne se suffit pas à lui-même. Connaître le fonctionnement d'un ordinateur ou savoir utiliser un logiciel n'impliquent pas de comprendre les conséquences de cet usage. En outre, la maîtrise des outils de la communication et de l'information requiert également d'apprendre à réagir aux images qui nous sont proposées. Il est problématique qu'un élève puisse à n'importe quel moment être exposé à de la violence physique ou psychologique. L'usage des plateformes de streaming expose les enfants à des contenus qui ne sont pas de leur âge. S'il est possible de mettre un contrôle parental, peu le font en dehors des consoles de jeux. Les compétences numériques ne se limitent pas à l'usage mais ouvrent à un usage raisonné. Depuis les accords de Lisbonne en 2000, ces compétences ne concernent pas uniquement les petits Français. Chaque pays européen doit prendre en charge une formation relative aux outils de la communication et de l'information. Le téléphone portable est en effet devenu non seulement un instrument de communication mais aussi l'outil d'agressions diverses. Lorsqu'on parle du numérique, ces problématiques sont les premières à venir à l'esprit. Pourtant les réseaux sociaux ne constituent pas, loin de là, notre unique usage du numérique. Le premier outil dont nous devrions analyser les usages est l'ordinateur. En effet, lorsque que les premiers ordinateurs connectés à Internet sont arrivés dans les établissements scolaires dans les années 1990, quelle joie ne fut pas celle des élèves, de pouvoir accéder par exemple à l'Encyclopédia Universalis pour alimenter leurs exposés. L'ordinateur est à la fois devenu un outil incontournable d'un nombre varié de métiers mais il est aussi devenu récréatif, avec la démocratisation des jeux vidéo et autres consoles. Des études montrent que la console peut permettre de développer certaines compétences propices à l'acquisition de savoirs. Comme l'explique Michel Serres, il ne faut pas condamner sans réflexion l'usage du numérique. Il faut au contraire en prendre acte et comprendre comment les intégrer pour le bénéfice des élèves. Lorsqu'on sait grâce au « baromètre du numérique 2021 » que la grande majorité de la population utilise chaque jour un outil numérique, enfants et adultes compris, que certains enfants passent plus de 4 heures par jour devant les écrans, l'école ne peut ignorer ces faits qui dans certains cas viennent perturber son fonctionnement et troubler les apprentissages, on ne peut se passer de faire un retour réflexif sur nos propres usages et la façon dont ces derniers ont une influence sur les enfants lorsqu'ils prennent le statut d'élèves.
Transition :
Les outils de la communication et de l'information se sont inscrits peu à peu dans les pratiques sociales et scolaires. Nous avons vu dans cette partie, que les années 2000 marquent un tournant dans l'usage et la maîtrise des technologies de l'information et de la communication avec l'avènement d'Internet et celui des smartphones. Il ne s'agit pas d'en rester à un regard critique au sujet de ces dernières même si ce recul peut s'avérer, à bien des égards, salvateur. Il faut que l'école prenne à bras le corps ces nouvelles problématiques pour pouvoir les inscrire dans les domaines du savoir, du savoir-faire et du savoir être. Le savoir être relativement à ces technologies est le point d'ancrage des politique éducatives actuelles.
III. Les enjeux de l'école du xxie siècle face aux technologies de l'information et de la communication
2020 apparaît comme une année charnière où l'institution scolaire autant que la société sont sommées de repenser leur fonctionnement mais aussi de repenser leur rapport aux outils de l'information et de la communication. Le confinement et le télétravail sont venus modifier profondément le mode de vie des élèves et de leur famille. Il paraît aujourd'hui difficile de se passer d'écran, tant les adolescents y semble attachés voir accrochés. Ainsi, l'utilisation des écrans a sensiblement augmenté depuis 2019, d'environ 20 %. On aurait pu penser qu'après le confinement, il y aurait eu un moindre usage, tant tous ont souffert de l'isolement dû à l'obligation de rester chez soi, mais en réalité le confinement a modifié nos pratiques et notre rapport au monde. Beaucoup d'adolescents qui pratiquaient des activités extra scolaires les ont abandonnées et beaucoup d'entre eux souffrent de troubles liés au contact avec autrui. Les écrans ont donc occasionné une forme de repli sur soi.
L'éducation nationale a aussi été confrontée à ses manques. Là où l'on pensait que l'usage du numérique relevait en partie d'un apprentissage effectué au sein des familles, les choses se sont révélées tout autres. D'abord, chaque foyer ne possède pas un ordinateur ou encore Internet. D'autre part, les usages personnels et individuels des adolescents ne coïncident pas avec les besoins pédagogiques. Utiliser Instagram ne signifie pas qu'on sait utiliser des logiciels aussi simples et aussi courant que Word. C'est pourquoi la formation de l'élève est aussi celle du citoyen, c'est-à-dire d'une personne responsable de ses actes.
La mise en place du programme PIX a ainsi pour objectif de rendre l'élève acteur de son usage du numérique en ce que les compétences requises s'élaborent tout au long de sa formation. Couplé à l'EMC, cette appréhension des supports numériques permet aux enseignants de développer une culture du numérique. Si cela s'appelle « culture » c'est parce que la maîtrise des outils de la communication et de l'information relève de savoirs, de savoirs faire et de savoirs être.
Dans la transmission des savoir être, le CPE a un rôle important à jouer, notamment au regard de l'animation éducative de l'établissement, en vertu de la circulaire de mission de 2015. Il accompagne donc l'élève dans la formation de sa culture numérique. En effet, le CPE peut s'inscrire en tant que pédagogue dans la politique éducative de l'établissement. Il peut notamment proposer aux élèves, enseignants et parents, en accord avec le chef d'établissement, des formations sur les techniques de l'information et de la communication. L'association e-enfance propose des interventions sur le cyberharcèlement qui peuvent être déclinée de plusieurs façons en fonction du public scolaire. Elle présente les dangers auxquels peuvent être exposés les enfants lorsque l'usage du numérique n'est pas maîtrisé et propose des pistes d'action et de réflexion. Il existe d'autres interventions possibles, notamment avec le programme phare étendu à toutes les écoles et tous les collèges à la rentrée 2024. Il s'agit de mettre en œuvre une politique bienveillante au sein de l'établissement afin d'amener les harceleurs à prendre conscience par eux-mêmes des conséquences que peuvent avoir leurs comportements vis-à-vis de leurs pairs. Cette procédure vise à la fois à redonner à la victime une place au sein de l'établissement mais aussi à parier sur l'intelligence des harceleurs. En permettant à ces derniers de remédier par eux-mêmes, sans les sanctionner, à leur comportement déviant, on parie sur l'effectivité de leur conscience morale. Par ce type d'action, on se projette alors dans l'univers de l'éthique car on tente d'éveiller chez les élèves la conscience que l'autre est avant tout un autre être humain comme on l'est soi-même. L'école en tant que lieu de socialisation tient donc son rôle politique qui consiste à former de futurs citoyens. Comme le dit Axel Jean, chef de bureau du soutien à l'innovation numérique et à la recherche appliquée dans un article paru dans le journal 20 minutes si la question du numérique et de l'intelligence artificielle ne sont pas « abordées à l'école, qui le fera ? ». Si l'école compte sur les familles pour l'éducation, elle est la seule à pouvoir transmettre des connaissances scientifiques qui permettent de naviguer entre l'information et la désinformation.
Plus encore, l'éducation au numérique permet aussi de lutter contre les inégalités sociales. En effet, si certaines familles sont à l'aise pour dialoguer avec leurs enfants sur ces sujets, d'autres le sont moins. En faisant des compétences numériques un outil transdisciplinaire, l'école ouvre à la compréhension globale de ce qu'elles sont : de réels outils qui soutiennent l'acquisition de connaissances mais qui ne délivre pas en eux-mêmes cette connaissance. Pour trouver réponse à une question sur Internet, encore faut-il savoir poser la bonne question.
C'est pourquoi la circulaire de rentrée 2023 insiste bien sur le fait qu'il faut coupler davantage EMI et EMC : appréhension de la citoyenneté et compétences à l'égard du numérique sont intimement liées et il faut en prendre acte. Éduquer et instruire un citoyen éclairé et responsable requièrent que l'on développe un esprit critique qui doit s'appliquer à tous les domaines de la connaissance. Avoir de l'esprit critique nécessite de comprendre ce qui dans les réseaux sociaux peut aussi permettre l'ouverture vers la culture et le monde extérieur. Ces outils existent et c'est un fait, il semble difficile de revenir en arrière désormais, il faut donc que les élèves développent les compétences utiles pour un usage raisonné. L'école ne peut pas se couper d'une réalité qui a une influence sur son mode de fonctionnement mais elle doit prendre le relais des familles dont l'éducation première doit être complétée par l'institution scolaire.
La politique éducative de l'établissement au travers du projet d'établissement, qui contient des volets éducatifs et pédagogiques, doit être construite autour de compétences et de savoirs qui rendront aux technologies de l'information et de la communication leur simple rôle d'outils, non pas de manière péjorative mais bien de manière éducative puisque qu'un citoyen éclairé est un citoyen capable de naviguer au travers des différents supports qui lui permettent de comprendre le monde.
Conclusion
Ainsi, la question de savoir comment éduquer le citoyen face aux nouveaux enjeux du numérique a-t-elle nécessité de comprendre pourquoi l'éducation citoyenne est le propre de l'école depuis sa fondation au xixe siècle. La maîtrise des techniques de l'information et de la communication permet donc à tout élève de s'inscrire dans sa vie de futur citoyen, dans sa dimension sociale et politique autant que professionnelle. L'école se fait donc un devoir de former des individus qui sont capables d'analyser autant de situations que possible. L'exposition précoce aux écrans et aux médias doit être relayée par l'adoption de comportements responsables liés à la fois à des compétences scientifiques et techniques mais aussi à la construction d'une éthique personnelle en accord avec les valeurs et les attendus de la République.