Le principe de laïcité
La
laïcité de l'enseignement public, affirmée par le préambule de la Constitution et par la Constitution elle-même, est une
norme à valeur constitutionnelle. Elle a récemment fait l'objet d'une codification
(13).
• La laïcité est une composante de la neutralité du service public. Elle constitue un des principes fondateurs de la République, mais la proclamation de ce principe n'a pas empêché les chefs d'établissements scolaires d'être confrontés à une montée des revendications communautaires ou religieuses dans les années 1985-1990 (port du voile, pratique du ramadan, contestation de certains enseignements).
Le juge administratif a posé des limites face aux revendications communautaires ou religieuses : lorsque les signes d'appartenance religieuse étaient « ostentatoires » ou lorsqu'ils créaient des « troubles à l'ordre public », leur interdiction était jugée légale. Ainsi les sanctions frappant les élèves contrevenant au règlement devaient être justifiées : prosélytisme, perturbations des enseignements, etc.
Le débat s'est par la suite encore renforcé et de nombreux incidents sont survenus, témoignant d'un prosélytisme croissant dans un contexte modifié par la montée des revendications identitaires et la médiatisation accentuée des conflits.
En 2003, l'Assemblée nationale a créé une mission d'information sur la question des signes religieux à l'école qui s'est prononcée pour
« l'interdiction de tout signe religieux ou politique dès lors qu'il était visible ». Après plusieurs mois de débats, « la
loi sur le voile »
du 15 mars 2004 a été adoptée. Désormais :
« Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit(14). »La circulaire d'application du 18 mai 2004 précise que « les signes et tenues qui sont interdits sont ceux dont le port conduit à se faire immédiatement reconnaître par son appartenance religieuse », en citant le voile islamique, la kippa, ou une « croix de dimension manifestement excessive ».
Le cas du port du voile En décembre 2008, deux jeunes Françaises, de confession musulmane, âgées de vingt et un et vingt-deux ans, qui contestaient l'exclusion définitive de leur établissement scolaire en 1999, ont été déboutées par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). En effet, elles se plaignaient d'avoir été exclues définitivement de leur établissement scolaire alors qu'elles étaient scolarisées en classe de sixième, au motif qu'elles avaient refusé de retirer leur foulard pendant les cours d'éducation physique et sportive. À la suite de leur exclusion, elles ont poursuivi leur scolarité par correspondance. Leurs recours devant les juridictions administratives françaises ont tous été rejetés. Devant la CEDH, elles invoquaient les articles 9 (droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion) et 2 du Protocole 1 (droit à l'instruction) de la CEDH. La Cour conclut à la non-violation de l'article 9, estimant que la sanction de l'exclusion définitive « n'apparaît pas disproportionnée ». Selon les juges, les convictions religieuses des jeunes filles ont été « pleinement prises en compte face aux impératifs de la protection des droits et libertés d'autrui et de l'ordre public ». La Cour a estimé qu'aucune question distincte ne se pose sous l'angle de l'article 2 du Protocole 1. |
• Il existe un large consensus pour considérer que les enseignants sont tenus à un devoir de stricte neutralité. Les choses sont très clairement établies :
« le fait pour un agent du service public d'enseignement public de manifester dans l'exercice de ses fonctions, ses croyances religieuses, notamment en portant un signe destiné à marquer son appartenance à une religion, constitue un manquement à ses obligations(15) ».Le respect des croyances des élèves et de leurs parents implique : l'absence d'instruction religieuse dans les programmes, la laïcité du personnel, l'interdiction du prosélytisme. La liberté religieuse a conduit à instituer une journée libre par semaine laissant du temps pour l'enseignement religieux en dehors de l'école.
Il est important de ne pas résumer le principe de laïcité à l'absence de revendication religieuse. Certes, si le principe de laïcité en matière religieuse est au fondement du système éducatif français depuis la fin du xixe siècle, l'enseignement public est laïque depuis les lois du 28 mars 1882 et du 30 octobre 1886. Ces lois instaurent l'obligation d'instruction et la laïcité des personnels et des programmes. L'importance de la laïcité dans les valeurs scolaires républicaines a été accentuée par la loi du 9 décembre 1905 instaurant la laïcité de l'État. Or, la laïcité est le principe d'une civilité commune qui doit permettre à chacun et à chaque groupe de trouver sa place dans une société qui reconnaît l'expression de la pluralité des convictions mais qui garantit aussi l'émancipation individuelle.