Outre les fautes de surveillance « classiques », il existe un certain nombre de cas où les accidents scolaires en éducation physique et sportive peuvent résulter, d'un défaut d'entretien ou de fonctionnement des installations sportives. Dans ces cas de figure, la responsabilité peut être partagée entre l'État et les collectivités locales, en l'occurrence ici les communes.
Accidents mettant en cause l'État et les collectivités locales
Chute d'une cage de hand-ball
Les faits
Le jeune G., élève de CM2 a été blessé à la suite de la chute d'une cage de hand-ball (fracture du nez). Il jouait à « chat perché » sous la direction d'un enseignant.
Les parents portent l'affaire devant le tribunal administratif sur la base d'un mauvais entretien de l'ouvrage public. En qui concerne l'État, ils ne le font pas sur la base d'un défaut de surveillance mais sur le fondement d'un mauvais fonctionnement du service public d'éducation.
Le tribunal administratif
La commune a la charge des écoles, elle est propriétaire des locaux et en assure la construction, l'équipement et le fonctionnement.
L'aménagement et l'entretien du gymnase, qui incombaient à la commune de M., incluaient nécessairement pour cette dernière d'assurer la sécurité des installations y compris en l'espèce, par des mesures de fixation adaptées pour des cages de hand-ball.
En ne démontrant pas avoir pris de telles mesures avant l'accident, la commune de M. n'apporte pas la preuve qui lui incombe, d'avoir normalement entretenu l'ouvrage public en cause.
Cependant l'État, qui avait bénéficié de la mise à disposition des installations du gymnase pour la réalisation d'activités sportives dans le cadre du service public d'enseignement, aurait dû veiller à organiser ces activités de manière à ne pas faire courir de danger aux élèves et éventuellement attirer l'attention de la commune sur la nécessité d'un entretien spécifique pour sécuriser la cage de but à l'origine de l'accident.
La ville de M. ne démontre pas qu'en se livrant au jeu du « chat perché », sous la direction d'un enseignant et en se suspendant à cette occasion à la cage de buts à l'origine de l'accident, le jeune G. ait commis une imprudence fautive de nature à exonérer ou à atténuer la responsabilité de la collectivité.
Ainsi le père de la victime est fondé à demander l'engagement de la responsabilité solidaire de l'État et de la commune.
L'État et la commune sont solidairement responsables du dommage.
Chute d'une cage de buts
Les faits
Pendant un cours d'éducation physique sur le terrain de sport communal, un élève de cours moyen seconde année se suspend à la barre transversale d'une cage de buts, qui de ce fait se renverse sur le jeune garçon (traumatisme crânien ; incapacité permanente partielle 45 %).
Le tribunal administratif
Les juges de première instance constatent que la cage de buts non fixée au sol, faisait partie d'une installation appartenant à la commune : la responsabilité de celle-ci est donc engagée.
Mais l'organisation des activités d'enseignement incombe à l'État, ce qui exigeait que les enseignants vérifient la sécurité des installations mises à leur disposition par la commune. En conséquence, il y a lieu de condamner l'État à garantir la commune du tiers des condamnations mises à sa charge.
Pour la cour d'appel, l'absence de fixation au sol de la cage constitue un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public. L'imprudence commise par l'enfant en se suspendant ne saurait décharger la commune de plus de 10 % de sa responsabilité.
La commune est donc reconnue responsable à 90 % des conséquences dommageables de l'accident.
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Accidents relevant de la loi du 5 avril 1937. (article L.911-4 du Code de l'éducation)
Jeu du béret
Les faits
Au cours d'un jeu du béret, organisé sur la plage pour que les élèves se réchauffent après une séance de canoë, un élève de cours moyen première année est blessé à l'œil par le coup de tête d'un autre élève.
Les parents reprochent à l'institutrice la dangerosité du jeu : les enfants se jettent les uns sur les autres à grande vitesse en choc frontal pour s'emparer du béret.
Le tribunal administratif
Le tribunal considère qu'aucune faute de surveillance ne peut être retenue contre l'institutrice. Le jeu organisé ne présentait aucun danger particulier et se déroulait sous la présence attentive de l'enseignante. Ce type de chute est toujours possible et, en l'absence de tout élément révélateur d'une quelconque négligence ou prise de risque, voire d'une agitation particulière des élèves, la responsabilité d'un tel accident ne peut incomber ni à l'État, (substitué à l'enseignante) ni à l'élève cause de la chute. Par ailleurs l'élève qui a poussé la victime n'a jamais manifesté d'agressivité.
La responsabilité de l'État substituée à celle de l'enseignante n'est pas retenue.
Parcours de motricité
Les faits
La jeune Émilie, élève de maternelle, a été victime d'un accident alors qu'elle évoluait sur un parcours de motricité installé par son instituteur : elle a sauté d'un banc à plat sur un mini-trampoline et a fait une chute (fracture du tibia).
Les parents reprochent à l'enseignant de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour éviter que l'accident ne se produise notamment la parade, dans la zone proche du trampoline ou en ne disposant pas suffisamment de tapis pouvant amortir la chute de l'enfant.
Le préfet substitué, à l'enseignant, fait valoir que les attestations qu'il verse aux débats témoignent d'une part, des précautions prises par ce dernier pour sécuriser le parcours de motricité et en particulier la présence de tapis de protection, et que d'autre part l'enseignant a immédiatement pris en charge l'enfant blessé.
Le tribunal administratif
La très jeune enfant a fait une chute en sautant d'un banc à plat sur un mini-trampoline. Le parcours de motricité avait été installé par son instituteur dans une salle prévue à cet effet. L'activité proposée possédait une valeur éducative indiscutée, elle comportait cependant un risque prévisible de chute des enfants en raison notamment d'une probabilité d'éjection lors du saut.
Il appartenait donc à l'enseignant de prendre les mesures propres à sécuriser le parcours, il se devait également de tenir compte de l'état physique des enfants et en l'occurrence de cette élève dont il avait souligné qu'il s'agissant à l'époque d'une enfant « peu tonique et qui commençait à développer sa motricité ».
Il est, en outre, constant que deux adultes surveillaient le passage des enfants. Mais il ressort plus précisément de la déclaration d'accident qu'au moment où la jeune enfant a chuté, l'enseignant se trouvait dans la zone de réception de l'escalier en mousse afin d'aider les enfants à sauter l'escalier. L'aide éducatrice présente sur les lieux, s'occupait plus particulièrement d'un élève handicapé.
Il résulte de tout cela que les deux personnes chargées de l'encadrement ne pouvaient porter une attention renforcée lorsque les élèves abordaient l'exercice du mini-trampoline.
En réalité s'agissant précisément de l'endroit où a eu lieu la chute, le plan annexé à la déclaration d'accident, indique l'absence de tapis de protection autour du trampoline.
Dès lors, si la proximité d'une personne qualifiée pouvant assurer la parade lors d'un saut sur un trampoline n'est pas obligatoire, elle constituait toutefois dans le cadre d'une activité scolaire, une prudence d'autant plus élémentaire. En l'espèce la zone située autour du trampoline n'était recouverte d'aucun tapis pouvant amortir les chocs éventuels. Cette réalité ne pouvait être ignorée de l'enseignant et devait le conduire à disposer quelqu'un auprès des enfants pendant la réalisation de ce saut de fin de parcours.
L'absence de sécurisation de la zone de réception située autour du trampoline, par la présence d'une personne où la mise en place de tapis de protection suffit à caractériser une imprudence de la part de l'enseignant en rapport direct avec la chute de l'enfant.
L'État substitué à l'enseignant est responsable de l'accident causé à la jeune enfant.
Commentaires
Nous avons ici évoqué des affaires où la responsabilité était partagée entre l'État et les communes. Au niveau théorique, la responsabilité administrative reste en règle générale conditionnée par une faute, la faute d'un fonctionnaire ou faute de service, ou une faute anonyme, ce que l'on appelle la mauvaise organisation ou le fonctionnement défectueux du service, ou encore l'acte administratif illégal.
Ces fautes administratives peuvent être très diverses et sont appréciées selon les difficultés de fonctionnement du service.
La jurisprudence administrative admet aussi une responsabilité sans faute, dite « pour risque », qui repose sur le constat d'un risque exceptionnel, d'un préjudice exceptionnel, d'une prérogative exceptionnelle. Cette responsabilité n'est reconnue que dans certains domaines limités, tels les dommages causés par les travaux publics. Or un dommage de travaux publics peut résulter non seulement de la construction, mais également de son entretien ou de son fonctionnement.
Lorsqu'il s'agit de dommages subis par un usager de l'ouvrage public, ces dommages doivent résulter :
- d'une faute ;
- d'un vice de construction ;
- d'un défaut d'entretien ou de fonctionnement de l'ouvrage.
De plus, c'est l'administration qui doit prouver qu'elle a entretenu normalement l'ouvrage
- en fonction des compétences qu'il a conservées après la décentralisation, la responsabilité du fonctionnement du service de l'enseignement public incombe toujours à l'État, notamment du fait de ses fonctionnaires, et en premier lieu au chef d'établissement (dispositions propres à assurer l'ordre et la sécurité) ; la responsabilité du maître d'ouvrage incombe directement d'une part à la collectivité de rattachement, d'autre part à l'établissement public.
- la collectivité de rattachement « assure la construction, la reconstruction, l'extension, les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement, c'est-à-dire l'ensemble du gros œuvre et des équipements structurants et leur maintenance, en résumé les obligations classiques du propriétaire de l'ouvrage public ».
L'établissement public « affectataire » du domaine public, est responsable en ce qui concerne l'entretien courant, ce qui entre habituellement dans les obligations du locataire. Il s'agit de l'entretien des matériels et des locaux, de la maintenance des équipements dits de « parachèvement » (huisseries, issues vitrées, etc.), ainsi que de la viabilisation, du chauffage et de l'éclairage financés sur son budget propre.
Les domaines de responsabilité respectifs de la collectivité de rattachement et de l'établissement public ne sont pas toujours aussi nets et délimités qu'on pourrait le souhaiter, s'agissant de la maintenance ou de la conformité de certains équipements.
Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS,
Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II.