Fiche n° 8 : gymnastique ; base-ball
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Cette fiche présente des situations où l'enseignant est mis en cause pour n'avoir pas été assez prudent dans la mise en place de l'activité sportive (deux premiers cas).
Exercice de lutte
Lors d'une séance de gymnastique dispensée par son institutrice, le jeune Rodolphe a été victime d'un accident corporel : il a perdu l'équilibre en tentant de renverser son adversaire dans un combat de lutte.
Les parents font valoir que l'institutrice a commis une faute d'imprudence et de négligence en faisant pratiquer à ses élèves une initiation à la lutte sans prendre la précaution de disposer des tapis au sol permettant d'amortir les chutes alors que la simple protection de la moquette de la salle était insuffisante.
Le préfet substitué à l'enseignante répond qu'aucune faute ne pouvait être retenue contre l'institutrice qui avait fait pratiquer ce sport dans des conditions suffisantes et conformément aux instructions du ministère de l'Éducation nationale.
Il est établi que l'enseignante a organisé dans le cadre de l'activité sportive scolaire une séance d'initiation à la lutte consistant à renverser l'adversaire sur le dos. Ce sport était pratiqué dans une salle comportant une moquette et des tapis de sols que l'enseignante n'a pas jugé utile d'installer. Le jeune garçon a perdu l'équilibre en tentant de retourner son adversaire et s'est blessé gravement aux dents en tombant la face la première contre le sol.
Il ressort d'une publication du ministère de l'Éducation nationale que l'initiation à la lutte est une activité adaptée aux enfants mais il est prévu que ce type de jeu soit être réservé aux enseignants disposant d'une salle spécialisée.
En l'espèce, la simple présence d'une moquette était insuffisante pour prévenir les conséquences des inévitables chutes que cette activité risque d'engendrer et que tout danger aurait pu être écarté par l'installation des tapis de sols dont l'institutrice disposait.
En conséquence en application de la loi du 5 avril 1937 une faute d'imprudence peut être reprochée à l'institutrice, engageant la responsabilité de l'État.
Chute à la poutre
Un enfant de maternelle moyenne section, participait aux activités physiques de la moyenne section de son école lorsqu'il est tombé d'une poutre et s'est grièvement blessé.
Ses parents invoquent la responsabilité de l'État en relevant une faute de surveillance. Le petit garçon qui marchait à 92 cm de hauteur devait sauter seul de la poutre. Ils soulignent les conséquences dramatiques de l'accident puisque le petit garçon souffre depuis d'une tétraplégie partielle.
Le préfet soutient que l'obligation de surveillance qui incombe aux enseignants est une obligation de moyens (et non de résultats) et qu'on ne trouve pas en l'espèce la preuve d'une faute de l'institutrice. Il soutient qu'elle avait ce jour là en charge 31 enfants, que le petit garçon avait déjà effectué cet exercice dépourvu de difficultés et de risques, et qu'elle surveillait à ce moment là un autre exercice plus difficile : la roulade. Le représentant de l'État souligne la diligence et l'efficacité de la réaction de l'institutrice envers l'enfant blessé et conclut au rejet total de la demande.
Les parents de l'enfant considèrent, quant à eux, que les deux exercices proposés aux enfants étaient au contraire risqués : l'enseignante n'auraient pas dû les faire pratiquer en même temps puisqu'elle ne pouvait pas être auprès des uns et des autres.
Il est constant que les enfants de la classe maternelle des « moyens » effectuaient un parcours d'éducation motrice comportant en circuit fermé divers exercices d'équilibre.
D'après les déclarations de l'institutrice, elle était occupée à aider les enfants à faire la roulade tandis que d'autres marchaient sur des poutres en bois larges de 40 cm de diverses hauteurs avant de sauter de la dernière, haute de 92 cm.
Il est par ailleurs établi que le jeune garçon a été retrouvé inanimé sur les tapis situés au bout des poutres mais les circonstances de sa chute n'ont pu être élucidées, l'enseignante ne l'ayant pas vu tomber. Elle explique qu'elle avait à organiser le parcours effectué par les enfants de la classe et elle a indiqué qu'elle se trouvait à l'endroit de la roulade, aidant les enfants dans cet exercice tandis que, un par un, d'autres montaient sur les poutres et sautaient.
S'il ne peut être reproché à l'institutrice d'avoir surveillé la roulade qui peut se révéler être un exercice dangereux, il était certainement imprudent de sa part de laisser les enfants évoluer sur les poutres et en sauter sans se tenir à proximité pour éviter une bousculade, une chute, ou assurer leur réception.
En faisant faire ces exercices simultanément, alors qu'elle était seule avec 31 enfants, l'enseignante ne pouvait manifestement pas faire face aux risques qu'ils présentaient et elle a commis une négligence fautive qui engage la responsabilité de l'État, substituée à la sienne.
© Myr MURATET / MAIF
Chute aux agrès
Dans une classe de maternelle une petite fille fait une chute du haut d'un portique. L'institutrice avait mis en œuvre deux activités différentes : un exercice aux agrès et un jeu de ballon. Elle avait donné la consigne parfaitement compréhensible et assimilable par les enfants de ne pas sauter du sommet du portique.
Lors de la chute elle était à côté du portique et elle a vu l'enfant chuter : la hauteur du portique n'étant que de 1 mètre, elle n'a eu ni le temps, ni et la capacité d'intercepter l'élève avant qu'elle ne tombe.
Le préfet soutient que l'institutrice était présente au moment où l'accident est survenu et qu'il n'est prouvé à son encontre ni faute ni négligence ni imprudence, l'activité en question étant autorisée et se déroulant sans bousculade avec la consigne expresse donnée aux enfants de ne pas sauter.
Les parents insistent sur le défaut de surveillance : ils expliquent que le défaut de conformité de l'appareil n'est invoqué que pour caractériser la dangerosité de l'exercice.
Par conséquent il est incontestable ici que la responsabilité de l'État est recherchée sur le fondement de la faute de surveillance ; or l'enseignante était à côté du portique et ne pouvait empêcher la chute de la petite fille, n'ayant pas le temps matériel d'intervenir. Il ne saurait non plus lui être fait grief d'avoir mis en œuvre deux activités différentes, soit un exercice aux agrès et un jeu de ballon, alors qu'au contraire la séparation de la classe en deux groupes est de nature à favoriser le calme et donc le bon déroulement de chacune des activités.
Dans ces circonstances, il y a lieu de juger que les parents de la victime n'ont pas caractérisé le comportement fautif de l'enseignante, dont à aucun moment, la compétence n'a été mise en cause, ni par manque de surveillance, ni par imprudence. Ils n'ont pas davantage fait la démonstration d'une faute de négligence en raison de l'absence de tapis amortissants.
La responsabilité de l'État substituée à celle de l'enseignant n'est pas retenue.
Base-ball
Au cours d'un jeu de base-ball dans lequel la batte et la balle étaient remplacées par une raquette et une balle de tennis, une jeune élève âgée de 9 ans et demi, a été blessée à l'œil par une balle lancée par elle à un camarade, qui lui a renvoyée.
Après avoir procédé à une enquête, les magistrats ont considéré que le jeune garçon qui lui avait renvoyé la balle n'était pas responsable des dommages causés et que l'instituteur qui dirigeait la séance n'avait pas commis de faute de surveillance : les groupes étaient organisés de manière équilibrée et des temps de récupération, de régulation étaient tout à fait conforme à ce qui se fait couramment dans ce type de séances. Par conséquent, les requêtes des parents de la jeune fille sont rejetées.
En appel, les parents de la jeune fille demandent à la cour de déclarer le jeune garçon entièrement responsable de l'accident et de le condamner solidairement avec sa compagnie d'assurance.
Ils soutiennent qu'il est le seul responsable de l'accident : il avait l'usage, le contrôle et la direction de la raquette et de la balle qu'il a lancée violemment. Il a d'autre part méconnu les règles du jeu, cette imprudence pouvant être retenue, même s'il n'a pas eu conscience du risque qu'il créait. Ils ajoutent qu'aucune faute ne peut être reprochée à la victime et que les parents de l'auteur du dommage sont responsables des actes de leurs fils.
Les parents de l'auteur du dommage font, eux, valoir que la matérialité même des faits n'est pas établie et qu'en tout état de cause l'usage commun de la balle par les différents joueurs ne permet pas au joueur blessé de fonder une action judiciaire contre ses partenaires de jeu. Ils affirment que la jeune fille était d'un âge suffisant pour se rendre compte que ce jeu présentait des risques plus élevés que la pratique du base-ball dans des conditions normales. Une action de jeu involontaire de la part des autres joueurs était possible et l'enseignant avait donné les consignes adéquates dans ce genre de situation.
Les juges d'appel vont ici considérer que l'usage commun ou la garde simultanée de l'instrument du dommage par les différents participants au jeu empêchait le joueur blessé de fonder son action en réparation contre un autre joueur. La jeune fille, douée d'un discernement suffisant, n'avait pas fait part à l'enseignant de sa crainte de prendre part au jeu et aucun élément du dossier ne permet de retenir à l'encontre du jeune garçon un comportement violent, déloyal ou simplement maladroit, excédant manifestement celui auquel elle pouvait s'attendre de la part d'un camarade de classe.
Ni l'enseignant, ni le joueur, ne voient leur responsabilité engagée.
Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS,
Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II.