Dans cette fiche seront abordés des cas classiques d'accidents ayant eu lieu pendant les cours d'éducation physique et sportive, mais aussi le cas un peu atypique d'un cours se déroulant dans la classe elle-même. Ce dernier incident a posé des problèmes de sécurité qui ne pouvaient conduire qu'à la mise en cause de la responsabilité de l'État substitué à l'institutrice. À ce titre ce cas est exemplaire.
Portique
Une élève de la grande section de maternelle tombe du portique d'une hauteur d'un mètre (fracture du fémur droit).
Les juges de première instance constatent que l'institutrice avait donné la consigne parfaitement claire et assimilable par des élèves de cet âge, de ne pas sauter du portique, qu'elle était à côté du portique et elle a vu la chute se produire : après avoir mis en œuvre, pour que la séparation de la classe favorise le calme et le bon déroulement des activités, deux activités différentes (l'activité au portique et le jeu de ballon) ne saurait donc lui être reproché.
L'absence de tapis de sol ne constitue pas une faute de négligence, dès lors que la blessure paraît être la conséquence de la position des membres plutôt que de la consistance du sol.
Il n'y a donc pas de comportement fautif, et la responsabilité de l'État substituée à celle de l'institutrice n'est pas retenue.
Cross des écoles
Un cross des écoles pour les classes de CM1 est organisé par les conseillers pédagogiques de circonscription. Un des élèves, en participant à cette manifestation, a fait une chute et a été heurté après celle-ci, par d'autres élèves (fracture de deux dents).
La manifestation sportive avait été organisée par les conseillers pédagogiques de circonscription et encadrée par les instituteurs assistés d'étudiants de l'IUFM.
La mère de l'enfant fonde sa demande sur les dispositions combinées de l'article 2 de la loi de 1937 et de l'article 1384-8 du Code civil.
© Isabelle NEAUD-GABORIT / MAIF
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En première instance
Sur la responsabilité des enseignants :
S'agissant du défaut de surveillance à proprement parler, il est difficile de considérer que la chute d'un participant à un cross est une faute révélatrice d'un défaut de surveillance mais il apparaît que les organisateurs n'ont pas été en mesure de fournir les identités de ceux qui avaient heurté le jeune garçon. La responsabilité de l'État substituée à celle de l'enseignant est retenue.
En appel
M. le préfet de l'Essonne interjette appel de ce jugement.
Sur la responsabilité des enseignants : il sera souligné par les juges que l'accident est survenu à 200 mètres environ du départ et qu'il apparaît que les organisateurs et le personnel d'encadrement n'ont pas su appréhender l'importance des difficultés pouvant se présenter et assurer les meilleures conditions de sécurité compte tenu de la configuration du parcours. La responsabilité de l'État substituée à celle des enseignants est maintenue.
La chute de l'élève participant au cross des écoles survenue peu après le départ dans une pente montre la mauvaise appréhension de l'importance des difficultés par les personnels d'encadrement.
Cette appréciation erronée de la configuration exacte du circuit ne permettait pas d'assurer les meilleures conditions de sécurité compte tenu de la configuration du parcours.
Pour retenir la faute des professeurs, les juges relèvent le défaut de sollicitation d'accord parental à la participation des enfants à la manifestation.
Cette carence met les organisateurs dans l'impossibilité de fournir l'identité de ceux des élèves ayant heurté la victime. Elle constitue une faute.
Exercice de motricité
En 2003, le jeune Lucas a chuté lors d'un exercice de motricité organisé lors d'un cours de gymnastique se déroulant en classe. Les enfants avaient reçu instruction de se déplacer sur deux tables contiguës à proximité desquelles se tenaient une institutrice et une ATSEM. Le jeune garçon est tombé et il en est résulté un traumatisme crânien avec hématome extra-dural ayant requis intervention chirurgicale.
L'âge de la victime, 4 ans, et le fait qu'elle était juchée sur une table de 74 cm de hauteur rendaient prévisible l'imperfection de sa démarche et de son équilibre.
Le bas âge de l'enfant rendait également inévitable la discontinuité de sa concentration et sa distraction. Il n'est d'ailleurs pas anodin de relever que l'exercice était intitulé « prise de risque ».
Compte tenu de ces risques et du fait que l'exercice se déroulait dans la classe et non pas au sein d'une salle de sport, alors même qu'il s'agissait d'un cours de gymnastique, il était nécessaire :
- soit de disposer un équipement de nature à amortir les chutes tout autour de la surface d'exercice,
- soit qu'un adulte accompagne chaque enfant de suffisamment près de façon à la réceptionner dans les bras en cas de chute.
En choisissant d'organiser un tel exercice avec de si jeunes enfants tout en renonçant à la mise en œuvre de mesures de sécurité élémentaires, l'institutrice a commis une faute.
Sur l'indemnisation : le défendeur observe à juste titre que la responsabilité des enseignants est soumise à un régime juridique spécial et protecteur eu égard aux importantes responsabilités qui pèsent sur ce corps d'État. Néanmoins ni l'article 1384 du Code civil, ni la loi du 5 1937 n'excluent du champ de l'indemnisation le préjudice des père et mère d'un enfant ayant subi des dommages corporels, pourvu que celui-ci et le lien de causalité soient établis.
En l'espèce c'est par ses propres moyens et seule, que la mère a transporté son fils à l'hôpital de la ville qui l'a dirigée sur un autre établissement hospitalier. C'est en urgence que leur fils a subi une intervention neurochirurgicale. À ce choc émotionnel s'est ajoutée la nécessaire inquiétude des parents d'un très jeune enfant durant huit jours d'hospitalisation (dont deux en soins intensifs) et plusieurs mois au cours desquels leur enfant devait recevoir des soins à domicile. Il mobilisait l'attention des parents d'autant plus intensément compte tenu de son jeune âge. Ces soucis lourds et persistants ont nécessairement généré un stress important pour des parents, qui au demeurant exercent des responsabilités professionnelles.
Quels que soient les cas abordés, il s'agit toujours ici d'aider les enseignants à conduire eux-mêmes l'analyse préalable qui leur permettra de bien discerner les dispositifs de prévention à mettre en œuvre et en cas d'accident de savoir (se) poser les questions permettant d'éviter le renouvellement de telles circonstances. Il ne s'agit pas de prétendre présenter toutes les connaissances nécessaires mais de découvrir progressivement les méthodes à mettre en œuvre pour acquérir d'utiles réflexes.
Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS,
Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II.