Les sorties scolaires constituent un cadre structuré et structurant pour mieux aborder la connaissance de milieux spécifiques. En effet l'approche directe d'un environnement, l'étonnement et suscités sont autant d'occasions d'apprendre, de communiquer et de vivre en groupe.
Dans tous les cas, le développement de l'autonomie, de la responsabilité, du respect de l'autre et de ses activités, des règles collectives mais aussi l'acquisition de méthodes de travail (observation, prises de notes, analyse) constituent des objectifs prioritaires pour les enseignants.
Les documents d'application, d'accompagnement de ces sorties sont des outils utiles et incontournables pour développer la curiosité des élèves.
Le cas analysé ici met en exergue l'importance de la qualité de la surveillance, de la préparation de la sortie, du rôle déterminant de l'enseignant enfin de la répartition exacte des rôles de chacun des intervenants lors de ces moments en dehors de l'établissement.
Sortie : visite d'une station d'épuration des eaux
Les faits
Lors de la visite d'une station d'épuration des eaux, un jeune élève de CE2 a eu les doigts de main gauche écrasés alors qu'il s'était appuyé sur un muret d'un bac épaississeur de boue.
Le tribunal
En application de l'article 2 de la loi du 2 avril 1937
(1) et de l'article 1384-8 du Code civil, la responsabilité de l'État substituée à celle de l'enseignant ne peut être retenue, qu'à charge pour la victime d'établir que l'enseignant a, pendant que les enfants étaient avec lui, commis une faute de surveillance, c'est-à-dire manqué à une obligation de prudence et de vigilance.
Pour apprécier l'existence d'une éventuelle faute il convient de tenir compte de la nature de l'activité au cours de laquelle est intervenu l'accident, des précautions prises dans l'encadrement des enfants en fonction des dangers potentiels et du caractère prévisible ou non de l'accident.
La circulaire du ministère de l'Éducation nationale
(2), relative à l'organisation des sorties scolaires, prévoit que la responsabilité générale de celle-ci incombe à l'enseignant titulaire de la classe, qui doit diviser celle-ci en groupes.
S'il n'a pas à assurer le contrôle du déroulement de la visite, il doit préalablement définir l'organisation générale de celle-ci et veiller à ce que les intervenants respectent les dispositions prévues, particulièrement les conditions dans lesquelles évoluent les élèves.
Il apparaît que les consignes de sécurité relatives à la visite du site avaient été exposées au début du parcours par le responsable de « l'Office central de la coopération à l'école » du Loiret, à l'origine du projet de cette sortie scolaire. Or il résulte des procès verbaux établis par la gendarmerie, que l'élève n'a jamais été clairement affecté, tant dans l'esprit des adultes concernés, (chauffeur du car auquel l'instituteur prétend avoir confié l'élève en question et deux de ses camarades, et parent d'élève accompagnateur) que dans l'esprit même de l'enfant âgé de neuf ans à une personne référente chargée de veiller à sa sécurité, au bon déroulement de la visite et au respect par cet enfant des consignes de sécurité.
L'enseignant a décidé de confier certains élèves à la surveillance d'un adulte supplémentaire, en l'occurrence le chauffeur du car, lequel n'était pas initialement prévu dans les accompagnateurs par l'autorisation de sortie scolaire.
Celle-ci ne faisait référence qu'à l'instituteur et à un seul adulte en plus, soit, selon la circulaire, deux adultes pour 21 élèves.
Il appartenait par conséquent à l'enseignant de procéder de façon claire à l'affectation des élèves auprès d'un adulte conscient de sa responsabilité et à même d'effectuer une surveillance efficace et effective des enfants qui lui étaient confiés.
Ce n'était à l'évidence pas le cas du chauffeur, qui s'était joint à la visite de la station d'épuration des eaux par simple curiosité personnelle, et qui avait pris en charge des enfants qui ne suivaient aucun groupe, en particulier l'élève qui s'est blessé.
En outre, il résulte des circonstances même de l'accident, que ni l'enseignant, ni l'autre adulte, ne se sont montrés surpris de l'endroit où était l'enfant. Ils n'avaient pas remarqué son absence du groupe, occupés à remplir un questionnaire.
Enfin, selon plusieurs témoignages et en particulier celui de l'accompagnateur, non enseignant, il apparaît que le jeune garçon s'était montré, au cours de la journée et à plusieurs reprises, turbulent et indiscipliné.
Cet adulte ajoutait, qu'avant même le départ de l'école, l'élève s'était vu menacé, s'il ne se calmait pas, d'être privé de sortie, et qu'il avait été nécessaire d'intervenir auprès de lui dans le car.
En effet l'enseignant a déclaré lors de son audition qu'il avait dû sermonner à plusieurs reprises ce jeune garçon qu'il avait surpris assis sur le muret d'un bac de boue, c'est-à-dire dans des conditions proches de celles dans lesquelles l'accident est survenu peu de temps après.
Cet incident révèle l'indiscipline et la violation manifeste des consignes de sécurité exigées par la configuration du site, par certains élèves.
Cela aurait du donner lieu à une intervention de l'instituteur, à même de faire cesser à tout moment la visite, ou à défaut la participation de certains, dont faisait partie l'élève qui s'est blessé.
Ainsi :
- en ne procédant pas à une répartition claire de sa classe auprès d'un adulte accompagnateur identifié, conscient de sa mission de surveillance durant la visite du site, à même d'intervenir pour faire respecter les règles de sécurité,
- en ne vérifiant pas l'effectivité du respect des consignes par ses élèves dont il lui appartenait de surveiller l'évolution,
- en n'intervenant pas auprès de l'élève indiscipliné qui s'était fait remarquer à plusieurs reprises le jour des faits,
l'enseignant a incontestablement commis une faute de surveillance, cause génératrice du dommage subi par son élève.
L'État, substitué à l'enseignant, est responsable des conséquences dommageables de cet accident.
Commentaires et rappels sur la notion de « sortie scolaire » :
Rappel des textes :
Circulaire n°99-136 du 21 septembre 1999, modifiée le 31 mai 2000, et circulaire n°2005-001 du 5 janvier 2005 relative aux séjours scolaires courts et classes de découvertes dans le premier degré.
Les sorties scolaires sont soumises à toutes formes d'inquiétudes (en particulier celles qui impliquent des déplacements de plusieurs jours).
Tout a basculé à la suite de l'accident du Drac en décembre 1995 et de l'avalanche des Orres en 1998, qui vont confronter les enseignants à la lourde question de leur responsabilité pénale dans l'organisation des activités et dans la surveillance des enfants qui leur sont confiés.
En fait toutes les occasions de quitter l'enceinte scolaire pour des besoins d'enseignement ont été regroupées sous la terminologie de « sorties scolaires ».
Or on peut définir celles-ci comme des séquences pédagogiques destinées à la mise en œuvre des programmes scolaires mais se déroulant en dehors de l'école et nécessitant un déplacement des élèves sous la surveillance et la responsabilité de l'enseignant.
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La réglementation
(3) mise en place distingue :
- les sorties régulières inscrites à l'emploi du temps et nécessitant un déplacement en dehors de l'école ; elles sont autorisées par le directeur d'école,
- les sorties occasionnelles sans nuitées, qui correspondent à des activités d'enseignement sous des formes différentes et dans des lieux divers offrant des ressources naturelles, culturelles, même organisées sur plusieurs jours consécutifs sans hébergement : elles sont autorisées par le directeur d'école.
- les sorties occasionnelles avec nuitées : elles regroupent les voyages collectifs, les classes de découvertes, les classes culturelles ; elles sont autorisées par l'inspecteur d'académie.
Enfin, il est ici utile de rappeler qu'il existe des règles pratiques
(4) concernant les sorties, que celles-ci soient obligatoires ou facultatives.
Le respect de celles-ci, la préparation, l'organisation précise de la sortie par les enseignants, évite, la plupart des incidents ou des accidents, tout en restant conscient que le risque zéro n'existe pas.
En outre, une fois toutes les précautions prises, aucun magistrat ne peut raisonnablement condamner un enseignant se conduisant « en bon père de famille ». Il est donc préférable de réfléchir préalablement au comportement à tenir lors de ces sorties, que de croire que l'inaction est la meilleure des préventions.
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Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS,
Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II.