Cas n° 1 : coup de pied
Dans la nuit du 14 au 15 janvier, soit 24 heures après avoir reçu un coup de pied au niveau du cou alors qu'il était accroupi et jouait, le jeune garçon est pris de violents maux de tête et de malaises qui conduisent ses parents à le faire hospitaliser. À l'issue de cet examen une oblitération de l'artère carotide droite est détectée et une dissection est mise en évidence : elles entraînaient une hémiplégie.
Les parents de la victime assignent le préfet du département afin que la responsabilité de l'État soit retenue en raison d'un défaut de surveillance. Ils affirment que le coup de pied porté dans la cour de l'école lors de la récréation qui est à l'origine du dommage, est dû à une faute de surveillance de l'institutrice. Ils relèvent que celle-ci placée près de la porte d'accès de l'établissement et non au milieu de la cour à proximité des enfants, n'a pu avoir un rôle dissuasif alors que parmi eux un élève avait déjà été signalé comme étant particulièrement violent. De plus, les parents estiment qu'en n'informant pas les parents de l'incident à la sortie des classes, l'enseignant a commis une faute faisant perdre à l'enfant une chance de guérison.
L'État français représenté par le préfet du département demande le rejet des prétentions adverses, aucune faute d'encadrement, de négligence, de surveillance ne pouvant être reprochée à l'institutrice. En outre, les preuves formelles que les lésions soient dues à un coup de pied donné par un autre élève et encore moins que cet accident soit arrivé à l'école ne sont pas apportées. D'autre part si le fait dommageable réside dans le coup de pied, l'obligation de surveillance est une obligation de moyen et non de résultats et il ne saurait être reproché à l'enseignante, un accident qui n'aurait pu être empêché que par une personne placée prés de l'enfant et ayant le regard dirigé vers lui. Enfin rien ne laissait présager que l'enfant qui a donné le coup de pied serait agressif ce jour là.
La décision du tribunal
Les parents de la victime soutiennent que l'événement à l'origine de l'état de santé de leur enfant est un coup de pied porté au niveau du cou par un autre enfant alors qu'il était accroupi entrain de jouer dans la cour de récréation.
Ils versent à l'appui de leurs déclarations l'attestation d'un camarade qui déclare : « on jouait tous les deux vers un arbre qui était à côté de la petite cour. A. est arrivé et lui a donné un coup de pied derrière dans le cou. J'ai entendu pleurer A. Il m'a dit que cela lui faisait très mal. Il n'a pas voulu se plaindre à l'institutrice qui se trouvait vers la porte pour ouvrir aux grands ». Ils ajoutent à cela la déclaration d'accident du directeur de l'école qui relate un contact violent avec un autre élève dans la cour de l'école.
Il résulte des rapports d'expertise produits par les médecins que le jeune garçon a été victime d'une dissection de l'artère vertébrale droite ; ils indiquent que : « s'il est médicalement impossible d'affirmer l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre le traumatisme et l'état pathologique de A., il est clair que c'est depuis le coup de pied que cet enfant a présenté toutes les manifestations habituelles d'une dissection de l'artère vertébrale droite… Et si nous ne pouvons affirmer un lien de causalité direct et certain nous sommes en droit de dire qu'il existe une très forte probabilité ». Un autre rapport médical atteste du lien direct entre le traumatisme, le coup de pied violent, et la dissection constatée.
En outre l'emploi du temps du jeune garçon dans les heures qui ont suivi le coup de pied ne permet pas de relever un autre événement accidentel.
En conséquence seul le coup de pied porté est à l'origine des lésions. Or, il a été porté alors que la victime se trouvait dans l'établissement scolaire et pendant le temps où les élèves étaient sous la responsabilité des enseignants ; le temps de cantine étant terminé les enfants jouaient dans la cour.
Le préfet conteste l'existence d'une faute de surveillance qu'aurait commise l'institutrice en charge de la cour de récréation au moment des faits en soutenant qu'elle ne pouvait empêcher le coup porté par l'enfant compte tenu de la soudaineté de l'agression, l'accident ne pouvant être évité que par une personne proche. Or il n'a pas été contesté que l'enseignante ne se trouvait pas au milieu de la cour de récréation, comme elle l'affirme mais vers la porte de l'établissement. Elle n'a pas vu le geste violent de l'autre enfant et ne s'est pas inquiétée des pleurs de l'enfant.
Compte tenu de l'âge des enfants (classe de CE2), l'enseignante devait assurer une présence effective et permanente dans la cour de manière à voir non seulement les mouvements des enfants mais aussi de manière à être vue par eux, la présence d'un adulte les dissuadant de se livrer à des gestes agressifs. De plus, un enfant avait été déjà remarqué pour sa grande agressivité en particulier lors des récréations, ces faits étant rapportés par les parents d'élèves et le personnel de l'école.
Compte tenu de tous ces éléments il appartenait à l'enseignante de prendre toutes les précautions qui s'imposaient pour assurer une surveillance particulière de la cour de récréation afin d'éviter tout débordement des enfants en général et de l'enfant agressif en particulier.
En n'accomplissant pas correctement son rôle de surveillante, Mme M. a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'État.