Cas n° 2 : Course de vitesse
Les faits
Au cours d'une séquence d'athlétisme, Gwendoline est tombée alors qu'elle effectuait une course de vitesse sur 60 mètres. Elle a chuté vers l'avant (aux deux tiers du parcours), après avoir buté du pied gauche sur le sol. L'accident a entraîné une fracture du tibia.
L'institutrice avait reçu 5 jours avant un certificat médical qui précisait que l'élève ne pouvait pas effectuer d'activités physiques
« comme l'endurance, le saut en hauteur et le hockey(1). »Procédure
Cette affaire a été jugée une première fois devant le tribunal de grande instance qui a rejeté la demande des parents de l'élève. Les magistrats ont considéré que la preuve n'était pas rapportée d'une faute de l'institutrice.
Les parents interjettent appel de cette décision et demandent à la cour d'appel de considérer que l'enseignant a commis une faute.
Argumentation des parties
Les parents de l'élève font valoir que l'accident est survenu lors d'une séquence d'éducation physique seulement 5 jours après que le médecin ait établi un certificat médical précisant une dispense pour l'endurance, le saut et le hockey. Depuis plusieurs mois, leur fille était inapte à toute activité sportive quelconque : elle souffrait de douleurs articulaires au niveau des genoux et des chevilles. L'institutrice, (informée) aurait dû lui éviter la participation à une course de vitesse qui suppose qu'on ne souffre ni des genoux, ni des chevilles. De plus la course avait été précédée d'un échauffement et une autre élève avait interpellé l'institutrice sur l'état de santé de Gwendoline. Ils soutiennent que la responsabilité de l'État est engagée dans la mesure où l'énumération des activités interdites est indicative et non exhaustive.
Le préfet soutient que la dispense d'éducation physique n'avait qu'un caractère partiel et que s'il en avait été autrement le jeune élève n'aurait pas été présente au cours. L'institutrice n'était pas médecin et elle ne pouvait connaître les affections particulières de Gwendoline qui contre-indiquaient la pratique de tel ou tel sport. L'accident n'est pas survenu lors d'une course d'endurance mais pendant la course de vitesse. Il n'existe pas ici de faute prouvée.
La cour
L'institutrice ne conteste pas avoir pris connaissance quelques jours avant son cours du certificat médical qui interdisait la pratique de l'endurance, du saut et du hockey. Les prescriptions sont immédiates et il n'est pas pensable que le médecin puisse anticiper les éventuelles difficultés de santé de sa patiente, non encore révélées. Ce certificat médical ne dispense pas la jeune fille de toute activité sportive, elle était par ailleurs présente lors des séquences d'éducation physique. L'énumération des sports dont la pratique était proscrite laisse les profanes perplexes dans la mesure où la liste n'est pas limitative ainsi que le révèle l'emploi du terme « tels que ». Le lien entre les activités interdites n'est pas aisé à établir pour pouvoir déterminer quel autre sport est interdit et quel autre est autorisé. Cependant il se déduit logiquement que si la course d'endurance est interdite, celle de vitesse est autorisée faute de quoi le médecin aurait mentionné de manière générique « la course » dans les activités proscrites et non pas seulement l'endurance.
Pour autant dans le contexte dans lequel l'institutrice avait été informée de la nécessaire limitation pour raison médicale de la pratique sportive de Gwendoline, et l'attestation non contestée d'une de ses camarades qui écrit :
« L'institutrice l'a obligé à faire la course de vitesse, elle ne voulait rien savoir. Nous sommes allées dehors pour faire course de vitesse et je voyais que Gwendoline avait mal aux jambes et elle devenait blanche, j'ai demandé à Mme X. si Gwendoline pouvait arrêter de courir et elle m'a dit "non". Puis elle a couru et elle est tombée sur ses genoux. »
L'insistance de l'institutrice à faire courir cette élève dans ces circonstances est fautive dès lors qu'elle était avertie du risque encouru par l'élève et de sa fatigue. Cette faute est en relation avec le dommage qui a suivi.
La responsabilité de l'État, substituée à celle de l'institutrice, est donc ici retenue.
Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS,
Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II.