Les temps verbaux dans un récit
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On appelle moment de l'énonciation le moment où l'on raconte l'histoire. Selon que le narrateur fait référence au moment de l'énonciation ou non, il n'utilise pas le même « système » de temps. En quoi consistent ces systèmes de temps et comment emploie-t-on chacun de leurs temps ?
1. Les deux systèmes de temps
a) Le narrateur fait référence au moment de l'énonciation
• Il emploie :
  • le présent pour raconter les événements qui se déroulent ou qui semblent se dérouler (présent de narration) au moment de l'énonciation ;
  • le passé composé (et l'imparfait) pour raconter les événements qui se situent avant le moment de l'énonciation ;
  • le futur pour raconter les événements qui se situent après le moment de l'énonciation.
• C'est le système de temps auquel a recours le narrateur de l'histoire de Lalla, dans Désert  :
« Lalla connaît tous les chemins […]. Pourtant, chaque fois qu'elle marche ici, il y a quelque chose de nouveau. Aujourd'hui c'est le bourdon doré qui l'a conduite très loin, au-delà des maisons de pêcheurs et de la lagune d'eau morte. Entre les broussailles, un peu plus tard, il y a eu tout à coup cette carcasse de métal rouillé qui dressait ses grilles et ses cornes menaçantes. » (J.-M.G. Le Clézio, Désert, 1980)
b) Le narrateur ne fait pas référence au moment de l'énonciation
• Il emploie :
  • le passé simple (et l'imparfait) pour raconter les événements contemporains du moment qui sert de repère ;
  • le passé antérieur et le plus-que-parfait pour raconter les événements qui se situent avant ce moment repère ;
  • le futur du passé pour raconter les événements qui se situent après ce moment repère.
• Dans Désert, le narrateur fait appel, pour un autre récit, à ce second système de temps :
« Tout de suite, [Nour] découvrit l'assemblée des hommes dans la cour de la maison du cheikh. […] Quand ses yeux furent habitués au contraste de l'ombre et des lueurs rouges des braseros, Nour reconnut la silhouette du vieil homme. C'était le grand cheikh Ma el Aïnine, celui qu'il avait déjà aperçu quand son père et son frère aîné étaient venus le saluer, à leur arrivée au puits de Smara. » (op. cit.)
c) Bilan
 
Événement antérieur
Événement contemporain du moment repère
Événement postérieur
1. Le narrateur fait référence au moment de l'énonciation
Passé composé et imparfait
Présent (le moment repère est le moment de l'énonciation)
Futur
2. Le narrateur ne fait pas référence au moment de l'énonciation
Passé antérieur et plus-que-parfait
Passé simple et imparfait
Futur du passé (conditionnel présent)

2. Temps de base et temps complémentaires
a) Le premier plan du récit
• Les faits qui font progresser une histoire constituent le premier plan du récit.
• Dans un récit qui fait référence au moment de l'énonciation, les faits de premier plan sont rapportés au présent ou au passé composé.
Prenons pour exemple le début du roman Désert  :
« Saguiet el Hamra, hiver 1909-1910. Ils sont apparus, comme dans un rêve, au sommet de la dune, à demi cachés par la brume de sable que leurs pieds soulevaient. Lentement ils sont descendus dans la vallée, en suivant la piste presque invisible. » (op. cit.)
• Dans un récit qui ne fait pas référence au moment de l'énonciation, les faits de premier plan sont rapportés au passé simple.
• On considère que le présent, le passé composé et le passé simple sont les temps de base du récit. C'est à l'un ou l'autre de ces temps qu'est rédigé le récit de base.
b) L'arrière-plan du récit
• Les faits qui informent sur le cadre de l'action, l'aspect, le caractère ou les sentiments des personnages constituent l'arrière-plan du récit.
• Dans un récit au passé composé ou au passé simple, les faits d'arrière-plan sont rapportés à l'imparfait s'ils se déroulent au même moment que les faits de premier plan. C'est pourquoi, on dit de l'imparfait que c'est le temps de la description et du commentaire.
Voici la suite de l'extrait précédent ; le narrateur, après avoir évoqué la descente de la caravane dans la vallée (faits de premier plan rapportés au passé composé), décrit la composition de la caravane (faits d'arrière-plan rapportés à l'imparfait) :
« En tête de la caravane, il y avait les hommes, enveloppés dans leurs manteaux de laine, leurs visages masqués par le voile bleu. Avec eux marchaient deux ou trois dromadaires, puis les chèvres et les moutons harcelés par les jeunes garçons. Les femmes fermaient la marche. » (op. cit.)
• Le passé antérieur et le plus-que-parfait permettent d'exprimer des faits antérieurs aux faits de premier plan. Ce sont également des temps complémentaires du récit.
« Ils avaient marché ainsi pendant des mois, des années peut-être. Ils avaient suivi les routes du ciel entre les vagues des dunes […] » (op. cit.)
Question 1
Conjuguez les verbes de ce texte au passé simple ou au passé composé, selon le type de récit.
Écrivez les réponses dans les zones colorées.
« Le grand veneur et le premier eunuque n'ont pas douté que Zadig n'ait volé le cheval du roi et la chienne de la reine ; ils l'ont fait conduire devant l'assemblée du grand Desterham, qui l'(condamner) au knout, et à passer le reste de ses jours en Sibérie. À peine le jugement a-t-il été rendu qu'on (retrouver) le cheval et la chienne. Les juges (être) dans la douloureuse nécessité de réformer leur arrêt. » (D'après Voltaire, Zadig, 1747)
Dans ce récit ancré dans la situation d'énonciation, les verbes qui expriment des actions de premier plan (ont douté, ont fait) sont au passé composé.
Question 2
Conjuguez les verbes de ce texte au passé simple ou au passé composé, selon le type de récit.
Écrivez les réponses dans les zones colorées.
« Rosalie courut du côté de la maison ; chaque fois qu'elle se retournait, elle voyait la souris qui galopait après elle en riant d'un air moqueur. Arrivée dans la maison, elle voulut écraser la souris dans la porte, mais la porte (rester) ouverte malgré les efforts de Rosalie [...]. Elle (saisir) un balai et allait en donner un coup violent sur la souris, lorsque le balai (devenir) flamboyant et lui (brûler) les mains. » (La Comtesse de Ségur, La Petite Souris grise, 1857)
Dans ce récit coupé de la situation d'énonciation, les verbes qui expriment des actions de premier plan (courut, voulut) sont au passé simple.
Question 3
Indiquez si l'action exprimée par les verbes entre crochets est antérieure ou postérieure par rapport à l'action exprimée au passé simple.
Sélectionnez :
en violet si l'action qu'ils expriment est antérieure
en orange si elle est postérieure

Il se mit à faire quelques calculs sur son carnet pour tromper le temps. L'avion [avait quitté] Nandi le dimanche soir à 20 heures.
L'hôtesse [avait annoncé] que le vol [durerait] quatre heures et il y avait deux heures de décalage, ce qui faisait que l'avion [atterrirait] à Papeete à deux heures le lundi matin.
Par rapport au moment-repère indiqué par le verbe mit :
  • les verbes au plus-que-parfait expriment une action antérieure ;
  • les verbes au futur du passé expriment une action postérieure.
Question 4
À quel temps doit-on conjuguer le verbe entre crochets dans cette phrase ?
« Il lui jeta sur les épaules les vêtements qu'il [apporter] pour la sortie, modestes vêtements de la vie ordinaire, dont la pauvreté jurait avec l'élégance de la toilette de bal. »
Guy de Maupassant, Contes du jour et de la nuit, « La Parure », 1885

Cochez la bonne réponse.
au plus-que-parfait
à l'imparfait
au passé simple
au passé composé
Le plus-que-parfait est utilisé pour des faits antérieurs à ceux du récit, exprimés au passé simple et à l'imparfait.
Question 5
Quelle est la valeur de l'imparfait dans cette phrase ?
« Il faisait très chaud, très bon. Le doux soleil chauffait l'herbe. L'eau brillait comme un miroir. »
Guy de Maupassant, La Maison Tellier, « Le Papa de Simon », 1881

Cochez la bonne réponse.
C'est un imparfait de description.
C'est un imparfait d'habitude ou de répétition.
L'imparfait exprime des actions d'arrière-plan.
Il s'agit de la description d'un coin de campagne (sensation et vision).
L'imparfait peut aussi être employé pour exprimer l'habitude (actions qui se répètent) ou pour des actions non limitées dans le temps (arrière-plan) dans un récit au passé simple. Ex : « Quant à Simon, il aimait beaucoup son nouveau papa (actions d'arrière-plan) et se promenait avec lui presque tous les soirs, la journée finie (habitude) » (Maupassant, « Le Papa de Simon »).
Question 6
Le passé simple est employé pour exprimer :
Cochez la (ou les) bonne(s) réponse(s).
des actions qui se succèdent.
des actions habituelles.
des actions limitées dans le temps.
des actions d'arrière-plan.
Les actions habituelles et d'arrière-plan sont exprimées à l'imparfait.
Question 7
Conjuguez les verbes entre parenthèses au passé simple ou à l'imparfait, selon le sens.
Écrivez les réponses dans les zones colorées.
Il (être) une fois, il y a bien longtemps, dans un pays lointain, une ville envahie par les rats.
Plus on en (tuer) , plus leur nombre (grandir) . Les habitants (trembler) de peur.
Un beau jour, un étrange personnage (se présenter) au bourgmestre de la ville.
Question 8
Transposez ce récit rédigé au présent, en utilisant le passé simple pour rapporter les faits de premier plan, l'imparfait pour ceux de second plan.
Écrivez les réponses dans les zones colorées.
« Mon père a un couteau à la main et taille un morceau de sapin. Il me fait un chariot avec des languettes de bois frais. Les roues sont déjà taillées. Le chariot va être fini : j'attends tout ému et les yeux grand ouverts, quand mon père pousse un cri et lève sa main pleine de sang. » (D'après Jules Vallès, L'Enfant, 1879)
→  Mon père un couteau à la main et taillait un morceau de sapin. Il me un chariot avec des languettes de bois frais. Les roues déjà taillées. Le chariot être fini : j' tout ému et les yeux grand ouverts, quand mon père un cri et sa main pleine de sang.
Toute la première partie du texte sert à préciser les circonstances du drame à venir. Il fallait donc y employer l'imparfait.