Les droits des enseignants
Le droit à rémunération
Ce droit présente un certain nombre de caractéristiques. Il a un caractère alimentaire dans la mesure où le traitement est destiné à permettre aux enseignants de subvenir à leurs besoins. Il est pour partie incessible et insaisissable et a un caractère statutaire. Sa fixation procède d'un acte unilatéral et non contractuel.
Il est également impersonnel puisque son montant est fonction du grade
(6) et de l'échelon de l'enseignant et non de la qualité et de la quantité de travail fourni.
Enfin il obéit à la règle du
service fait : lorsqu'un enseignant s'abstient d'effectuer tout ou partie de son service, ou quand il ne respecte pas ses obligations de service (des enseignants qui ne transmettent pas les notes de leurs élèves sur les bulletins trimestriels ou qui refusent de participer au déroulement des examens, surveillance par exemple…), l'enseignant n'est pas rémunéré (au prorata de ce qu'il n'a pas effectué). Il est à retenir que l'administration peut pendant une durée de trente ans, obtenir le remboursement des sommes indûment perçues.
Le droit syndical
Il est garanti aux enseignants
(7), et ceux qui sont intéressés par cet engagement peuvent librement créer des organisations syndicales, y adhérer et y exercer des mandats. Pour exercer ce droit, des facilités sont mises en place : lieux de réunion, affichage et distribution de documents d'origine syndicale dans les locaux administratifs.
En outre, l'exercice du mandat syndical est garanti par l'attribution de décharges de service, d'autorisations spéciales d'absences et de la mise en place d'un congé de formation syndicale d'une durée maximum de 12 jours
(8). Les décharges peuvent être totales ou partielles. Il est évident que les responsables syndicaux doivent conserver une certaine retenue dans leurs propos et ne pas méconnaître l'obligation de réserve.
Le droit de grève
Il est acquis depuis 1946. C'est l'article 10 de la loi du 13 juillet 1983 qui précise que les
« fonctionnaires exercent le droit de grève dans le cadre des lois qui le réglemente. »Le droit de grève dans la fonction publique impose un préavis de 5 jours francs, au moins, avant son déclenchement, adressé à l'autorité hiérarchique par les organisations syndicales les plus représentatives.
Le préavis doit fixer le lieu, la date et l'heure du début ainsi que la durée de la grève envisagée. De plus, pendant la durée du préavis, les parties sont tenues de négocier (les grèves perlantes ou tournantes sont interdites).
L'enseignant qui n'effectue pas son service, fait l'objet d'une retenue, « le trentième indivisible », opérée sur sa rémunération, ceci n'étant pas une sanction mais la conséquence du fait qu'il n'a pas travaillé. Cette retenue sur salaire ne constitue pas, non plus, une sanction disciplinaire et l'enseignant n'a pas à être préalablement informé de la décision prise avant qu'elle soit exécutée, il s'agit d'une simple mesure comptable.
Il est à rappeler qu'aucune limitation légale sur le droit de grève ne concerne le statut des personnels de l'Éducation nationale. Il faut donc préciser que les enseignants ne sont pas réquisitionnables, ils ne sont pas personnels d'autorité, contrairement aux chefs de bureaux, et chefs d'établissements
(9).
Les examens, surveillances, ne sont pas concernés par cette procédure de désignation. Ces tâches font partie du travail de l'enseignant
(10). Autrement dit le « travail » des grévistes est de faire grève sur la totalité du service. Il paraît cependant risqué de saboter les examens en donnant, par exemple, les réponses aux candidats et ceci pour deux raisons : c'est une faute professionnelle qui serait pour le coup répréhensible, et n'importe quel élève pourrait porter plainte pour fraude organisée.
Le droit à congés
Les enseignants sont soumis aux dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 modifiée, portant dispositions statutaires applicables à la fonction publique d'État.
Ce texte dispose que l'enseignant en activité a droit plusieurs types de congés :
Les congés annuels
Ils correspondent au calendrier établi par le ministère de l'Éducation nationale. Les enseignants sont dispensés de leur service d'enseignement durant les périodes de vacance des classes prévues au calendrier scolaire national triennal, arrêté par le ministre conformément à l'article L. 521-1 du Code de l'éducation. Celui-ci fixe également la date de rentrée scolaire des enseignants, laquelle précède (d'une journée) celle des élèves. Cette « prérentrée » est le moment où l'emploi du temps est remis à chaque professeur. C'est également lors de cette journée que les ultimes mises au point concernant l'organisation des enseignements durant l'année scolaire sont réalisées.
Le calendrier scolaire prévoit enfin que les enseignants appelés à participer aux opérations liées aux examens demeurent en service jusqu'à la date retenue pour la clôture de ces épreuves.
Les congés de maladie
Ils sont accordés
(11) au vu d'un certificat médical, mais l'administration peut contrôler ce dernier et demander une contre-expertise. L'enseignant perçoit son plein traitement pendant les trois premiers mois. Au-delà, les neuf mois restants sont rémunérés à demi-traitement.
En cas d'accident survenu pendant le temps de service ou pendant le trajet, le temps de congé n'est pas déduit du temps total : le traitement est payé à 100 % pendant toute la durée du congé. C'est l'établissement qui fait la déclaration et s'occupe des démarches administratives.
Le congé de longue maladie
Il est accordé
(12) pour les maladies ne figurant pas sur la liste des affections ouvrant droit au congé longue durée et le poste n'est pas déclaré vacant ; les droits sont de trois années maximum par maladie avec pour chaque pathologie, un an à plein traitement, suivi de deux ans à demi-traitement.
Le congé de solidarité familiale
Ce congé remplace le congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie
(13). Il peut être accordé sur demande de l'enseignant quand un ascendant, un descendant ou encore une personne partageant son domicile, fait l'objet de soins palliatifs. Il a une durée maximale de trois mois, renouvelable une fois, soit six mois maximum. Il peut être fractionné et/ou transformé en période d'activité à temps partiel.
Le droit à la formation
la formation des personnels joue un rôle essentiel dans la mise en œuvre dans toutes les politiques académiques. Quelle que soit l'académie, son rôle est incontournable. L'exemple de l'académie de Créteil est significatif : accueillant chaque année de très nombreux jeunes enseignants au tout début de leur carrière, les formateurs de cette académie assument pleinement leur vocation d'« académie formatrice ».
Est offert à l'ensemble des personnels le plan académique de formation riche et ambitieux, permettant à la fois de répondre au mieux aux attentes individuelles et collectives des personnels mais également de préparer les évolutions souhaitées par l'institution scolaire.
Ce droit se traduit dans les établissements d'enseignement, par l'accès au plan académique de formation (PAF). Des thématiques de tous ordres sont proposées, elles permettent à chacun l'optimisation de ses compétences. Dans chaque académie existe un service de la formation continue, auprès de qui les enseignants peuvent trouver à la fois le plan de formation mais aussi les modalités de demande de formation.
Quelques exemples
(14) :
- « consolider ses compétences en lien avec le numérique »,
- « faire progresser les élèves en mathématiques »,
- « promouvoir l'éducation au développement durable ».
Le droit de participer aux décisions les concernant
Les personnels titulaires élisent leurs représentants aux commissions administratives paritaires départementales et nationales, pour le premier degré, académiques et nationales, pour le second degré.
Ces commissions comprennent en nombre égal des représentants de l'administration et des représentants du personnel. Ces derniers sont élus sur les listes présentées par les organisations syndicales. Les commissions paritaires sont consultées sur les questions relatives aux mutations et à l'avancement.
Le droit à la protection juridique
Un enseignant peut être victime de la violence des usagers du service public d'enseignement, mais il peut aussi commettre des fautes dans l'exercice de ses fonctions, qui lui valent d'être traduit devant les tribunaux.
Le ministère de l'Éducation nationale a toujours manifesté le souci de protéger ses fonctionnaires, que ceux-ci soient poursuivis ou victimes. Ce système de protection s'inscrit dans la logique du régime juridique de la protection fonctionnelle des fonctionnaires qui procède des articles 11
(15), 11 bis et 11 bis A de la loi du 13 juillet 1983. Les réformes du statut de la fonction publique intervenues en 1983 et 1984 n'ont pas remis en cause l'ensemble de ces dispositions protectrices.
Premier cas : l'enseignant est poursuivi
Les poursuites pour fautes de service
La protection juridique est ouverte aux enseignants condamnés à indemniser un tiers pour faute de service, c'est-à-dire sans qu'une faute personnelle leur soit imputable.
Cette protection est subordonnée à certaines conditions : l'intéressé doit d'abord faire l'objet de poursuites devant une juridiction civile ou pénale, et la responsabilité de l'enseignant doit être recherchée pour des faits comportant un lien avec ses fonctions et se caractérisant comme un manquement aux obligations de service. En aucun cas les faits reprochés doivent constituer une faute détachable du service.
Le juge considère que cette faute ne doit pas procéder d'une intention malveillante et qu'elle n'excède pas par sa gravité, les fautes auxquelles on peut s'attendre de la part de membres de l'enseignement. Il peut s'agir d'un acte ou d'une décision inappropriée, d'une maladresse, voire d'une abstention (oubli d'une formalité obligatoire).
Les poursuites pour faute personnelle
À contrario, la faute personnelle dite « détachable du service » s'identifie au moyen de deux critères alternatifs qui sont, soit une intention malveillante de l'enseignant, soit sa gravité. La première se caractérise, par exemple, par l'utilisation de termes outranciers et diffamatoires d'un professeur à l'égard de l'un de ses élèves, par des vexations infligées à tel ou tel autre. La seconde se traduit par des actes de violences physiques autres que ceux justifiés par la légitime défense ou l'assistance à personne en danger.
Les poursuites pénales
Il appartient à l'administration elle-même d'apprécier si les faits sur lesquels se fondent les poursuites pénales, ont le caractère d'une faute personnelle, sans qu'elle soit tenue d'attendre l'issue des poursuites pour accorder ou non sa protection.
Mais cette protection ne doit pas faire oublier que toutes les règles du droit pénal s'appliquent. Les membres de l'enseignement peuvent être concernés par ces mises en cause, alourdies par des circonstances aggravantes définies dans le Code pénal : celle de « personne ayant autorité », par exemple.
Deuxième cas : l'enseignant est victime
Il existe un certain nombre d'atteintes faites aux enseignants visées par la loi : menaces, violences, voies de faits, injures, diffamations… mais le législateur ne confère à cette liste aucun caractère exhaustif.
Le juge s'attache à fonder sa décision sur les circonstances particulières du litige : il apprécie les agissements incriminés et leur caractère d'agression justifiant la protection du fonctionnaire. La victime arguera de faits mettant en cause son comportement, son honneur, sa considération voire son intégrité physique. Les agressions peuvent prendre la forme :
- soit d'attaques verbales : les déclarations outrageantes du principal adjoint d'un collège à l'égard d'un enseignant à la sortie d'un conseil d'administration ;
- soit d'attaques écrites contenues dans des rapports internes : un proviseur qui fait état au recteur du comportement « outrancier » d'un professeur ;
- soit d'attaques matérielles portées aux biens de l'enseignant.
L'accomplissement de la condition posée par le législateur suppose un agent visé en raison de sa qualité, de ses activités, ou de son comportement. Les dommages invoqués apparaissent comme la conséquence directe des fonctions. La jurisprudence administrative, constante, considère que le droit à la protection n'opère pas lorsque l'agent subit des attaques à l'occasion d'activités étrangères au service. Il ne suffit pas que les agressions partent en direction du fonctionnaire au moment où il exerce : celles-ci doivent trouver leur origine dans les fonctions elles-mêmes et se révéler directement imputable à leur exercice.
Quelles sont les modalités de cette protection ?
Elles comportent une gamme d'actions allant du soutien moral et matériel apporté par l'administration, à la réinsertion sociale et professionnelle du professeur. La position du Conseil d'État est claire à ce propos : il appartient à l'autorité décisionnelle de retenir
« […] compte tenu des circonstances de chaque espèce les modalités appropriées à l'objectif de protection […] »L'obligation légale de l'administration est conditionnée par la nature de la faute : la faute de service entraîne nécessairement une protection, la faute personnelle peut justifier un refus.
Quand il s'agit d'une faute personnelle la décision peut s'avérer difficile et la protection ne saurait être accordée pour des faits avérés (affaires de violences volontaires
(16), par exemple). En réalité tout dépend du contexte et des éléments portés à la connaissance de l'administration.
Concrètement, un avocat est désigné et chargé de défendre l'enseignant au cours de la procédure, puis le cas échéant devant la juridiction répressive. C'est l'État qui prend en charge l'intégralité des frais de justice. La condamnation éventuelle à une peine pénale, notamment d'amende, ne peut, par contre qu'être supportée que par l'enseignant. Ce dernier étant
« en tout état de cause comme tout citoyen, soumis au principe de l'égalité devant la loi pénale(17). »L'enseignant, victime, doit solliciter la protection juridique auprès de l'autorité hiérarchique. Cette demande s'affiche comme une étape essentielle dans la procédure : elle manifeste la volonté de l'agent d'obtenir le soutien de l'institution mais elle permet également l'information de l'autorité chargée d'y donner suite, après étude du dossier.
Le chef d'établissement, à quel que niveau que ce soit, doit être en mesure d'informer l'enseignant agressé de son droit à la protection au cas où il le méconnaîtrait. Mais l'issue dépend surtout de la volonté de la victime de voir les faits punis et du dépassement de la crainte d'attirer défavorablement l'attention.
En outre les enseignants sont souvent affiliés à une assurance professionnelle qui fournit une assistance juridique équivalente à celle accordée au titre de la position statutaire de l'agent (la Fédération des Autonomes de Solidarité est une assurance à laquelle de nombreux enseignants adhèrent).
La demande de protection et les éléments de fait l'accompagnant permettent à l'autorité décisionnelle d'en apprécier le bien-fondé.
En cas de préjudice corporel, les dispositions statutaires prévoient une couverture spécifique censée correspondre à l'intégralité du dommage. C'est la législation sur les accidents de service qui s'applique ici, elle couvre l'intégralité des préjudices subis à l'exception de ceux présentant un caractère moral. Le juge administratif impose cependant que le préjudice moral soit indemnisé alors qu'il n'est pas pris en compte par la législation sur les accidents de service.
En cas de dommage matériel, né d'une dégradation volontaire des biens de l'enseignant, la protection jouera si celui-ci établit l'existence d'un lien entre les atteintes et l'exercice de ses fonctions. Jusqu'à une période récente ces dommages ne donnaient lieu qu'à l'intervention des assurances personnelles des agents, la protection fonctionnelle s'appliquant rarement.
Pour faire face à ce phénomène des conventions ont été passées entre l'État et les principaux assureurs des personnels.
Autant lorsqu'il est poursuivi que lorsqu'il est victime, le fonctionnaire bénéficie ès qualités d'un certain nombre de moyens de protection dont la mise en œuvre est soumise à des règles mais qui est réellement efficace pour les enseignants en difficulté.
Enfin les enseignants disposent de garanties qui, outre la liberté d'opinion, sont les suivantes : aucune distinction, directe ou indirecte ne peut être faite entre eux, en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leur patronyme, de leur appartenance ou non-appartenance vraie ou supposée à une ethnie ou une race.