La protection par l'État des membres de l'enseignement
« La nature des violences subies par les personnels est structurellement identique entre 2007-2008 et 2009-2010 : 75 % des atteintes commises envers les personnels sont constituées d'agressions verbales, 15 % relèvent de la violence physique et 10 % sont d'autres atteintes directes (atteintes à la vie privée notamment) ou aux biens personnels
(1). »
Comme fonctionnaires de l'État, les enseignants bénéficient pour leur protection de plusieurs dispositions législatives :
- Art. 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- Circulaire DGAFP B8 du 5 mai 2008 relative à la protection fonctionnelle des agents publics de l'État ;
- Note de service du 19 septembre 1983 relative à la protection des fonctionnaires victimes de menaces et attaques à l'occasion de leurs fonctions.
Article 11
« Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales »
1. Menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations et outrages
• Lorsque le fonctionnaire est victime de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations et outrages, il peut être à l'initiative des poursuites en allant déposer plainte auprès du parquet et se constituer partie civile pour demander réparation de son préjudice. Quand un lien de cause à effet peut être établi entre l'agression subie par le fonctionnaire et les fonctions qu'il exerce, il doit aussi informer les services académiques (rectorat) des faits et demander à bénéficier de la protection prévue à l'article 11 (al. 3) de la loi du 13 juillet 1983.
• Le dossier, transmis par le chef d'établissement, a notamment pour objet de justifier que les faits sont en lien avec les fonctions exercées et d'apprécier le préjudice (matériel ou moral).
L'administration doit prendre en charge les frais d'instance, en particulier les honoraires d'avocat, mais il a été relevé que l'avocat du fonctionnaire n'est que rarement pris en charge financièrement par les rectorats, à quelques exceptions près (notamment en matière d'enseignants victimes de violences).
La collectivité publique est donc tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté.
• Cependant certaines conditions doivent être réunies :
- il doit y avoir un lien entre les « attaques » et l'exercice des fonctions ;
- le préjudice doit être direct ;
- le juge apprécie si les agissements incriminés ont le caractère d'attaques justifiant la protection du fonctionnaire ;
- l'attaque peut consister aussi bien en des violences physiques volontaires contre un fonctionnaire qu'en des violences verbales ou écrites ou des dommages aux biens. Dans ce dernier cas, en l'absence de faute de l'administration, le dommage doit avoir un lien avec le service accompli par l'intéressé.
Bon à savoir : le recteur peut déposer plainte de son côté, cette démarche ayant « un poids moral important » dans la procédure. Lorsque le statut de victime est reconnu par le tribunal, il arrive que les auteurs soient insolvables : l'État a alors pour obligation de réparer le préjudice du fonctionnaire.
Diffamation sur un blog
Un personnel de l'Éducation nationale se retrouve diffamé sur le blog d'un élève : il est conseillé de rappeler dans une note écrite et/ou dans le règlement intérieur de l'établissement les dispositions légales de l'article 9 du Code civil. Lorsque l'atteinte à la personne est trop importante, que l'affaire n'a pas pu être traitée en amont, lorsque l'on a pas pu trouver le diffuseur, que l'on a une réitération des faits, ou que les parents n'ont pas accepté la sanction disciplinaire… alors une sanction disciplinaire est justifiée.
2. L'intrusion dans un établissement scolaire
• L'intrusion dans un établissement scolaire est un délit, selon l'article R 645-12 du Code pénal. L'intrusion représente souvent le corollaire ou les prémices d'une infraction dont peut être victime un enseignant. L'équipe pédagogique peut s'appuyer sur ce support légal pour protéger le périmètre de leur établissement scolaire.
« Le fait de pénétrer ou de se maintenir dans l'enceinte d'un établissement scolaire, public ou privé, sans y être habilité en vertu de dispositions législatives ou réglementaires ou y avoir été autorisé par les autorités compétentes, est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe… »
• L'administration, en cas d'agression, accorde généralement aux fonctionnaires une assistance juridique pour la procédure qui est engagée par l'autorité judiciaire à la suite de la plainte qui a été déposée par le fonctionnaire lui-même.
C'est ainsi que le montant des honoraires d'avocat peut être pris en charge partiellement ou en totalité, les frais d'huissier ou d'expertise, les frais de déplacement rendus nécessaires par le suivi de l'affaire pourront également être pris en charge en référence au décret du 3 juillet 2006 qui fixe les modalités de remboursement des déplacements des personnels civils de l'État.
Cependant l'Inspecteur d'Académie ou le Recteur qui est saisi de la demande de protection peut refuser celle-ci, comme cela a déjà été le cas pour un fonctionnaire victime d'injures de la part d'un élève, l'administration considérant que la comparution du mineur fautif devant le Conseil de discipline de l'établissement pouvait constituer une sanction suffisante…
• La circulaire du 5 mai 2008, s'appuyant sur certaines décisions du Conseil d'État
(2), rappelle d'ailleurs qu'il appartient à l'autorité administrative de qualifier juridiquement les faits d'attaque, que les mesures de protection susceptibles d'être mises en œuvre sont multiples et que le choix des moyens les plus appropriés aux circonstances de l'espèce appartiennent à cette administration.
Bien plus, en matière de diffamation où le délai de prescription de l'action publique contre l'auteur des faits est de trois mois, la décision de protection juridique intervient parfois après l'expiration de ce délai, rendant irrecevable toute procédure judiciaire destinée à sanctionner l'auteur des faits et à obtenir réparation du préjudice.