Il est quelquefois difficile d'établir les responsabilités de chacun lors d'un accident scolaire, surtout lorsqu'il s'agit de la récréation qui a lieu après le déjeuner…
Les deux cas suivants illustreront, que même pendant ces moments délicats, les récréations, il ne suffit pas qu'un accident se produise pour que la responsabilité de l'État, substituée à celle des enseignants, soit retenue.
Cas n°1
Les faits
le 15 décembre 2000, un jeune garçon de 9 ans a fait une chute dans la cour de l'école. Il en est résulté une fracture des deux os de l'avant-bras gauche et une fracture du fémur. Son état a nécessité une hospitalisation ainsi qu'un séjour dans un centre de rééducation fonctionnelle.
La mère de l'enfant réclame la réparation du dommage : elle considère que la surveillance de son fils n'a pas été effectuée correctement. Elle estime qu'elle a confié son enfant à l'école communale et que c'est à cette dernière qu'il appartient d'assumer le devoir de surveillance pendant toute la durée où l'enfant s'y trouve, y compris pendant le temps de la récréation de la cantine. Elle ajoute qu'il est admis que le devoir de surveillance de l'école et des enseignants commence dès que l'élève a franchi le seuil de l'établissement scolaire pour cesser dès qu'il sort dans les horaires de scolarité et d'ouverture de celle-ci.
Le préfet conteste devoir indemniser les parents à la suite de l'accident et conclut au rejet de la totalité de leurs prétentions, les déclarant mal dirigées. Il rappelle que la responsabilité de l'État, substituée à celle des instituteurs, fondée sur la loi du 5 avril 1937, suppose que soit établie une faute de surveillance commise par un membre de l'enseignement public.
Il estime que, dans ce cas précis, la preuve d'une telle faute n'est pas rapportée et ajoute que l'accident s'est produit pendant la récréation qui suit l'heure de cantine et que l'enfant n'était pas sous la surveillance du personnel enseignant mais des agents communaux. Il indique alors que les fautes éventuelles commises par ce personnel ne sont pas soumises à la loi du 5 avril 1937 et ne sauraient engager la responsabilité de l'État.
Le tribunal :
Sur la responsabilité de l'État : le dommage corporel est bien certain, le simple fait qu'il se soit produit à l'école n'entraîne pas automatiquement la responsabilité de l'établissement ou celle de ces enseignants. Mais la responsabilité de l'État ne pouvant se substituer qu'aux membres de l'enseignement public, il convient d'établir, que l'enfant était sous la surveillance de l'un d'entre eux au moment de l'accident.
Le préfet soutient que le service de cantine scolaire n'est pas un temps de surveillance assumé par les enseignants et que le jeune garçon se trouvait alors sous la responsabilité des agents communaux qui n'ont pas la qualité de membres de l'enseignement public.
Le temps de repas des élèves mangeant à la cantine ne peut être considéré comme entrant dans les activités d'enseignement ou de surveillance des instituteurs, mais la question reste posée du temps qui précède ou qui suit le repas. Il convient, par ailleurs de souligner que ce temps se trouve, suivre ou précéder la classe, de la même façon que les récréations coupant la demi-journée de cours et dont la surveillance est assumée par le personnel enseignant dans les écoles primaires. Le devoir de surveillance des enseignants lié à la présence de l'enfant ne peut cesser que s'il est établi que l'élève ne se trouvait pas sous leur contrôle au moment des faits.
Il appartient donc à M. le préfet de démontrer que le temps de surveillance de la cantine et des récréations relevait d'une autre autorité que celle de l'école et de ses enseignants. Aucune convention, relative à la surveillance des élèves durant le temps de restauration et de récréation entourant le temps le repas dans les écoles publiques de Marseille, n'a été produite. La simple production de la circulaire de 1997
(1) ne peut suffire à établir de manière certaine que cette surveillance relève d'un personnel communal
Les dispositions de la loi du 5 avril 1937 nécessitent que soit rapportée la preuve d'une faute commise par un membre de l'enseignement public dans son devoir de surveillance en lien avec le dommage subi.
C'est donc à la mère de l'élève de prouver qu'une faute a été commise : mais la seule survenance de l'accident ne peut suffire à caractériser une faute commise par le personnel enseignant de l'école. En outre, les parents ne présentent aucun élément permettant de connaître les conditions exactes dans lesquelles s'est produite la chute de l'enfant.
Il est donc impossible d'apprécier, si comme le prétendent les parents, une faute a été commise par les enseignants.
La responsabilité de l'État substituée à celle des enseignants ne peut être ici retenue.
Cas n°2
Les faits
Le 14 mars 2003, alors qu'il se trouvait au sein de son établissement scolaire, le jeune Julien, a été blessé en se coinçant un doigt dans la porte des toilettes. Il en est résulté une amputation de l'index droit et une chirurgie réparatrice a dû être entreprise.
Les parents demandent la condamnation de l'État substitué aux enseignants. Ils soutiennent que les enfants fréquentant l'école maternelle sont sous la surveillance des enseignants lorsqu'ils se trouvent dans la cour de récréation. Ils doivent faire preuve d'une attention particulière, laquelle a fait défaut à leur fils, blessé au cours d'un accident qui ne serait pas produit sans faute de surveillance. Ils affirment que l'enseignant a commis une telle faute en ne prenant pas les mesures propres à assurer la sécurité des élèves placés sous sa surveillance et en l'espèce, aucun système de protection n'avait été mis en place pour éviter que les enfants se blessent en se coinçant les doigts dans les portes.
Le préfet fait valoir que les parents ne rapportent pas la preuve d'une faute précise qui aurait été commise par un membre déterminé de l'enseignement. L'accident est survenu à la faveur d'une action soudaine et rapide qu'une surveillance attentive n'aurait pu empêcher.
Selon lui, la substitution de responsabilité de l'État à celle des enseignants n'a lieu que si la responsabilité propre d'un enseignant nommément désigné se trouve engagée à la suite d'une faute. Dans la mesure où aucune faute d'un membre de l'enseignement de l'école maternelle n'est établie, la responsabilité de l'État ne peut être engagée.
Le tribunal :
Sur la responsabilité de l'État : l'article 1384-8 du code civil dispose expressément que « en ce qui concerne les instituteurs, les fautes, impudences et négligences invoquées contre eux comme ayant causé le fait dommageable devront être prouvées, conformément au droit commun. » La responsabilité des instituteurs n'est jamais présumée et le seul fait qu'un accident soit survenu dans une cour de récréation est insuffisant à établir leur responsabilité.
Dans cette espèce, la preuve d'une faute n'est pas rapportée par les parents, dont la principale doléance concerne un défaut de surveillance présumé résultant de l'accident lui-même et l'absence d'installation de système de protection sur les portes des toilettes.
Or il ne saurait suffire d'énoncer que le nombre de surveillants sur les lieux où s'est déroulé l'accident, était insuffisant ou que l'accident lui-même est révélateur de l'insuffisance de l'encadrement. À ce propos il n'est pas inutile de rappeler que le défaut d'organisation du service public d'enseignement relève, à le supposer établi, de la compétence du tribunal administratif.
En fait l'accident procède d'une action rapide et unique qui n'a pas été précédée de jeux dangereux de la part des enfants avec les portes des toilettes. En outre, l'institutrice était assistée d'une employée municipale pour la surveillance des élèves dans les toilettes de l'établissement.
La responsabilité de l'État substituée à celle de l'institutrice n'est pas retenue.
Les dispositions de la loi du 5 avril 1937 assurent une protection exceptionnelle aux enseignants dans la mesure où il faut (entre autre) que la faute de l'enseignant soit prouvée par le demandeur pour que la responsabilité de l'État substituée à celle de l'enseignant soit retenue. Nous l'avons vu et compris dans les deux cas analysés ci-dessus : il ne suffit pas qu'un accident arrive pour engager la responsabilité d'un enseignant.
Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS,
Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II.