Le dictionnaire Larousse définit la récréation comme le « temps de liberté accordé aux enfants pour jouer ».
D'un point de vue strictement réglementaire, elle apparaît dans deux textes :
- l'article 4 de l'arrêté du 22 février 1995 puis du 25 janvier 2002 fixant les horaires des écoles maternelles et élémentaires, dispose que « l'horaire moyen consacré aux récréations est de 15 minutes par demi-journée à l'école élémentaire » ;
- l'article 11 du décret du 6 septembre 1990 relatif à l'organisation et au fonctionnement des écoles maternelles et élémentaires, mentionne expressément l'organisation du service de surveillance pendant la récréation.
Un semblable rappel n'apparaît pas dans les textes réglementaires comparables pour les collèges et les lycées. C'est dire combien le temps de la récréation peut être abordé comme l'une des caractéristiques de l'enseignement primaire.
Les faits
Le 16 avril 1996, au cours de la récréation du matin, à l'école maternelle J.M., le jeune élève Jonathan tombe d'un pneu et heurte le sol avec sa tête.
Le lendemain au cours du repas, vers 21 heures, il se plaint de la tête et présente un état d'agitation qui provoque une chute avec choc frontal et nécessite son hospitalisation en urgence. L'enfant présente un important hématome extra-dural et est opéré immédiatement.
Première étape : Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand, 11 mars 1998
Sur la responsabilité du professeur des écoles : les parents de l'enfant font état d'un défaut de surveillance durant la récréation, de l'absence d'initiative adaptée à l'état de l'enfant (aucun appel immédiat à un médecin) mais aussi de moyens de sécurité inexistants et d'une non-information sur ce qui s'était passé.
Le préfet (se substituant au professeur des écoles) considère que ceux-ci n'apportent aucune preuve de leurs allégations qui reposent sur un récit inexact de l'accident. Il insiste sur le fait que l'institutrice et l'auxiliaire se trouvaient dans la cour au moment des faits et surveillaient les élèves.
Il rappelle également que les enseignants n'ont aucune compétence dans le domaine médical et s'étonne que les parents puissent reprocher aux enseignants de ne pas avoir donné les conseils sur les soins à apporter à leur enfant.
Il ajoute que le jeune élève, après la chute, a été immédiatement pris en charge : il a été gardé en observation pendant le temps de la récréation puis de retour en classe a continué à être surveillé par son enseignante. En outre, les enseignants ont informé les parents de l'incident.
Ces derniers allèguent que les deux enseignantes chargées de surveiller la récréation se trouvaient à l'intérieur des locaux au moment de l'accident (sans le prouver), et insistent sur le fait que n'avoir pas fait appel à un médecin est fautif alors qu'eux-mêmes n'ont remarqué aucun signe anormal pouvant justifier une consultation médicale, avant l'apparition de graves symptômes un jour et demi après la chute.
Il est par ailleurs hors de propos de reprocher aux enseignantes la moindre imprudence pour avoir laissé jouer le jeune garçon âgé de 5 ans avec un accessoire tel qu'un pneu, évènement très fréquent dans les cours de récréation de maternelle.
Par conséquent, les parents de l'enfant ne justifient pas les fautes invoquées.
La responsabilité de l'État substituée à celle de l'enseignante n'est pas retenue.
Deuxième étape : Cour d'appel de Riom, 14 janvier 1999
Sur la responsabilité de l'enseignante : les parents de la victime ont interjeté appel sur le même fondement qu'en première instance, c'est-à-dire une faute de surveillance.
En application des dispositions des articles 1384 alinéas 6 et 8 du Code civil et de celles de l'article 2 de la loi du 5 avril 1937, les instituteurs sont responsables des dommages causés par leurs élèves à d'autres élèves, à des tiers ou à eux-mêmes pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance.
Pour que la responsabilité de l'État substituée à celle de l'enseignant soit engagée, il faut qu'il ait commis une faute de surveillance.
Or si celle-ci, est entendue largement et en fonction des circonstances, en l'espèce elle n'est pas suffisamment établie.
En effet les parents ne contestent pas la déclaration d'accident faite par la directrice de l'école. Ils ne contredisent pas non plus le plan annexé duquel il résulte que deux institutrices étaient présentes dans la cour à deux endroits à partir desquels elles pouvaient avoir une vue d'ensemble de l'endroit.
En outre, la présence d'un gros pneu dans cette aire récréative ne présentait pas un danger particulier légitimant une surveillance plus rapprochée que les autres équipements de jeu existants dans cette cour.
L'état de santé apparent de l'enfant ne justifiait aucune mesure particulière, ni aucune information autre que celle donnée aux parents. Ni l'expert médical, ni aucun médecin n'a prétendu que l'aggravation de l'état de santé de l'enfant aurait pu être prévisible, ni que son état s'est trouvé aggravé du fait de l'absence de soins immédiats après la chute.
S'il eut été, en effet, préférable de prévoir, autour du pneu, un revêtement plus souple que le béton, cette initiative n'incombait pas aux enseignantes, d'autant qu'il n'y avait pas eu d'accidents à cet endroit.
C'est donc à juste titre que les juges de première instance n'ont pas retenu la responsabilité de l'État substituée à celle de l'enseignant.
Commentaires
La cour d'appel confirme donc le jugement de première instance en soulignant, comme cela a été fait par la suite, de prévoir un revêtement plus souple autour du pneu.
Les magistrats avaient rappelé que le pneu n'était pas considéré comme l'accessoire du bâtiment et que la responsabilité de la commune ne pouvait être recherchée. On ne sera donc pas surpris que les juges considèrent que lorsque se produit un accident qui peut être mis en relation avec une insuffisance de l'installation, il y a obligation de le signaler à la commune.
Les magistrats relèvent souvent la nécessité des récréations, liée au besoin de détente et de défoulement et la légitimité des jeux pour les enfants, pour autant que la surveillance veille à éviter toute dérive devenant hasardeuse ou tout jeu, par lui-même, dangereux.
Pour ces temps particuliers de la journée des élèves, il importe que les enseignants aient donné des consignes de sécurité précises.
C'est ainsi que l'on peut considérer, à la suite d'une période de grand vent, que des branches tombées au sol constituent un risque prévisible : l'utilisation maladroite ou intempestive des morceaux de bois peut provoquer un accident.
Il appartient alors à un enseignant diligent de retirer des branches ou au moins de les déplacer de l'aire de jeu, ces obligations ne dépassant pas le cadre de la surveillance.
Mais qu'en est-il antérieurement à un premier accident ?
Le principe de précaution trouve ici son application : un tribunal relève (dans un autre cas) que l'accident s'est produit en raison de l'imprudence des institutrices qui avaient laissé à la disposition de jeunes enfants un équipement usagé et dangereux (pneu transpercé de pointes métalliques).
Il appartenait là aux enseignantes d'évaluer si les pneus étaient conformes à l'utilisation faite par des enfants très jeunes et de vérifier que les enfants utilisaient sans risques l'installation.
Il ne faut pas pour autant tirer de conclusions alarmistes et trop générales de cette situation particulière (pneu et pointes métalliques) et plusieurs jugements ont apaisé toute inquiétude en la matière. On ne saurait faire grief à un enseignant chargé principalement de la surveillance des enfants, de contrôler, avant toute mise en œuvre, l'adaptabilité et la conformité des matériels.
Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS,
Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II.